Victor Gilinsky et Henry Sokolski

On sait peu en France que l’Arabie Saoudite veut disposer à son tour de l’énergie atomique, comme l’Iran et contre l’Iran, avec tous les dangers de confrontations, que cela pleut représenter dans une région déjà détruite par les conflits armés ou en cours de destruction, entre ceux pays islamiques qui se livrent une guerre par l’intermédiaire d’autres peuples musulmans (Syrie, Yémen, etc.). Si l’on en croit cet extrait du « Bulletin of atomics scientits » - qui a pour objectif d’informer le public sur le nucléaire – le processus est bien avancé, même si les Usa ne jouent qu’un rôle d’intermédiaire entre la Corée du Sud qui risque d’emporter le contrat et l’Arabie Saoudite. Car comme le disent ces deux scientifiques, incorrigiblement américains, attachés à l’administration américaine dans le cadre de l’agence de non-prolifération des armes atomiques : « les deux pays sont sous notre protection », « nous pouvons le faire dans un objectif de garantir la sécurité ».

L’administration de Trump est sur le point de signer un accord nucléaire avec l’Arabie saoudite. Elle fait preuve de « souplesse » envers l’Arabie Saoudite pour son achat de centrifugeuses, une technologie qui permet l’enrichissement de l’uranium et peut fournir des éléments pour l’arme nucléaire, alors que ces mêmes éléments sont par ailleurs au centre des préoccupations sur le programme nucléaire iranien.

L’administration fait valoir que cette flexibilité est nécessaire, afin que les Saoudiens choisissent l’entreprise Westinghouse comme leur fournisseur de réacteur nucléaire. Mais les performances de Westinghouse, lors de ses deux derniers projets se sont révélées lamentables, et l’entreprise est menacée de faillite. Elle est donc beaucoup moins susceptible de gagner l’enchère que l’entreprise sud-coréenne qui vient de réaliser avec succès un grand projet nucléaire dans les Emirats Arabes Unis, très proches. D’où l’importance d’un accord intermédiaire serré US-Arabie, s’il y a une coopération nucléaire avec Séoul.

Pour obtenir la « flexibilité » du Congrès, la haute administration a utilisé tous les épouvantails habituels. Le secrétaire à l’énergie, Rick Perry, a déclaré le 22 mars devant la commission des forces armées du sénat, « soit c’est la Russie ou la Chine qui vont être le partenaire de la construction de la capacité nucléaire civile dans le Royaume d’Arabie saoudite, soit les Etats-Unis. »

Les Saoudiens, guidés par plusieurs sociétés de lobbying à Washington, ont fait pression sur une grande partie de l’establishment de Washington qui a gobé l’argument, en ajoutant que permettre à Moscou de prendre pied en Arabie saoudite par le nucléaire, porterait un coup sérieux à l’influence et au prestige des États-Unis dans la région.

Mais les Saoudiens ne sont pas assez fous pour choisir la Russie ou la Chine. Moscou fournit le nucléaire à l’Iran, l’ennemi de l’Arabie saoudite, et Pékin doit encore montrer sa capacité à construire un réacteur hors de Chine.

Les Saoudiens ont déjà une histoire de projet nucléaire avec la Corée du Sud. Ils ont signé un accord de « coopération concernant l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire » en 2011 et un protocole d’entente en 2015, afin d’acheter deux petits, « modules » réacteurs coréens (SMART). Des dizaines de saoudiens ont fait le voyage en Corée du sud pour cette formation au nucléaire.

Dans ces circonstances, les prestations d’enrichissement prévues dans l’accord de 2011 Arabie Saoudite/Corée du Sud est d’une importance vitale. Il se lit comme suit : « L’uranium transféré, conformément au présent accord ou utilisé dans les équipements ainsi transférés, ne doit pas être enrichi en isotope U-235 à plus de 20 %, à moins que les Parties en conviennent autrement. » En d’autres termes, l’accord de 2011 permet l’installation de systèmes d’enrichissement, et la fourniture d’un uranium qui pourrait être déjà enrichi à 20 %.

Un élément inquiétant - et jugé préoccupant dans le cas de l’Iran. En effet, procéder à un enrichissement « à plus de 20 % », ne serait-ce que de 10%, peut permettre d’obtenir une bombe explosive. C’est d’autant plus préoccupant lorsque le Prince héritier saoudien s’est promis que si l’Iran obtient la bombe, le Royaume lui aussi devrait y parvenir « le plus tôt possible ».

Cela signifie que si nous avons l’intention de bloquer le chemin de l’Arabie saoudite vers les armes nucléaires, nous devons absolument insister sur une disposition dans notre accord avec l’Arabie saoudite qui reprenne celle inclue dans l’accord Emirats Arabes Unis/Corée du Sud : le pays ne doit pas s’engager sur son territoire dans des activités liées à l’enrichissement ou le retraitement (extraction de plutonium du combustible nucléaire irradié, l’autre manière de parvenir à la bombe). Et nous devons nous assurer que la Corée du Sud s’engage à tenir cette disposition sur les réacteurs saoudiens, avant la signature.

Pourquoi l’Arabie saoudite accepterait une telle disposition restrictive ? Et pourquoi la Corée du Sud accepterait-elle de coopérer ? La réponse est courte, les deux pays sont sous notre protection. Si nous pouvons faire pression sur tous les pays grâce aux règles commerciales - ce dont l’Administration se vante - nous pouvons le faire aussi dans l’intérêt de la sécurité.

Le sénateur Jack Reed, membre de la Commission des forces armées des Etats unis, a déclaré en réponse au témoignage de Perry, « les dangers de la prolifération sont si grands que nous devrions être capables d’exercer toute notre influence, qui va bien au-delà de cette transaction, et insister pour les mêmes normes, que nous avons appliquées aux ÉmiratsLe président Gerald Ford a dit il y a de nombreuses années : s’il y a un choix à opérer, les objectifs de non-prolifération doivent avoir préséance sur l’économique et les avantages énergétiques ».

Bien sûr, cela suppose que l’Administration se conforme à l’objectif traditionnel de la politique américaine qui est d’empêcher la prolifération des armes nucléaires, même entre amis.

Un autre aspect de cette affaire particulièrement préoccupante, née de l’hostilité à l’Iran, c’est qu’une option saoudienne dotée d’armes nucléaires n’est peut-être pas une si mauvaise chose - en fait cela pourrait même être utile pour faire peur à l’Iran. Contre tout ce qui peut être capable d’amener le chaos, nous devons avancer dans la direction opposée, en commençant par l’interdiction à l’Arabie saoudite des armes nucléaires.

10 avril 2018