Pour une Autriche indépendante

L’Autriche dispose d’un nouveau gouvernement depuis le 8 décembre 2017. Les dirigeants du parti populaire conservateur : öVP et le parti de la liberté : FPö, extrême-droite, se sont mis d’accord sur un programme qu’ils ont présenté le 15 décembre 2017. La nouvelle coalition a prêté serment devant le Président fédéral, Alexander Van der Bellen, (passé du parti socialiste aux Verts) qui leur a demandé de se prononcer en faveur de l’Union européenne. Ce qu’ils ont fait en l’inscrivant dans le préambule de leur programme de gouvernement.

L’Autriche aura donc un ministre d’extrême droite, Herbert Kickl, à l’Intérieur et son compère du Fpö, Mario Kunasek, à la défense. Le monopole de la violence de l’Etat sera entre les mains de la droite. Pendant des années Kickl a été le stratège du FPö, le chef des manifestations et des slogans racistes tant dans la rue que sur les murs.

Le programme du gouvernement correspond en grande partie à celui annoncé par l’öVP et le FPö pendant la campagne. Le gouvernement de droite et le patronat ont l’intention d’imposer des exigences pour développer le secteur industriel, pour les années à venir. La « flexibilisation » du temps de travail doit permettre aux entrepreneurs de proposer des contrats de travail avec des horaires allant jusqu’à 12 heures par jour et 60 heures par semaine. Ils pourront être conclus au niveau de l’entreprise, directement entre les employeurs et les employés, et conduire ainsi à un affaiblissement des syndicats et des règles collectives du travail.

Globalement, la Coalition öVP/FPö va attaquer frontalement les couches les plus faibles de la société. Dans le même temps, la charge fiscale pour les entrepreneurs va s’alléger ainsi que les dispositions qui protègent le travail. Tandis que dans presque tous les secteurs on s’attend à des réductions drastiques, l’armée fédérale et la police recevront plus d’argent et pourront procéder à l’embauche de milliers de nouvelles recrues. En outre, le nouveau gouvernement a l’intention de restructurer le système de sécurité sociale. « L’assurance minimale », une prestation sociale pour ceux qui n’ont pas la capacité juridique à recevoir des indemnités de chômage, sera réduite au niveau fédéral. Jusqu'à présent, elle était placée sous la responsabilité de chaque État. Les bénéficiaires des allocations de chômage seront contrôlés avec une plus grande sévérité. Et leurs bonus diminueront avec le temps.

Les projets liés au droit d’asile sont particulièrement revus. Les demandeurs devront fournir à l’avenir, le montant de l’argent qu’ils détiennent. Idem pour les téléphones mobiles, qui devront être examinés par les autorités pour rechercher des éléments liés à l’identité et l’origine de leurs propriétaires. Övp et Fpö souhaitent améliorer « l’efficacité » du « retour ». Dès la constitution de ce gouvernement, de nombreuses organisations ont mis en place une série de manifestations. Des représentants des syndicats et des organisations non-gouvernementales ont annoncé avoir l’intention de s’opposer aux plans de la coalition de droite. L’Autriche démocratique passe en résistance.

« Selbstbestimmtes Österreich » (SBÖ, pour une Autriche indépendante) est une nouvelle alliance politique en Autriche. Leur approche de la politique autrichienne, repose sur quatre lignes essentielles : démocratie, sociale, souveraine, neutre.

Pour une souveraineté démocratique – socialement responsable – neutre –
Contre le gouvernement, soumis à la Fédération des Industries autrichiennes.

Le programme du gouvernement actuel a été rédigé en grande partie par la plume de la Fédération des Industries de l’Autriche et son entourage. Avec ce programme, ces forces voient une chance d’établir un nouveau centre de pouvoir qui va accélérer la contre-réforme néo-libérale sociétale et économique, ce processus s’accompagnant d’une rhétorique chauvine et d’une politique de sécurité. Ils sont conscients du fait que bon nombre des défavorisés ont voté pour eux dans le faux espoir que leur situation sociale s’améliorerait. Le gouvernement a compris qu’il devait agir rapidement. Et cibler toutes les forces sociales et politiques ainsi que les institutions qui s’opposent à la déconstruction radicale néolibérale de la société.

L’orientation politique du gouvernement actuel est en harmonie avec la politique de la bureaucratie de l’UE, donc aucune manifestation contre les mesures prises par ce gouvernement ne pourra en appeler au soutien de l’UE sans s’exposer au ridicule. Or pour s’opposer sérieusement, au développement de l’extrême droite, les transformations néolibérales doivent être remises fondamentalement en cause.

L’élimination des règles commerciales se traduit par une baisse du salaire, des coupes sociales et une atteinte à la démocratie. En conséquence, l’écart entre les riches et les pauvres s’est élargi, avec une concentration des actifs et des richesses entre les mains de quelques-uns, qui atteint des niveaux de l’époque avant 1914. Les incertitudes dans les échanges internationaux se multiplient.

La déréglementation des marchés financiers ne peut compenser ces impondérables et ils deviennent eux-mêmes des dangers explosifs pour la prochaine crise à venir. Les batailles de l’exportation sont une menace pour les relations internationales et déstabilisent le pays et les régions périphériques à un point tel qu’il peut engendrer purement et simplement des conflits belliqueux et des guerres.

L’intégration de l’Autriche à l’UE s’est faite sous le choix d’une reconstruction néolibérale, ce qui signifie que toute manifestation importante contre le gouvernement de droite, doit aussi se dresser contre la politique européenne de droite.

Nous voulons une société démocratique, une société fondée sur la justice, une société qui permette à tous ses membres de participer aux processus décisionnels. Cela signifie que la subordination à toutes les institutions – en particulier la bureaucratie de l’UE – qui accélèrent la reconstruction néolibérale de notre société, doit être brisée. En outre, il faut impérativement se détourner de l’establishment politique qui reprend les concepts et les stéréotypes de l’ennemi, et appelle ceux qui ont été déçus par la gauche à diriger leur hostilité contre elle qui est devenue leur ennemie, et les conduit en même temps à appuyer les mesures politiques qui vont dans l’intérêt des élites.

Nous voulons une société socialement responsable, une société qui respecte et protège les droits collectifs du peuple, une société qui permet une gestion démocratique des processus économiques, et qui tienne compte de l’intérêt de la société dans son ensemble. Notre objectif politique est d’utiliser les gains de productivité pour le développement des services publics dans la santé, les secteurs infirmiers et éducatifs aussi bien que pour le changement écologique au lieu de leur élimination actuelle dans les batailles de l’exportation et de l’accumulation de richesse par les parasites. Notre politique vise à mettre un terme à une situation où les pauvres sont mis en concurrence contre les pauvres ; à la place, nous voulons une société où tout le monde a droit à l’existence dans la dignité et la sécurité.

Nous voulons une Autriche souveraine. Nos objectifs ne peuvent être réalisés efficacement que s’ils sont liés à l’existence d’une entité politique concrète. La démocratie et un État-providence socialement responsable doivent reposer sur un cadre politique particulier. L’accusation de retomber dans le nationalisme est fausse et trompeuse. L’État-nation est encore le cadre dans lequel la vie sociale du peuple s’organise politiquement. L’appel à l’abandon de ce cadre national sous prétexte que ce concept signifierait le retour à la pensée nationaliste, se traduirait en fait par un abandon entre les mains des élites qui, au contraire, utiliseront efficacement l’État-nation comme un outil pour développer encore plus la mondialisation et poursuivre la lutte de classe pour leur seul propre intérêt.

Nous voulons une Autriche neutre. C’est l’héritage de la victoire sur le fascisme allemand et sur son expansion impérialiste. Souveraineté ne signifie en aucun cas isolement et séparatisme. Ce que nous voulons c’est un échange ouvert avec d’autres sociétés en tant que partenaires égaux. Cela implique que chaque collaboration ou coopération avec les grandes puissances comme l’UE ou les blocs militaires comme l’OTAN, qui fixent un ordre mondial fondé sur l’injustice et la violence, doivent cesser. Le statut de neutralité offre la possibilité de travailler de concert et en pleine souveraineté avec d’autres Etats neutres pour contribuer à un monde de relations internationales juste et en paix.

Nous nous attendons à des conflits sociaux et politiques à venir qui se profilent avec les plans du nouveau gouvernement :

* réductions sociales affectant les plus pauvres, en particulier les migrants

* attaques des organismes publics d’autodétermination (les Chambres, la sécurité sociale, etc.).

* attaques sur la négociation collective et les syndicats

* contractions du budget et décroissances des services publics aggravant la fracture de la classe

* cadeaux fiscaux aux sociétés et aux riches

* manque de logements dans les centres urbains

* Etat de plus en plus policier et appareil répressif

*développement de la crise climatique

* déréglementation et libéralisation du transport au lieu de s’efforcer à un virage écologique

* intensification de la campagne contre les réfugiés, les migrants et les musulmans présentés comme des ennemis ; ségrégation au lieu d’intégration

* suppression de notre neutralité par une participation au noyau dur européen

Nous nous engageons à soutenir et à collaborer avec n’importe qui, forces politiques ou institutions, prêt à résister à ces attaques. Nous n’y mettrons aucune condition, sauf le respect des droits politiques et sociaux de tout un chacun dont le centre de vie se trouve être en Autriche. Nous sommes convaincus qu’il faut une rupture avec le régime néo-libéral. Nous ne voulons pas imposer cette conviction à n’importe qui, mais nous voulons montrer quels vont être les conflits à venir.

Notre position doit devenir visible, audible et réelle. C’est pourquoi nous agirons politiquement, dans les médias et dans les actions de rue.

En particulier nous allons nous battre :

* contre le démantèlement des organismes publics représentant la défense des intérêts des classes inférieures qui conduira à une restructuration néolibérale de la société.

*contre un plafonnement imposé de la dette inscrit dans la constitution. Son objectif n’est pas l’équilibre du budget public, mais une limitation supplémentaire de la démocratie

* contre toute coupe dans l’État-providence

“Selbstbestimmtes Österreich”15 mars 2018