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Convoqué en mai à Dijon, Le prochain congrès confédéral de la CGT verra les syndicats se prononcer sur l’activité menée ces dernières années par la confédération, fixer le cap pour l’avenir et élire la direction nationale de l’organisation.

A cette occasion, diverses opinions s’exprimeront : c’est le propre d’une organisation démocratique que de permettre l’expression des différents points de vue.

C’est dans ce contexte que quelques militants semblent vouloir obtenir du Congrès une rupture stratégique et historique en prônant une sortie de la CGT de la Confédération Européenne des syndicats à laquelle nous avons adhéré il y a 20 ans après avoir surmonté bien des obstacles pour y parvenir.

Minimisant l’événement, d’autres pourraient considérer que ce n’est pas là un enjeu prioritaire pour les syndiqués, que ce serait une question secondaire, éloignée du quotidien des adhérents confrontés d’abord à la précarité, au chômage et aux conséquences dévastatrices des choix dictés par les néolibéraux en France et en Europe. Il serait donc inutile de faire toute une histoire des engagements internationaux de la CGT.
Bien au contraire, au travers de ce débat nécessaire c’est toute la conception de notre organisation et de sa vision du syndicalisme qui est en question.

Je suis persuadé qu’une grande majorité des syndiqués a bien conscience de la nécessité pour la CGT d’être présent sur la scène internationale et donc européenne face aux directions d’entreprises et aux gouvernements organisés et coordonnés au-delà des frontières.
Il faut donc accepter la polémique et je souhaite y participer.

Dès sa création en 1973 la CGT a revendiqué toute sa place dans la Confédération Européenne des Syndicats. Georges Séguy, Henri Krasucki puis enfin Louis Viannet ont inlassablement milité pour que le syndicalisme européen soit uni par-delà les parcours historiques et les pratiques syndicales différentes.

Concours de circonstance c’est quelques jours après le congrès de Strasbourg de février 1999 que J’ai eu l’honneur de représenter la CGT pour l’installer au comité exécutif de la CES et consacrer ainsi notre adhésion en mars de la même année.

Une seule organisation s’y opposa lors du vote final : FO qui tenta de se justifier en rappelant les origines de la scission avec la CGT en ...1947 sur une base anticommuniste ! Toutes les autres organisations convenaient enfin que la crédibilité et la représentativité de la CES elle-même passaient par la reconnaissance de la CGT comme acteur syndical incontournable et nécessaire aux objectifs que s’assignaient les syndicalistes en Europe.

Notre volonté d’apporter notre contribution à la construction des convergences et des luttes en Europe et au-delà ne découle pas d’un phénomène de mode mais s’enracine dans une conviction affirmée et une tradition historique : la CGT se doit d’être unitaire et internationaliste.
Toutes les étapes de nos engagements internationaux ont été très largement validées par chacun des congrès de la CGT.

La confédération Européenne des syndicats est aujourd’hui composée de 89 organisations issues de 39 pays disposant de 45 millions de membres. Conformément à ses statuts, elle est constituée de « syndicats libres, indépendants, démocratiques » et s’affirme « unitaire, pluraliste, représentative de l’ensemble du monde du travail, sur le plan européen ». C’est donc une évidence de constater qu’y siège des syndicats dont la démarche peut- être pour certains proche de celle de la CGT et pour d’autres plus éloignées.

C’est une autre évidence de constater que ce pluralisme syndical peut provoquer des confrontations de points de vue lorsqu’il s’agit de définir les objectifs et les moyens d’action à mettre en œuvre pour assurer la défense des travailleurs en Europe.

Doit-on pour autant déserter le terrain quand la tâche est difficile ?

Pourquoi vouloir faire un cadeau à ceux qui s’efforcent d’isoler la CGT systématiquement et sur tous les plans et plus largement d’affaiblir le mouvement syndical, pour être plus à l’aise dans la conduite de leur politique ?

L’action syndicale au niveau national, dans chaque pays reste indispensable mais ne suffit pas. La coopération syndicale en Europe dans les entreprises et les groupes multinationaux est incontournable pour combattre le néolibéralisme et la mise en concurrence des travailleurs. Des milliers de militants de la CGT dans leur entreprise, leurs fédérations s’efforcent au quotidien de construire l’unité avec des camarades d’autres pays tout simplement parce que c’est une dimension incontournable de l’action syndicale. La Confédération Européenne est le cadre naturel et commun à tous pour ce travail unitaire par-delà les frontières.

L’un des arguments pour tenter de justifier notre désertion repose sur la critique d’une CES « pas assez revendicative et combative ». Je peux entendre cette critique et la partager, elle n’est pas nouvelle et à ma connaissance la CGT ne s’est jamais privé d’exprimer son opinion sur la conduite de l’organisation, de faire des propositions pour susciter davantage de luttes coordonnées pour des conquêtes communes. Il n’y a aucune raison que cela change à l’avenir

Quelques soient les griefs à adresser à sa direction il faut aussi convenir que la Confédération Européenne est d’abord le fruit de ce que veulent en faire chacune des organisations membres.

La plupart des syndicats sont confrontés à l’urgence et à la pression des événements dans leur propre pays. Réformes drastiques du droit du travail, des systèmes de protection sociale, mise en concurrence exacerbée des travailleurs. La « troisième guerre mondiale est sociale ». Elle se développe aussi sur le théâtre européen. Il n’est donc pas surprenant que chaque organisation soit « aspirée » par la tentation d’un repli national d’autant que le « nationalisme politique » progresse en de nombreux endroits en Europe comme en France.

Il faut donc agir et intervenir sans relâche pour convaincre que la dimension internationale de l’intervention syndicale n’est pas un supplément d’âme, qu’elle ne saurait se contenter de l’expression ponctuelle de solidarités de principe, face à un capitalisme mondialisé, cohérent sur l’essentiel en dépit de sa diversité.

Pour peser sur les événements il faut être présent dans le concert européen. Il faut y jouer notre partition CGT, forte et fière de sa réputation et respectueuse de celle des autres. Nous ne devons être ni censeurs ni donneur de leçons mais plus simplement engagés délibérément, avec toutes les autres bonnes volontés, pour renforcer les capacités du syndicalisme et prétendre ainsi modifier le cours des choses.
Ne sous estimons pas l’impact de l’opinion de la CGT dans la marche du syndicalisme international. L’avis de la CGT ne laisse pas insensible qu’on partage ses analyses ou pas son avis est attendu.

Quel message serait envoyé si nous décidions de renoncer ? Ce serait l’incompréhension la plus totale chez tous nos partenaires syndicaux.
Comment expliquer à tous les autres syndicalistes d’Europe qu’ils font fausse route ? Qu’ils n’aient rien compris « à la lutte des classes » et qu’à ce titre la CGT décide de faire cavalier seul en Europe en quittant la CES ?

Il faut en être conscient la CGT serait la seule organisation en Europe dans cette situation. Je n’ose y croire.

On peut comprendre que, face aux ravages générés par l’Union Européenne dans sa forme actuelle, le sentiment puisse se développer que la CES joue un rôle insuffisant et insatisfaisant. La CES est un outil indispensable qui peut être davantage mis au service d’une nécessaire transformation institutionnelle et politique de l’Union Européenne. Sans elle il ne peut y avoir d’Europe sociale.

La CES doit retrouver le chemin de la rue européenne comme elle le fera par une euro manifestation le 26 avril prochain à Bruxelles. L’insistance de la CGT pour construire ce rendez-vous a été essentielle, tout comme pour la préparation de la première manifestation internationale à Genève le 17 juin en défense du droit de grève et des libertés syndicales partout dans le monde.

En siégeant sur les bancs des représentants des travailleurs à l’Organisation Internationale du Travail, depuis juin 2014, je côtoie des militants syndicaux du monde entier. Certains assument leur engagement dans des conditions de précarité et d’insécurité intolérables. Je constate leur intérêt permanent pour l’apport qui est celui de la CGT au plan international.

Je suis convaincu qu’ils attendent du 52e Congrès la confirmation des engagements internationaux de la CGT.