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Il est clair que nous entrons dans une ère de conflits sociaux, politiques et internationaux très graves et que nous ne pouvons exclure de nouvelles guerres.

Cela a commencé comme une crise Chinoise, puis s’est transformé en une crise sanitaire mondiale accélérant une crise économique mondiale déjà très profonde, qui menace également les conflits géopolitiques ouverts. La crise économique interagit aussi fortement avec les efforts du capitalisme occidental pour contrôler la montée de la Chine, de la Russie et d’autres puissances internationales. La crise reflète simultanément les nombreux problèmes de « vie ou de mort », le développement de forces productives et de nouvelles technologies faisant face de l’humanité.

Nous savons très bien, de l’histoire du capitalisme, que les crises aussi profondes que celle à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui - en réalité depuis 2008 – est comparable aux crises économiques de 1873 et 1929 et qu’elle a le potentiel de provoquer des ruptures de « changement de régime ». Les deux précédentes crises d’une même profondeur (1873, 1929) ont produit deux guerres mondiales, des révolutions (russes et chinoises), des « contre-révolutions » (fascisme et nazisme) et d’énormes projets de réforme (New Deal, le modèle capitaliste social-démocrate d’après-guerre, jusqu’en 1980).

S’il est impossible de faire des prédictions sûres pour l’avenir, il est déjà clair que nous entrons au plan mondial dans une ère de conflits sociaux, politiques et internationaux très graves et nous ne pouvons exclure de nouvelles guerres. Nous ne pouvons pas dire ce que sera le monde de demain ou quelle sera la place du capitalisme. Ce que nous pouvons dire avec presque certitude, c’est que le monde futur sera très différent de celui que nous connaissons.

Une situation radicale demande des réponses radicales

Si une telle prédiction se réalise, cela signifie que la gauche occidentale, la Chine ou la Russie doivent s’éloigner de leurs stratégies habituelles, essentiellement « conservatrices », de leurs efforts pour défendre l’acquis de la situation précédente, et trouver un moyen de « répondre » aux forces les plus agressives de l’« Empire de la Finance » et du capitalisme occidental.

Si vous êtes conservateur dans des temps radicaux, des temps de changements énormes et des bouleversements, vous êtes condamnés à perdre.

Il en va de même si vous êtes radical dans des temps plus « conservateurs ».

Bien sûr, nous ne voulons pas dire que la Russie ou la Chine devraient se lancer dans une sorte de guerre contre l’Amérique et l’Occident. Ce que nous voulons dire, c’est qu’ils doivent trouver la force et l’inspiration pour proposer et se battre pour un nouvel ordre mondial radicalement différent. Quant à la gauche occidentale, si elle existe, pour exister, elle doit aussi remettre en cause l’ordre établi d’une manière fondamentale. S’ils ne le font pas, tous vont courir le risque de défaites énormes, d’aider, par inadvertance, les forces les plus radicales de la finance internationale et le capitalisme occidental, augmentant ainsi aussi la probabilité de guerres catastrophiques ou d’autres catastrophes mondiales.

Comme ils le font habituellement en temps de crise, les « léninistes des marchés » tenteront très probablement d’utiliser la crise et le choc associé pour faire avancer leur programme. Ils savent que le capitalisme occidental, tel que nous le connaissons, n’est pas durable. Ils tenteront d’exploiter la crise afin de le remplacer par un système de surveillance totalitaire bien pire, une techno-féodalité et une guerre permanente pour maintenir leur domination. Ils le font déjà en lançant des guerres froides et des guerres de sanctions contre la Chine, l’Iran, Cuba et la Russie, ou en faisant sauter le système international (OMS).

Certaines personnes signent des articles décrivant la fin du capitalisme à la suite de cette crise. C’est une illusion. Le capitalisme trouvera toujours un moyen de survivre. Il est même capable de nous pousser vers son cimetière car il lutte pour survivre. Le capitalisme ne mourra pas automatiquement, à cause de ses contradictions internes. Il disparaîtra et sera remplacé comme système social que si les gens le font disparaître.

Une crise du passé, mais aussi une crise d’avenir

Rien de ce que nous avons déjà exposé n’est vraiment nouveau dans l’histoire humaine et, en particulier, l’histoire du capitalisme mondial. Ce qui est fondamentalement nouveau et rend cette crise potentiellement la plus dangereuse de toute l’histoire de l’humanité, c’est le fait qu’elle se déroule en présence de nouvelles forces et technologies productives que nous avons développées et continuons à faire, dans un rythme exponentiel, depuis 1945.

Ces forces et technologies productives, si elles ne sont pas contrôlées, non seulement sont capables de détruire la vie sur terre, mais elles le feront à coup sûr, très probablement au cours de ce siècle. Pour les contrôler, nous avons besoin d’un système de relations sociales, économiques, internationales, radicalement différent, nous avons besoin en effet d’une civilisation différente. Cela semble irréaliste et utopique. Mais il est beaucoup plus utopique et irréaliste d’espérer que le monde survivra tel qu’il est organisé aujourd’hui.

Ce n’est pas seulement irréaliste, c’est clairement impossible et nous devons commencer par cet élément de réalité afin de construire la politique.

Si cette idée devient commune dans l’esprit des gens, alors probablement ils auront le pouvoir de modifier fondamentalement la situation, rendant un autre monde possible. En ce sens, la crise du coronavirus n’est pas seulement une tragédie, c’est aussi une opportunité, probablement la dernière que nous aurons.

C’est une opportunité parce que même aujourd’hui, avec toute cette crise et les catastrophes qui se déroulent partout dans le monde, cela n’est en rien comparable à ce qui adviendra si nous laissons la production, la technologie, l’interconnectivité, l’urbanisation, le changement climatique, la pollution généralisée de notre environnement, de nos esprits, de nos corps et de notre ADN, incontrôlés.

Bien qu’il soit trop tôt pour faire des prédictions spécifiques, les premières indications que nous avons concernant la réponse de l’Empire des finances et de l’establishment occidental à la crise nous fournissent de précieux indices de ce qui va suivre. Ils nous donnent aussi de nombreuses raisons de s’inquiéter.

Il y a aujourd’hui deux factions en concurrence pour le pouvoir à l’intérieur de l’establishment occidental et au sein de la capitale de l'« Empire de la finance », qui gouvernent ou aspirent à gouverner le monde. Ces deux factions, ces partis s’accordent sur l’objectif stratégique, qui n’est autre que la domination éternelle du monde par la finance. Mais ils sont fortement en désaccord sur les méthodes, les idéologies, les stratégies pour atteindre cet objectif.

Un groupe se compose des élites néolibérales classiques de la globalisation (Soros, Fukuyama, Obama, Merkel). Ils promeuvent la « dissolution » des nations en un énorme « marché » mondial capitaliste. Le prototype de l’organisation mondiale à venir, selon l’aile pro « mondialiste » de l’establishment occidental, est l’Union européenne, une structure de pouvoir post-moderne, méta-nationale, sui generis, contrôlée, en analyse finale, par un système de procédures labyrinthiques, par l’Empire des finances, l’oligopole des grandes banques internationales et d’une poignée de multinationales (et de l’OTAN, en ce qui concerne la géopolitique).

Le deuxième camp se compose de l’aile « néo con nationaliste » (Huntington, Pompeo, Bannon, Netanyahu, Thiel avec Trump). Cette deuxième tendance n’est pas hostile aux nationalismes en tant que tels. Au contraire, elle veut utiliser les nationalismes opposés pour dominer par la « guerre des civilisations », pour diviser et gouverner » et des stratégies de chaos.

La première faction gouverne l’Europe, La deuxième faction, les États-Unis. Leurs réactions à la crise du virus corona sont très différentes dans le sens où la deuxième faction est tentée de lancer des guerres comme une réponse à ses problèmes. La première ne fait pas cela, mais, incapable de produire une réponse globale à la crise et profondément divisée elle-même, elle provoque maintenant une sorte de guerre civile à l’intérieur de l’Europe !

Le groupe Pompeo - Netanyahu et Bannon - Trump répond à la crise en imposant des sanctions en pleine pandémie, en menaçant une intervention militaire sur le Venezuela et en Iran, en ne permettant pas la livraison d’une aide médicale par Cuba, pressant les pays de ne pas accepter l’aide médicale de Cuba, en lançant une guerre froide prolongée contre la Chine et en préparant en réalité une guerre chaude et attaquant tous les éléments de la coopération internationale inclus dans l’OMS. Washington vole même des masques et du matériel médical à ses alliés.

Ces réactions confirment le fait que, sous Trump et Pompeo, les États-Unis ont cessé d’essayer de préserver leur domination par le biais d’un pouvoir politique et économique « soft ». Trump, réagit principalement aux défis soit par le terrorisme financier (sanctions) - en utilisant sa position particulière dans l’architecture financière internationale - ou en recourant au pouvoir militaire ou à la menace de l’utiliser. C’est en réalité le reflet d’une faiblesse, mais très dangereuse. La politique américaine devient de plus en plus une sorte de « gangstérisme », et une politique pénale.

Les réactions des deux factions à l’intérieur de l’Occident - celle qui gouverne les États-Unis, et l’autre l’Europe - reflètent en réalité l’impasse du capitalisme tardif et sa tentation de recourir à des politiques catastrophiques et à des choix totalitaires. Le choix totalitaire est beaucoup plus clair et prononcé dans la politique de l’aile Pompeo - Trump - Netanyahu (celui qui était également responsable des campagnes contre l’Iran, la Corée et le Venezuela, des sanctions généralisées et du retour des menaces nucléaires comme un outil diplomatique). Les États-Unis sont devenus aujourd’hui, la principale force révisionniste, menaçant la paix mondiale.

Malheureusement, la faction opposée, les anciennes élites « mondialistes- néolibérales », qui gouvernent l’Europe, l’autre pilier du capitalisme occidental, si elle évite d’opter pour des solutions de guerre, elle est également encline à utiliser des méthodes totalitaires, bien que plus « pacifiques » et moins « violentes ». Elle reste incapable de produire une alternative positive, une énorme différence par rapport au capitalisme dans le passé. Aujourd’hui, nous ne discernons rien de comparable à Roosevelt, Keynes, Kennedy, De Gaulle, à la social-démocratie, au modèle allemand d’après-guerre, etc. C’est pourquoi la crise provoquée par le coronavirus est déjà la plus grande crise de l’histoire de l’Union européenne et nous devrions penser quels sont les dangers et quelles sont les possibilités de cette crise.

14 mai 2020