Imprimer

Tony Cartalucci est un chercheur géopolitique basé à Bangkok et écrivain, en particulier pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook » où cet article a été initialement publié..

Une récente altercation entre les forces russes et les occupants américains dans le nord-est de la Syrie a contribué à mettre en évidence la position de plus en plus précaire de Washington, non seulement en Syrie, mais dans tout le Moyen-Orient.

Après avoir tenté de bloquer les véhicules militaires russes, les forces américaines se sont retrouvées littéralement chassées de la route avec une puissance aérienne russe écrasante planant au-dessus.

Après s’être plaints que les troupes américaines avaient été « blessées » dans l’incident et condamné la Russie pour « des actions dangereuses et non professionnelles », les États-Unis ont annoncé qu’ils déployaient plus de troupes et d’équipement militaire pour renforcer son occupation illégale du territoire syrien.

Les États-Unis ont également affirmé que leur présence continue en Syrie cherche officiellement à faire face et à éliminer l’auto proclamé « Etat islamique » (ISIS), mais les comptes officiels tenus par le gouvernement américain et le département américain de la Défense sur une base presque quotidienne fournissent un nombre large et changeant d’excuses.

Le 20 septembre, le compte Twitter d' « Inherent Resolve » (nom de l’opération militaire en Syrie) annonçait :

« Les véhicules de combat Bradley offrent la flexibilité rapide nécessaire pour protéger les ressources pétrolières essentielles. »

La région que les Etats-Unis occupe est également l’endroit où la majorité du pétrole syrien est extrait, et la « protection » par l’Amérique sur ces ressources fait partie d’une stratégie plus large, non pas pour lutter contre l’Etat islamique, mais pour nier à l’État syrien, qui a éliminé l’Etat islamique de tout le territoire qu’il contrôle, à la fois l’énergie et les revenus de ses propres ressources naturelles.

Les États-Unis sont en Syrie essentiellement pour affaiblir le gouvernement syrien qui a mené la lutte contre l’Etat islamique et provoquer des affrontements avec la Russie qui a joué un rôle clé dans l’aide à Damas contre l’Etat islamique, Al Nusra, et d’autres affiliés d’Al-Qaïda.

Les États-Unis étaient en Syrie en 2015 un an avant l’invitation de la Russie par Damas pour une aide aux opérations de sécurité contre l’Etat islamique et les affiliés d’Al-Qaïda. L’armée russe a rapidement commencé à bombarder les lignes d’approvisionnement alimentant l’Etat islamique et d’autres groupes terroristes de l’autre côté de la frontière syrienne en Turquie. La capacité de combat de l’Etat islamique s’est rapidement effondrée et reste isolée dans des poches rendues inaccessibles par l’occupation continue du territoire syrien par l’Amérique.

Un microcosme de l’échec plus large de l’Amérique dans la région MENA

La confrontation avec la Russie et la décision de renforcer la présence militaire américaine en Syrie ne sont qu’un exemple de la lutte plus large de l’Amérique pour maintenir sa primauté envahissante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA).

Malgré le début du XXIe siècle avec une présence militaire écrasante en Afghanistan et en Irak et l’expansion de son implication dans la région en 2011 par le biais du « printemps arabe » soutenu par les États-Unis – la puissance et l’influence américaines ont visiblement diminué. Ses tentatives de contrôler pratiquement tous les aspects de la politique intérieure de l’Irak ont échoué face à la recherche des Irakiens de liens alternatifs avec l’Iran voisin.

Alors que Washington a réussi à renverser le gouvernement libyen en 2011, il n’a pas fait de même en Syrie. Non seulement il n’a pas réussi à évincer le gouvernement syrien, mais il l’a transformé en vecteur de puissances mondiales émergentes alternatives pour contester et faire reculer l’influence américaine dans la région. Cela inclut notamment la Russie mais aussi l’Iran et la Chine.

Si au tournant du siècle des centaines de milliers de soldats américains ne purent transformer la région favorablement pour Washington, ses actions provocatrices mais petites dans l’est de la Syrie n’auront probablement aucune influence.

Dans ce contexte, Washington s’oppose également à l’Iran. C’est la création puis le retrait prévisible de son « Iran Nuclear Deal » (l’accord sur le nucléaire) qui a montré les États-Unis comme un acteur mondial néfaste agissant de mauvaise foi. Ses tentatives de pression et d’isolement de l’Iran se sont de plus en plus transformées en une campagne plus large pour faire pression et contraindre un nombre croissant de nations intéressées par le commerce et les relations normales avec Téhéran.

Les États-Unis ont de moins en moins de cartes à jouer dans la région et plus particulièrement en Syrie. Si la Syrie et ses alliés peuvent trouver des moyens de contourner les sanctions économiques paralysantes que les Etats-Unis utilisent pour ravager le peuple syrien et saper la capacité de Damas à faire en sorte que la défaite de l’Etat islamique perdure – les Etats-Unis auront les mains vides, surmenés et exposés dans les déserts orientaux de la Syrie.

Plus Washington sera antagoniste avec la Syrie, la Russie et la Chine, plus il sera facile pour chacun de ces pays de justifier les mesures prises pour préserver et protéger leurs intérêts collectifs – ainsi que de gagner le plus grand nombre d’Etats de la communauté mondiale pour les soutenir dans ces efforts. La stabilité est la clé centrale de la prospérité. La politique étrangère de l’Amérique s’est pleinement révélée être un moteur mondial d’instabilité qui coûte même à ses propres alliés des opportunités socio-économiques et la stabilité.

La politique étrangère américaine est insoutenable. Ceux qui l’aident encore, y compris la Turquie, se préparent à des affrontements directs que la Syrie et ses alliés veulent éviter, mais si leurs manœuvres réussissent – ils se retrouveront encerclés, coupés de leur base.

S’il est trop tard pour que le « projet syrien » américain réussisse un jour dans son objectif initial de changer le régime, il n’est pas encore trop tard pour que ces forces se désengagent de cette campagne qui peut plonger la région, ses peuples et leurs alliés dans un bourbier qui ne fera que laisser Washington et ses alliés isolés et impuissants sur la scène mondiale.

 

24 septembre 2020, Global Research