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La fin de la deuxième guerre mondiale ne s’est pas terminée avec les accords de Yalta et le partage du monde en deux zones d’influences : l’impérialisme « occidental » et le grand ensemble de la Russie soviétique ((Fév. 1945). Deux blocs antagoniques, qui se disputèrent l’influence politique et militaire, et détiennent l’armement nucléaire. Et quand deux plaques tectoniques se rencontrent, il s’en suit immanquablement un séisme !

L’Ukraine est le dernier avatar de ce long conflit, qui trouve ses racines dans ce partage du monde. Avec d’un côté la décision politique américaine de contenir « l’expansion du communisme », (comme en Corée ou au Vietnam, dans les mouvements de décolonisation en Afrique, à Cuba, etc.,). Mais sous la bannière étoilée se cachait une volonté de suprématie « occidentale », c’est-à-dire des Etats unis d’Amérique du nord de diriger le monde

Cette ambition s’oppose à celle de de la Russie soviétique, qui se voulait porteuse d’un « avenir radieux », socialiste, (livre de Zinoviev,1978, l’âge d’homme, réédité au Seuil en 1985) face à l’impérialisme « occidental ». Sauf que les Russes n’ont jamais connu la « démocratie », telle que nous la concevons en Europe – exceptée une courte période, de la fin du 19ème siècle jusqu’à la fin de la révolution russe qui se conclue avec la mort de Lénine.

En effet, bien que Staline fût le grand fossoyeur de l’idée révolutionnaire bolchévique, l’URSS, une « union libre et égalitaire » de républiques socialistes qui se sont créées dans la suite de la révolution de 1917, a galvanisé des peuples « épris de justice sociale et de liberté ». Alors, Moscou était célébrée par les poètes :« Moscou, la lumière rouge qui brillait à l’Est ». Cette courte idylle l’a été tout au moins jusqu’aux révoltes des peuples placés sous son autorité : Berlin (1953), Budapest (1956), Prague en 1968, les pays du « glacis », l’Europe « de l’Est ».

La suite ne fut qu’une série de confrontations mettant plus ou moins la paix mondiale en danger. La crise des missiles à Cuba1963, la guerre russe en Afghanistan (1979/1989), l’implosion fatale de l’Urss à bout de souffle sous Gorbatchev/Eltsine en 1991, les « révolutions de couleurs », etc. Cette région de l’Europe centrale n’a cessé de connaître une grande instabilité.  (Cf. : L’Ukraine enjeu d’une guerre entre « super puissances » ? Danielle Riva, utopie-critique.fr numéro 86 février 2022).

Notes sur un conflit

Il ne s’agit pas ici de dédouaner de quoi que ce soit Poutine. Il a réalisé une grossière erreur stratégique en envahissant Ukraine. Il l’agresse militairement, on ne peut le soutenir. Mais sans refaire la genèse de l’histoire, quelques rappels de l’histoire, sont utiles.

Les Russes, c’est-à-dire à l’époque Gorbatchev l’homme du renouveau socialiste de « pérestroïka et glasnost » avaient négocié la réunification de l'Allemagne avec Helmut Kohl (1990), contre une aide agricole et économique. Cette réunification a été le signal de la fin de l’emprise soviétique pour les pays « frères ». Les unes après les autres, leurs populations ont littéralement franchi les frontières pour se diriger vers « l’ouest » et satisfaire leur soif de consommation et de « libertés ». Les réformes engagées par Gorbatchev, qui n’en avait ni les moyens économiques ni la force politique, ne les ont pas convaincues ! La Russie retrouve alors ses anciennes frontières.

La chute et le pillage s’accentuent jusqu’à l’arrivée de Poutine en mars 2000 qui s’est aussitôt engagé à redresser la situation économique et sociale, avec la traditionnelle brutalité russe. Poutine est d’abord un nationaliste russe avec une ambition : en finir avec l’humiliation de « l’occident » et redonner à la Russie son lustre de grande puissance. Au début de son mandat il était amical avec cet « occident », cherchant les contacts, le soutien économique et les échanges, avec ses voisins européens et les Américains qui avaient aidé pourtant à la destruction de son pays.

Bien entendu, les Etats unis ne le voyaient pas de cette manière, bien que quelques voix précédemment se soient élevées demandant une ouverture vers la Russie. Comme celle, déjà en 1994, de Zbigniew Brzeziński. D’origine Polonaise, ex conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter de 1977 à 1981, intervenant ensuite à divers titres, il a effectivement mis en garde les Etats Unis : « contre le danger d’une « humiliation de la Russe. " (1994).

Les Etats Unis : une politique de harcèlement. La Russie est un immense pays avec un sous-sol riche en hydrocarbures, etc. Une Russie que l’on vit peu à peu reconstituer son économie à partir de l’exploitation de ses matières premières, réintervenir dans le débat mondial, assumer son droit de veto à l’ONU, et qui a surtout compris que les « occidentaux » : a) ne respectent pas leurs promesses, b) lorgnent sur ses « richesses », c) veulent lui fermer ses voies de communication : « les mers chaudes » d) suppriment la langue russe, e) s’implantaient à ses frontières par le biais des « révolutions couleurs » : Rose en Géorgie 2003, Orange en Ukraine 2004.

  1. a) L’Otan, les américains, avaient assuré auprès de Gorbatchev qu’ils ne militariseraient pas les pays frontaliers de la Russie, alors que les Russes avaient dissous leur pacte de Varsovie (1955/1991). Les uns après les autres, ces pays ont adhéré d’abord à l'Otan, puis ensuite à l'UE.
  2. b) La Russie : un sous-sol riche en énergies fossiles. C’est un sérieux concurrent pour les Américains qui veulent vendre leur gaz de schiste, cher, difficile à extraire et à transporter, une extraction et un transport antiécologiques, mais une industrie avec laquelle ils ont pu créer des milliers d’emplois et revenir au premier rang des exportateurs sur les marchés internationaux. Le programme de Gaz Prom avec son gazoduc Nord Stream 2 devait augmenter la livraison directe du gaz russe en Europe - surtout aux Allemands qui sont dans une grande dépendance – en passant sous la mer Baltique et contournant la livraison du gaz qui transitait par l’Ukraine. Les États-Unis, l'Ukraine, la Pologne et les pays baltes ont été dès le départ hostiles au nouveau pipeline. Ce projet vient d’être gelé à la demande pressante des Américains. 10 milliards d’Euro investis : un beau gâchis et surtout une nouvelle crise à venir de l’énergie pour les Européens !
  3. c)  L’ « accès aux mers chaudes », libres de glaces, la Mer Noire, a été bloqué par l’Ukraine. Cette navigabilité offre aux Russes un accès plus aisé pour son commerce international (de même que Kaliningrad). Selon les Russes c’est l’un de leurs intérêts vitaux. Or les Ukrainiens refusèrent de renouveler les droits de mouillage de la flotte en Crimée. C’est l’une des raisons de l’annexion de la Crimée en 2014, (et un référendum). Et l’Ukraine, a aussi fermé le canal de Crimée du Nord qui apportait à la péninsule 85% de son eau, obligeant la Russie à approvisionner la région en eau par le pont du détroit de Kertch, construit à un coût énorme entre 2016 et 2019. 
  4. d) l’annonce par Kiev de la suppression de la langue russe – deuxième langue officielle - parlée par 40% de la population dite « russophone », a été un vrai coup de tonnerre. Le gouvernement ukrainien a rectifié quelques jours après en rétablissant son enseignement !
  5. e) Les manœuvres américaines en Géorgie (guerre de 2008) et surtout en Ukraine (depuis 2004) ont été clairement attestées par les Américains eux-mêmes. Il y a eu la déclaration lors du sommet annuel de l’OTAN en 2008 : l’administration George W. Bush a publiquement appelé les voisins de la Russie, l’Ukraine et la Géorgie, à adhérer à l’alliance militaire de l’OTAN. Le secrétaire général de l’OTAN a déclaré : « les deux pays finiraient par en devenir membres.". Et en 2013 la déclaration de Nuland (Secrétaire d’Etat, adjointe au bureau des affaires européennes et eurasiennes) – aperçue sur la place Maïdan en 2014 aux côtés de Biden – confirme que «  Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les États-Unis ont soutenu les Ukrainiens dans le renforcement des compétences et des institutions démocratiques, dans la promotion de la participation civique et de la bonne gouvernance, qui sont toutes des conditions préalables à la réalisation des aspirations européennes de l’Ukraine. Nous avons investi plus de 5 milliards de dollars pour aider l’Ukraine à atteindre ces objectifs et d’autres qui garantiront une Ukraine sûre, prospère et démocratique» (Washington D.C. - US Department of State 2013).

L’Ukraine de la place Maïdan, est bien l’œuvre de Nuland et Biden (et des commandos fascistes). Avec Nuland, toujours à la manœuvre, qui distille son poison en Europe et en Eurasie, il y a peu d’espoir que la guerre en Ukraine cesse avant plusieurs mois ! C’est une guerre « pour épuiser la Russie » (Biden). Pour la faire disparaître du monde comme entité politique indépendante ! Qu’importe le nombre de morts de part et d’autre et le risque d’extension de la guerre !

La « sécurité russe ». La Russie a indiqué à plusieurs reprises qu’elle était consciente des tactiques de l’OTAN et qu’elle défendrait ses frontières et sa région par la force, s’il le fallait. A plusieurs reprises, depuis une dizaine d’années, elle a demandé des discussions, des négociations pour une solution équitable au sujet de sa propre sécurité y compris auprès de Biden. Celui-ci et son administration ont fait la sourde oreille.

La guerre en Géorgie, il faut la comprendre comme une répétition ! La Géorgie de Mikheil Saakachvili, dans le passé proche, avait été secouée par une guerre civile et différents conflits qui n’ont jamais été réglés (1991/1993 :1998), conflits latents qui touchaient l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, deux régions qui voulaient conserver leurs liens avec la Russie. « Mal conseillé » par les « Spin doctors » (conseillers Américains). L’apprenti sorcier, Shaakachvili (actuellement en prison pour abus de pouvoir !), bombarda à nouveau la capitale de l’Ossétie récalcitrante, en aout 2008. Poutine réagit immédiatement par une « guerre éclair » de quelques jours, et annexe les deux régions !

L’Ukraine, courte histoire. L’Ukraine c’est un pays plus grand (44 millions d’habitants) que la Géorgie (3,7 millions d’habitants) et une histoire particulière avec la Russie. C’est un pays composite de plusieurs peuples où l’idée nationale est relativement récente. « L’Ukraine n’exis­tera comme état for­mel­le­ment indé­pen­dant qu’à partir de décem­bre 1991 lors de la dis­so­lu­tion de l’Union sovié­ti­que signée par Boris Eltsine et les repré­sen­tants de l’Ukraine et de la Biélorussie ». « Le terme d’Ukraine (Ukraina) appa­raît lui à la fin du XVIe siècle, à la fin de l’occu­pa­tion mon­gole quand les royau­mes de Lituanie et de Pologne fusion­nent en un royaume de Lituanie et de Pologne, dominé par l’aris­to­cra­tie polo­naise, au sein duquel sont inté­grés l’essen­tiel des ter­ri­toi­res jadis soumis aux prin­ces de Kiev. Ukraina signi­fie : « le ter­ri­toire fron­ta­lier ».

Le terme d’Ukraine dési­gne alors « une entité ter­ri­to­riale et non une iden­tité natio­nale même embryon­naire. » Au début du XXème : « le natio­na­lisme ukrai­nien est encore bal­bu­tiant et beau­coup plus marqué par l’influence du clergé uniate. Cette réa­lité pous­sera Rosa Luxemburg à affir­mer que la ques­tion ukrai­nienne était l’inven­tion d’une poi­gnée d’intel­lec­tuels et n’avait aucune réa­lité his­to­ri­que. ». « L’Ukraine res­tera long­temps en dehors de ce pro­ces­sus [nationaliste] pour deux rai­sons : c’est une terre divi­sée entre plu­sieurs royau­mes (La Pologne, la Russie et la Roumanie puis après les trois par­ta­ges de la Pologne en 1775, 1793 et 1795, la Russie, l’Autriche -Hongrie et la Roumanie) ». « En 1783, Catherine II arra­che la Crimée à l’Empire otto­man ». (L’Ukraine hier et aujourd’hui par Jean-Jacques Marie, 9 avril 2022 – Interventions démocratiques).

Russes/Ukrainiens, des peuples qui plongent leurs racines dans des histoires qui s’interpénètrent, mais qui se livrent à une guerre fratricide.

Cela dit, il ne faut cependant pas oublier qu’en 1941, Hitler a recruté une partie des Ukrainiens ultra-nationalistes dans ses commandos d’élite y compris pour l’extermination des juifs dite la « shoah par balles ». Il a favorisé la formation d'un Etat Ukrainien pour une courte durée. C’est là toute l'histoire de Bandera, à la présence si vivace dans le souvenir des groupes paramilitaires

L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Adhérer à l’Otan, c’est d’abord adhérer aux guerres des USA. Les Ukrainiens bombardent depuis 2014 les régions « séparatistes » pro-russes du Donbass. La région des mines de Charbon, au dur travail. Les troupes russes s’amassent depuis un certain temps pour des manœuvres à la frontière ukrainienne. Zelensky annonce qu’il veut adhérer à l’Otan. La Russie décide alors d’intervenir directement dans le Donbass assiégé par les Ukrainiens depuis 2014, qui compte déjà 15000 morts du côté pro-russe.

La Yougoslavie. Cette guerre de l’Ukraine, nous fait penser à la guerre de 1914, qui fut non seulement un affrontement entre Empires, un démantèlement de l’Empire austro-hongrois, mais aussi un conflit des nationalités. Il a ressurgi avec la guerre de bombardement de la Yougoslavie entre 1991/2001, décidée (et non réglée) par le refus d’organiser des discussions - alors qu’il y avait encore une chance de sauver la paix - autour de l’avenir de cet ensemble « non aligné », créé par Tito en 1945. L’Otan a bombardé la Serbie (culturellement très proches des Russes) et donné le statut d’Etat indépendant au Kosovo, une minorité musulmane, ce même statut qui est refusé au Donbass et à la Crimée !

L’Europe a soutenu chacun des pays de l’ex-Yougoslavie, qu’elle considérait comme « sien ». Otan, Europe, ont tous affronté militairement la Serbie, (même Mitterrand soupçonné par les autres d’amitié pro-serbe), cette enclave slave « amie » fidèle de la Russie.

« Pourquoi les « séparatistes Russes ? » Il existe un problème récurrent qui n’a pu être réglé avec l’implosion extrêmement rapide de l’URSS en 1991, c’est que les peuples de l’ex-Urss n’ont pas été en mesure de décider par eux-mêmes de leur propre auto-détermination politique. Ils ont été immédiatement « assimilés » par les occidentaux. Ces derniers ont négligé la présence de ces peuples minoritaires, et de Russes, disséminés dans les différentes républiques, qui n’ont pu s’exprimer sur leur avenir. Aujourd’hui l’Ukraine réclame son droit à « l’autodétermination ». Or, Elle est indépendante depuis 1991 de la tutelle soviétique, et comme toutes les autres Républiques de l’Europe centrale, elle est libre de ses décisions et dispose de la démocratie. ! Pourquoi refuse-t-elle l’auto-détermination du Donbass pro-russe, et de la Crimée ?

La grande erreur de Poutine a été de ne pas comprendre qu’il allait affronter un ultra nationalisme et qu’il ne pouvait refaire la même opération qu’en Géorgie ! Une guerre « nationaliste », conventionnelle entre deux armées dont l’une est financée et portée par les Européens l’Otan et les USA, soutenue par des néo nazis intégrés récemment dans l’armée régulière ukrainienne ! (Bataillon Azov etc.).

L’Europe « unie » ?

On nous dit que l’Europe est unie. Il ; n’en est rien, absolument rien. En réalité L’Europe n’est pas cet ensemble « homogène » que l’on voudrait nous imposer.

L « Europe » des pères fondateurs s’est crée autour d’un principe fondamental « la paix » et la « démocratie ». Démocratie peu évidente dans le cadre des règles de fonctionnement de l’UE qui ne sont jamais soumises au vote des Européens, sauf pour le référendum de 2005 rejeté par les Français et les Pays Bas !

L’ « Europe des « 6 », rejointe par l’Espagne et la Grèce présentait un ensemble assez homogène, en termes historiques, économiques et sociaux et affichait le vœu d’une toute relative indépendance à l’encontre des Etats Unis qui s’enfonçait dans des guerres longues mais perdues à l’avance.

Puis « l’UE des 27 », fractionnée en diverses entités géopolitiques avec l’arrivée des pays « libérés » en 1991 de la tutelle russe entraîne, enregistre un basculement de la politique européenne.

L’Europe redevient atlantiste, un fidéicommis des Américains. Sauf la France en fév. 2003, avec de Villepin, dans son célèbre discours à l’ONU, contre l’engagement militaire en Irak. Cet « exploit » n’a jamais été réitéré ! L’UE se regroupe autour du maître et adopte une politique moins conciliante avec son voisin russe, sous les efforts de la Pologne, la Tchéquie, les pays Baltes. Parce qu’ils ont connu le stalinisme, ils continuent de raisonner comme en 1945, à la perte de leur indépendance, alors qu’ils l’ont retrouvée.

La « nouvelle Europe »

On retrouve ici Brzeziński et son livre « le Grand échiquier » publié en 1997 - sorte de recettes géostratégiques dédiées au « grand empire universel ». Dans ce livre on trouve plusieurs cartes, mais il y en a une dont la signification est immédiate. Il l’a illustré d’une carte exprimant la conception américaine de cette « nouvelle Europe », à laquelle se réfère sans cesse Zelensky (ce qui montre bien son empreinte étasunienne). Selon son titre, elle représente la « tête de pont de la démocratie » : en effet un lien épais enserre 4 pays : France, Allemagne, Pologne, Ukraine ». Ce ne peut être plus clair.

L’Ukraine n’est qu’un pion dans ce grand dessein de la puissance américaine ! C’est pourquoi, la commissaire Von der Lyden n’a pas hésité (sous la présidence de Macron même si ce dernier semble garder une certaine distance), à prendre la décision historique de l’ « adhésion de l’Ukraine ». Tout était déjà conçu ailleurs.

Faire adhérer un Etat en guerre, c’est détruire le pacte fondateur de l’Europe ! C’est engager directement l’UE – qui fournit déjà des armes – dans la guerre avec la Russie, ce grand pays européen (150 millions de Russes). L’objectif final c’est « détruire la capacité politico-économique de la Russie ».

Pour quoi la « vieille Europe » se saborde !

Zelensky n’est pas seulement le « héros » de cette guerre, il est une marionnette utilisée contre le maintien de la paix en Europe, pour la destruction de l’appareil de production et d’armement des Russes, avec toutes les sanctions débitées régulièrement !

Il veut la réforme de l’ONU, car la Russie y est présente et exerce son droit de veto. Zelensky, raconte ainsi qu’il veut « siéger » en lieu et place de la Russie. Or L’ONU est formellement non réformable puisque pour réformer le Conseil de sécurité, il faut l’accord des cinq membres permanents, ce qui est perdu d’avance.

Zelensky a quand même gagné une petite victoire, car s’il ne siège pas, il intervient dans le monde entier par visio-conférences. A-t-on déjà vu un « assiégé », apparaître devant toutes les instances internationales pour appeler à la guerre ? Autres mœurs me direz-vous, mais réfléchissez bien à la signification de cette présence quotidienne sur nos écrans ou dans nos Assemblées Nationales, ou internationales, etc. !

Zelensky veut réformer la « vieille Europe » pour l’aligner clairement sur la politique américaine dont il dépend lui-même ! L'ouverture de l'Europe à l’Ukraine, la Moldavie, puis la Géorgie sans oublier ceux qui piétinent à l'entrée les derniers pays de l'ex-Yougoslavie, signe la mort prévisible de l'UE. Ingérable à 27, elle sera encore plus à 35/40 ! Il faut bien mesurer aussi ce qu’apportent d’abord ces pays avec eux : un atlantisme absolu.

La désintégration de la « vieille Europe »

Elle se manifeste déjà en Allemagne, elle se réarme. La dernière fois c’était en 1933 avec Hitler.

 Soixante-dix-sept ans après la capitulation inconditionnelle de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, le chancelier allemand Olaf Scholz (sociaux-démocrates) a profité de cet anniversaire pour justifier un réarmement sans précédent de l’armée allemande (Bundeswehr) et une expansion massive de la guerre par procuration contre la Russie. Avec la décision du Bundestag d’augmenter les dépenses d’armement de 100 milliards d’euros.

Quelques voix ont averti. L’ex-conseiller d’Angela Merkel s’oppose à l’expédition d’armes lourdes en Ukraine. Et selon un général à la retraite, « Si l’Europe ne veut pas de la Troisième Guerre mondiale, elle devra tôt ou tard « échapper à cette logique d’escalade militaire et entamer des négociations » ». Mais les jours suivants, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, (écologiste) a estimé lors de la réunion ministérielle de l’UE à Luxembourg, que « Kiev avait besoin d’armes lourdes ». Avec une telle politique les Verts montrent leur vrai visage de va en guerre. Ils retrouvent là, la politique de Joschka Fischer qui avait fait participer l'Allemagne à la guerre en Yougoslavie.

Le 26 février, le gouvernement allemand a approuvé les livraisons d’armes à l’Ukraine. Berlin a pris la décision d’expédier un millier d’antichars et 500 systèmes de défense aérienne portatifs Stinger. De verser 1 milliard d’aide aux Ukraniens. Le 14 mars, les autorités allemandes ont déclaré qu’elles avaient décidé de ne pas fournir d’informations sur les livraisons d’armes à l’Ukraine afin d’éviter des risques supplémentaires. Exit 75 ans d’une volonté pacifiste. (voir l’interview d’Oscar Lafontaine Utopie-critique n°87 juin 2022).

Touchée dans son approvisionnement à hauteur de près 60% de gaz Russe, l’Allemagne se met dans une position de suicide énergique Comment pourrait-elle reconstituer son énergie rapidement ? Elle a hésité en continuant à s’approvisionner en gaz russe puis sous la pression américaine (relayé par le harcèlement de Zelensky), elle a cédé au gaz de « schiste » et au retour de es centrales à Charbon ! Vive les écologistes militaristes responsables aussi de ce grand tournant.

La France de Macron s’est engagée sans tiquer aux côtés des Ukrainiens, sans discussions au parlement, comme d’habitude, c’est une décision qui revient de « droit » au Président ! Tout a joué sur l’émotion qui a été très forte et a tué toute réflexion. Même la FI plus modérée veut le soutien armé. La Russie est devenue majoritairement dans l’opinion et les medias, l’homme à abattre ! Et nous avons vu un Président, Macron, danser sur ses deux pieds : il arme l’armée ukrainienne, et il continue à « discuter avec Poutine ». Bon, quelle est la teneur de ces discussions ? Que peut-il dire à Poutine, qu’il va recevoir d’autres sanctions ? Un « double jeu » ? qui n’a pas fait changer Poutine.

Macron s’extasie aussi sur cette "souveraineté européenne renforcée » qui répond tant à ses désirs. D’une part il oublie volontiers qu’il n’y a pas de peuple européen, et donc pas de souveraineté européenne. Il est dans son rêve et ne voit pas que la Pologne, l'Ukraine, la Géorgie etc., n'ont rien à faire "d'une défense européenne" qui reste un mythe ! Il ne voit pas que la concurrence entre des peuples aussi disparates socialement, économiquement, va se renforcer. Une ouverture plus grande en termes sociaux et politiques, c’est un coût à la charge des autres peuples qui subissent de plus en plus la précarité et la pauvreté. Quant au projet de lutte contre le réchauffement climatique, il est repoussé sine die.

Les Français sont horrifiés par la guerre, mais ils ont été surtout préoccupés par la lutte électorale contre Macron, qui se laisse emballer par la vague guerrière. Pourtant une partie des Français ne voient pas les Russes comme des ennemis.

En Italie qui dépend aussi du gaz russe, c’est très différent. Les Italiens – solidaires avec l’Ukraine - ont quand même déposé un plan de paix à l’ONU. Ils sont toujours relativement sensibles aux discours du Pape François. Les syndicats Unitaires de Base, issus des années 1968/1969 ont été plus clairs et ils ont organisé une grève nationale pour la paix et les salaires (lire les articles sur Utopie-critique 87 juin 2022). Tandis qu’une crise vient d’éclater au sein du M5S, di Maio accuse son mouvement de saper le soutien à l’Ukraine. Comme le veut la tradition politique depuis la première république, une énième coalition est peut-être en route, mais c’est cela la démocratie.

L’Espagne s’agite car elle va recevoir la réunion de l’Otan. Selon le quotidien El Pais, le gouvernement vient de demander aux Allemands de leur vendre des chars de combat Leonard 2 ultra modernes, pour les Ukrainiens avec le soutien de Podemos ! En effet, Jaume Asens, président du groupe parlementaire d’Unidas Podemos, a justifié, au Congrès des députés, la possible participation de son mouvement au prochain sommet de l’Otan de Madrid fin juin. ! Cependant quelques manifestations, à l’Italienne, se sont déroulées, pour la paix et le pouvoir d’achat.

La Grande Bretagne a choisi de ne plus vieillir avec la « vieille Europe ». Elle a largué les amarres avec le Brexit. Elle a retrouvé sa vocation, pense-t-elle, de « tête de pont » du navire anglo-saxon, c’est-à-dire du continent Nord-américain, et son Commonwealth, qui lui reste attaché par fidélité à la Reine. Mais pour combien de temps ? Pour l’instant Johnson sautille d’Angleterre à Zelensky et vice versa. Pendant que des grèves importantes touchent le royaume.

La Finlande, la Suède et d’autres veulent adhérer à l’Otan et mettre fin à leur neutralité. Etc., etc. Bref, c’est à celui qui sera le plus « Zelenskyen », prêt à la guerre avec la Russie ! Qu’en disent les peuples ?

Une partie de la gauche révolutionnaire européenne s’engage aux côtés de l’Otan et des Américains pour livrer des armes contre la Russie, et soutenir le nationalisme des Ukrainiens contre celui des peuples russophones ! La politique des verts européens est édifiante – comme notre Jadot national qui éructe contre Poutine et veut que la France s’engage - mais ils ne sont pas les seuls. Les « révolutionnaires » seraient-ils tentés par une politique de l’ingérence, cette fois ci les armes à la main ?

Elle revendique « l’auto-détermination » pour l’Ukraine, voulant ignorer le fait que l’Ukraine, libre, exerce en toute responsabilité sa gouvernance depuis 1991. Par contre elle refuse l’ « auto détermination » des Russes du Donbass et de la Crimée. Elle réclame la livraison d’armes pour la « résistance » mais ce sont 2 armées régulières qui s’affrontent. Zelensky a mobilisé les hommes en âge de prendre les armes ! La haine de Poutine « dictateur fasciste impérialiste » l’aveugle au point de refuser de voir dans l’armée ukrainienne la présence de bataillons néo nazis très actifs qui jouent leur propre jeu !

On pourrait en conclure qu’elle se positionne sur la politique de l’extrême droite ukrainienne, des va t en guerre qui veulent se battre jusqu’à l’extermination du dernier Russe présent sur leur territoire, et pousser une offensive revanche jusqu’en Russie ! Elle s’affirme contre « l’impérialisme russe » mais par ricochet nous pourrions penser qu’elle accepte dans ce cas précis celui des Américains ! Quoiqu’il en soit, leur vision est proche de celle de la direction Etasunienne : il faut détruire la puissance russe !

Certains plus réalistes soutiennent les militants « socialistes » en Ukraine, ou en Russie. Mais leur voix est inaudible. Les Ukrainiens sont pris dans leur guerre nationaliste contre les Russes. Zelensky vient de supprimer « pour l’effort de guerre » toute une législation sociale.

Quelles solutions ?

Ni Poutine, ni Zelensky ne peuvent gagner cette guerre conventionnelle par procuration entre deux ensembles possédant l’arme nucléaire ! Les Américains utilisent l’Ukraine pour ne pas affronter directement la Russie qui n’est pas dupe. Les Européens suivent la même politique hypocrite que leurs maîtres. Cependant, plus la guerre dure, plus la guerre provoque des morts russes et ukrainiennes, plus le risque clair d’une confrontation internationale s’intensifie.

Aux Etats Unis, par contre les débats font rage. Une partie du Pentagone (les militaires qui ont conscience de la réalité d’une guerre nucléaire) s’oppose souvent au Département d’Etat qui voit lui l’occasion rêvée de subordonner la Russie à son ordre impérial, pour ensuite s’occuper de la Chine ! Il est à noter que Kissinger lui-même, 99 ans ! mais une solide pratique de la politique internationale, s’est exprimé contre la guerre en ce mois de Juin 2022. Kissinger est un pur produit de l’impérialisme américain qu’il a soutenu, perfectionné et étendu. Il fut secrétaire d’Etat de Richard Nixon, puis de Gerald Ford. Il joua un grand rôle dans la politique américaine de la guerre froide - c’est-à-dire des conflits de 1968/1977 - notamment lors de la guerre Viet Nam, et sa conclusion. Il vient de déclarer à Davos qu’il ne fallait pas laisser la guerre s’éterniser et qu’il fallait engager des négociations qui devaient convenir à la Russie. « Les négociations doivent commencer dans les deux prochains mois, avant de créer des bouleversements et des tensions qui ne seront pas faciles à surmonter », et de suggérer que l’Ukraine devait envisager des concessions territoriales à la Russie. Il poursuit « L’Ukraine aurait dû être un pont entre l’Europe et la Russie, mais maintenant, alors que les relations sont remodelées, nous entrons dans un espace où la ligne de démarcation est redessinée et la Russie est entièrement isolée. Nous sommes maintenant confrontés à une situation où la Russie pourrait se couper complètement de l’Europe et chercher une alliance permanente ailleurs. Cela peut conduire à des distances diplomatiques semblables à celles de la Guerre froide, qui nous feront reculer de plusieurs décennies. Nous devons lutter pour une paix à long terme ». 

Une troisième guerre mondiale ?

La première guerre mondiale a été mondiale car les Empires Européens avaient engagé leurs colonies. Aujourd’hui il n’en sera pas de même. Les sanctions américaines, reprises par les Européens : on a vu la Chine et l’Inde s’abstenir ainsi qu’une quarantaine d’autres Etats africains et d’autres régions du monde ! Soit près des 2/3 de l’Humanité, contre ces sanctions imposées par « l’occident » aux Russes ! « Le oui Bwana » c’est fini. Ces pays veulent jouer un rôle actif sur la scène internationale. Ils ne veulent pas subir les contre coups de cette guerre. Ils ont besoin du commerce agricole, industriel, scientifique et culturel avec toute l’Europe, les Etats Unis, mais aussi la Russie et la Chine ! Ils veulent se libérer d’un colonialisme toujours latent.

Si la guerre « précède » la paix, la seule solution valable pour l’humanité, la « vieille Europe », la Russie et l’Ukraine, c’est de faire place immédiatement à la paix. C’est imposer un « Cessez le feu » à tous les belligérants directs ou indirects. C’est se mettre autour d’une table et discuter de solutions acceptables d’abord pour les Ukrainiens et les Russes. Zelensky doit être assis à cette table et refuser les visions d’une extrême droite absolutiste qui le conseille et la Russie trouver enfin une réponse claire et confirmée à ses vœux de « sécurité ».

Nous avons beaucoup de problèmes qui se posent au monde, auxquels il faut une réponse collective : la lutte contre le réchauffement climatique, pour le développement, la santé et l’éducation. Et la fin de toutes les guerres.

La solidarité avec les Ukrainiens va de soi. Mais un soutien solidaire, humanitaire. Cette guerre n’est pas la nôtre.

Juin 2022