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Catégorie : Editorial

L’Italie est un pays, où depuis 1948 et surtout à partir des années 1990 avec la « deuxième république » et l’arrivée de Berlusconi au pouvoir, des gouvernements à géométries variables se sont succédés. Coalitions du Centre, centre-droite, gauche, centre-gauche, avec parfois des « gouvernements de techniciens » pour « administrer la continuité » entre deux élections, quand les parts politiques font défaut.

Le gouvernement « giallo-verde » (jaune-vert) de 2018 entre la Lega et le M5s ne fait pas exception.

Les « combinazioni » étaient fort nombreuses. Un gouvernement Berlusconi-lega-Fratelli d’Italia (petit groupe ultra droite né d’une scission dans Forza Italia) et UDC (centristes de droite) ? Mais il aurait été minoritaire et Berlusconi (Forza Italia 14%) se serait retrouvé sous la coupe de la lega (17,4%). Ou Berlusconi-Renzi (Pd 18,7%) ? minoritaires de même. Les deux s’entendent bien, sauf que la base électorale du Pd aurait refusé cette alliance. Une alliance M5s-Renzi avec un Renzi à la manœuvre ? Renzi n’y aurait pas survécu, pour les mêmes raisons. Ou encore, comme certains le souhaitaient, une grande coalition à l’Allemande : Berlusconi-Renzi-M5s, avec un Mouvement 5 Etoiles, majoritaire er dominant à 32,7% des exprimés ? Di Maio ne supporte pas Berlusconi qui est à ses yeux le représentant de la « casta » et Berlusconi le lui rend bien par ailleurs.

Bref, sous la pression de Bruxelles, du FMI et pour éviter le retour des Italiens aux élections et une période d’incertitude plus ou moins longue, c’est un accord in extrémis, Lega/M5s qui est sorti du chapeau.

Une Lega, donc, un parti à forte identité régionaliste qui a abandonné la référence régionale pour se donner une stature nationale le temps de la campagne électorale, mais qui a fait ses meilleurs résultats dans le Nord, dans un pays l’Italie, qui n’a toujours pas abandonné le droit du sang. Un parti traditionnel de droite libérale et xénophobe, qui a inscrit la réduction des impôts et « la lutte » contre l’immigration, parti que l’on ne cesse de présenter ailleurs comme « fasciste ».

Mais l’opposition de tradition communiste a disparue, la gauche est laminée. L’extrême gauche émiettée. Même si tous les éléments du fascisme classique semblent être là dans une analyse superficielle, le capital a-t-il vraiment besoin d’un fascisme à « l’ancienne » : « un peuple, une nation, un chef » ? Ne lui suffit-il pas d’organiser le chômage, et de mettre en place l’austérité avec Bruxelles ? La Grèce n’est-elle pas un exemple qui pèse sur tous les Européens ?

Un fascisme folklorique avec des chemises vertes en « marche sur Rome » (couleur choisie par Bossi pour se distinguer du drapeau tricolore rouge blanc vert et du rouge de la gauche), qui se réduit à intégrer des coalitions centre-droite ? Qui assure une présence minoritaire plus ou moins volatile à la Chambre et au Sénat dans le cadre de la loi électorale à la proportionnelle : 8,4% en 1994, 10,8% en 1996, puis 3,9% en 2001, 8,3% en 2008 pour retomber à 4,1% en 2013 avant de rebondir en 2018 à 17,4%.

La Lega a déjà donc gouverné dans plusieurs coalitions centre-droite, en 1994, en 1999/2003, et en 2008/2011 avec Berlusconi. Comme Gianfranco Fini, qui venait du Mouvement social italien – droite Nationale (mussolinienne) et qui a mené une opération réussie de « dédiabolisation » républicaine. Il s’affirmait pro- européen, proche de Mario Monti, commissaire européen, Président du conseil - et atlantiste. IFini avait été nommé ministre puis Président de la Chambre entre 2008 et 2013 et il avait demandé plus d’une fois la démission de Berlusconi, tout en démissionnant lui-même en 2013.

Certes, Salvini est un homme d’une autre trempe. Il vient d’être élu au Sénat de manière totalement inattendue, comme représentant d’un coin de la Calabre avec 53000 voix en sa faveur, où sévit la N’drangheta (la mafia de tous les crimes, humains, écologiques, financiers, et autres trafics), où se trouvent de nombreux camps de migrants travaillant dans les champs. Il prend le ministère de l’Intérieur. Ceci expliquant peut-être cela. Mais beaucoup d’Italiens soutiennent l’assainissement de la vie politique et luttent encore contre la corruption.

Certes, la Lega est là pour gérer les affaires aux ordres du patronat et elle tentera de dévier la colère des Italiens sur « le migrant clandestin », comme elle le fait déjà, mais elle ne représente que 17,4 % des Italiens. Toutefois il ne faut jamais sous-estimer l’influence du Vatican et des appels du pape en faveur de « l’accueil » de ces migrants sur des Italiens culpabilisés par le fait qu’ils étaient, il y a peu, eux-mêmes des « migrants ».

Le M5s (fondé en 2009), cet ovni précurseur des « mouvements » et des « ni/ni », ni droite-ni gauche qui fleurissent çà et là, à droite et à gauche en Europe, semble plus soucieux de la question du sous-développement surtout du Sud (un taux moyen de 20% de chômage, contre 8% dans le Nord) et favorable à un « revenu citoyen » (devenu depuis un minima social concernant surtout les chômeurs).

C’est un mouvement qui refuse toute structuration en parti, sans programme défini, attrape-tout, plutôt « démocrate populiste », adepte d’une « république de citoyens » et d’un exercice de la citoyenneté par l’intermédiaire du digital, le « clic citoyen ». Il est vrai que le M5s est représentatif des mouvements de citoyens qui ont manifesté régulièrement sur les places italiennes au début des années 2000 contre la politique sociale et culturelle de Berlusconi : le mouvement « del popolo Viola » de la couleur violette de leurs drapeaux, et les « girotondi » (rondes) de Nanni Moretti, le cinéaste. Mouvements de citoyens que l’on retrouvera plus tard dans l’Espagne de 2015 sur la place del Sol et qui a donné naissance à Podemos.

Certains ont parlé d’un mariage entre un lapin et une carpe et il vrai que tout les oppose, mais Rome vaut bien une messe, car ce sont avant tout deux opportunistes pragmatiques qui veulent le pouvoir.

Ils se sont mis d’accord sur la manière minimale de gérer le pays, en taisant leurs différences et certains aspects de leurs programmes. Ils ont immédiatement renoncé, à la demande du président de la République Mattarella (ex Démocrate-chrétien sous la coupe de Bruxelles), à la sortie de l’Europe et de l’euro (de même que  le nouveau gouvernement autrichien, voir l’article « (SBÖ) : Pour une Autriche indépendante). Tout comme ils ne semblent pas souhaiter sortir de l’Otan (cf. l’article de M. Dinucci).

Au pire ils auront une posture de chantage en menaçant de prendre du large face à certaines règles européennes, comme vient de le faire Salvini sur la question des « migrants », comme le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie). Mais ils ont trop besoin de l’Europe pour relancer l’économie italienne. Et leur demande de renégociation des traités européens et de la souveraineté nationale dans certains domaines, n’ira pas jusqu’à la rupture avec Bruxelles, L’Italie n’est pas la Grèce, mais la troisième puissance européenne et le « couple Paris/ Berlin » doit en tenir compte après le « départ » de Londres (qui renâcle toujours) pour être crédible comme « axe » de commandement européen. Cet « axe » qui oublie que l’Italie a été l’un des trois pays signataires pour la création de l’Europe, et la néglige au grand dam des Italiens pro-européens.

En fait pourquoi ce gouvernement-là, « post-idéologique » selon les communistes italiens, durerait-il plus que les gouvernements qui l’ont précédé ? L’Italie n’en est-elle pas à son 64ème gouvernement, en 70 ans d’existence républicaine ?

Comment l’Italie en est-elle arrivée à porter au pouvoir avec 50,1% d’électeurs, ce bricolage le plus à droite depuis la création de la République en 1948 ?

« La faute à la crise ». C’est l’un des rares pays européens qui a vu son Pib baisser de 10% depuis 2008, soit une baisse moyenne du niveau de vie de même montant (demandez aux retraités ce qu’ils en pensent) ; 20% de la capacité industrielle du pays a été détruite ; 30% des entreprises ont eu des difficultés ou ont failli. Et le taux de chômage a atteint un taux record, 1 italien sur 4 est touché par une vraie ou une pauvreté relative.

« La faute à l’austérité » et « aux mesures structurelles » mises en place par l’U.E. Rappelons que l’Italie a toujours respecté la règle budgétaire des 3% et même moins, bien plus que la France.

« La faute au Parti démocrate », à Renzi fidèle serviteur de la norme « ordo libéraliste » des « marchés » c’est-à-dire du capitalisme, en matière de droit du travail, de protection sociale et de redistribution. Il s’est maintenu dans le centre de l’Italie, et a recueilli de très bons résultats chez la moyenne bourgeoisie des grandes villes du Nord et du centre, mais il s’est effondré partout chez les jeunes, les salariés et les retraités.

« A la gauche ». Force est de constater qu’elle n'est plus la référence pour les couches de la population italienne exclues de la « globalisation heureuse ».

Le Pd est devenu (et considéré), à bien des égards, le parti des classes moyennes bien intégrées, globalisées, veillant à préserver leur statut et donc son propre pouvoir et ne lutte plus pour l’émancipation (hormis les droits civils), comme l’ensemble de la social-démocratie en général.

« La question migratoire ». L’Italie, avec un Etat moins structuré que l’Allemagne, a fait face à l’arrivée de près 700000 migrants depuis 2014, qu’il a fallu accueillir, plus ou moins bien, dans un pays en surchauffe chômage (60% dans certains endroits du Sud), tandis que l’Europe regardait ailleurs, et surtout la France.. Quant à l’Allemagne elle a eu son compte de migrants dont elle avait besoin pour ses industries. Il ne faut pas oublier que l'Italie quelques années auparavant avait régularisé pllus de 700000 étrangers.

Et le patronat italien, n’est pas si différent. Cette immigration est la bienvenue en Italie qui doit faire face aussi à un vieillissement de sa population. Au Nord le réseau de PME familiales, au Sud les exploitations agricoles ne pourraient fonctionner sans cet apport de main d’œuvre clandestine, corvéable à merci, sous-payée, sans droits, sous la menace du « retourne chez toi », soumise à la violence et tous les dangers, et globalement sous le contrôle de la Camorra, la Mafia napolitaine et de la N’drangheta calabraise (Cf. « Gomorra » le livre de Roberto Saviano (2014), et la série filmée qui a suivi).

L’autre pendant de la question démographique, c’est l’exode de ces dernières années, de près de 100000 jeunes italiens diplômés qui quittent l’Italie tous les ans, faute d’emplois adaptés à leurs diplômes et au regard des salaires qui leur sont proposés. Cette génération, dite « génération des 1000 euros » euros, votait en majorité pour le Pd.

Enfin une extrême gauche expulsée de la représentation nationale par les lois sur la proportionnelle revues par Berlusconi (le Porcellum), et Renzi (le Rosatellum) et la dernière « coalition » autour de Potere Al Popolo (créé fin 2017) n’a remporté que 1,1 % des exprimés.

En fait l’électeur moyen de ce nouveau gouvernement, est un jeune méridional, écologiste, issu de la gauche.

Lega et M5s représentent la révolte des couches de la petite bourgeoise, victimes de la globalisation, qui soutenaient jusque-là le centre-gauche et l’ont lâché dans le même mouvement que celui qui, aux Usa, a remplacé Obama par Trump.

Ce sont aussi des structures politiques qui se sont adaptées ou sont nées dans le cadre d’un capitalisme en pleine refondation, qui va bouleverser tous les paradigmes actuels de la société avec le développement des nouvelles technologies.

La réalité italienne, c’est aussi celle d’un capitalisme en pleine évolution : l’entreprise de la quatrième révolution industrielle

Le programme économique de la Lega et du M5s ne font pas, ou, très peu référence aux questions économiques, à celle du travail ou aux inégalités sociales. C’est qu’ils s’accomodent assez bien du système capitaliste. Or ils vont être confrontés rapidement aux défis, non seulement de Bruxelles et du FMI, mais aussi de l’Assolombarda, syndicat patronal de l’industrie pour la Lombardie, le poids lourd du Medef italien, celui qui donne le La en matière de politique, d’économie, de travail et de social.

Le FMI a consacré dans sa brochure annuelle peu avant l’élection italienne, un chapitre réservé à l’Italie dont le fond est toujours le même : consolidation budgétaire crédible et ambitieuse, et réduction de la dette publique à 60% du Pib dans les années2020 (actuellement 132% du Pib). C’est-à-dire diviser les dépenses sociales etc., par deux !! : « une coupe des dépenses primaires, un accroissement des investissements et une réduction de la pression fiscale sur le travail » et « un soutien aux plus vulnérables ». Sans dire, comment soutenir les « plus vulnérables » dans ces conditions-là. La charité privée, comme aux Etats unis qui sélectionne les « bons » des « mauvais » pauvres ?

Cette politique de réduction des dépenses publiques ne s’adresse pas seulement à l’Italie mais à tous les pays européens et autres. Elle prétend faire face à un nouvel emballement possible de la finance internationale et au risque systémique qui pourrait à nouveau la toucher. « Les risques à court terme pour la stabilité financière ont augmenté et les risques à moyen terme restent élevés. Les vulnérabilités financières qui se sont accumulées au cours des années de très faibles taux et volatilité pourraient casser la croissance ».

La Réserve Fédérale américaine vient de relever ses taux d’intérêts d’un quart de point, pour la deuxième fois dans l’année. Mais contrôle-t-elle l’activité spéculatrice de la finance ? Non, les paradis fiscaux ? Non. Une fiscalité, juste, imposée aux GAFA (Google, Appel, Facebook Amazone) selon leurs résultats dans chacun des pays où ils sont installés ? Surtout pas ! D’autant que Trump vient de réduire le taux d’imposition de ses entreprises à 21 %, permettant ainsi à l’Europe de lancer une politique identique. Etc., etc.

L’Assolombarda, le patronat industriel du Nord. Si la note va être salée pour tout le monde et augmenter la précarité et la pauvreté, elle va donc l’être particulièrement pour l’Italie. L’Assolombarda, le poids lourd du patronat industriel du Medef italien, vient de dévoiler son plan pour les années à venir sous le titre « il futuro del lavoro » (le travail du futur).

Il annonce clairement la fin de l’entreprise fordiste et de son compromis social par une « ubérisation » à tous les étages de la société.

En effet dans ce rapport d’une soixantaine de pages, sous une avalanche de « concepts » très « In » tirés du marketing, l’Assolombarda présente ouvertement son analyse de la nouvelle phase de globalisation et de ses incidences sociales et politiques.

Grâce à une « une nouvelle phase de diffusion de nouvelles technologies, de l’internet capable de connecter au niveau international différentes filières internationales sans nécessité de présence physique », la vieille globalisation « qui se fondait sur les délocalisations pour réduire les coûts de production et des matières premières, est dépassée aujourd’hui par la création de chaînes de valeur qui permettent d’imaginer des processus productifs et distributifs globalisés »

C’est à dire « une nouvelle relation entre aire urbaine, territoires et chaînes globales de production de valeur… La compétition ne se fait donc plus seulement entre les entreprises, mais entre territoires interconnectés. ».

La nouvelle « entreprise intégrée » redeviendra locale, tout en s’élargissant « à tout ce qui peut produire de la valeur : infrastructures physiques, digitales, écoles, universités qui fournissent les compétences, les pôles de compétences scientifiques et technologiques, les centres de recherches, les Institutions, les systèmes territoriaux de relations industriels, les compétences de proximité, jusqu’aux opérateurs de services ».

La quatrième révolution industrielle, celle de « l’Open innovation », de « l’Open production », et du « learning organisation », fondée sur la capacité des salariés à se former et à se remettre en cause continuellement pour suivre l’évolution d’une entreprise « dynamisée » par l’évolution de l’intelligence artificielle, va révolutionner la nature des entreprises, leurs rapports avec l’Etat, et le statut des salariés et des syndicats. 

Une nouvelle refondation capitaliste de la société qui va avoir de lourdes incidences pour les citoyens italiens (somme pour l’ensemble des Européens, et ailleurs), dont on voyait poindre çà et là les prémices avec par exemple les différentes atteintes à la législation du travail.

Bien sûr, l’Assolombarda prévoit une diminution des emplois répétitifs, automatisables : « Mais aussi une croissance dans d’autres secteurs découlant de l’augmentation de la productivité ».

Mais ces nouvelles technologies se substituant aux métiers actuels vont « créer par ailleurs de nouvelles tâches et de nouveaux postes (..). Des tâches multiples, des flux d’informations constants, des relations avec l’extérieur, la redistribution et la diffusion de responsabilité, une dynamique de performance, voilà quelles seront les caractéristiques du secteur productif. ».

Les nouveaux cadres, par exemple, verront leurs fonctions bouleversées : « ils exerceront de moins en moins des tâches de contrôle ou de direction » qui seront et sont déjà bien évidemment assurée par l’informatisation, mais « du leadership, du mentoring, de la motivation dans un climat de collaboration, de prises de décision. »

Cette révolution de l’entreprise va modifier avant tout les conditions d’emploi des salariés. Elle se donne comme objectif de :

- Repenser : « le contrat à durée illimitée, le rendre plus flexible, et développer les Contrats de missions ».

- Développer, par exemple « l’employee sharing - modalité de travail par laquelle un groupe d’entreprises utilisent ensemble le même salarié et ses compétences mais sans en avoir la responsabilité », le « co-working - modalité de travail dans un espace commun et partagé avec d’autres salariés qui n’appartiennent pas forcément à la même organisation », et le « crowd-sourcing - développement collectif et collaboratif d’un projet entre particuliers et entreprises »,

- Et d’aller vers le « smart working ». Ce qui veut dire idéalement parlant, que chaque entreprise, département, et objectif de section, devra fonctionner selon ce type de principe :

« Spécifique – cibler un domaine spécifique à améliorer.

Mesurable – quantifier ou au moins suggérer un indicateur de progrès.

Assignable – indiquez qui le fera.

Réaliste – indiquer quels résultats peuvent être atteints de façon réaliste, compte tenu des ressources disponibles.

Temps – le laps de temps qu’il faut pour que le résultat puisse être atteint » (wikipédia).

Par contre pas un mot pour les jeunes diplômés italiens qui fuient l’Italie. Mais la question de l’immigration économique est abordée. Aujourd’hui plus de 5 millions d’étrangers résident en Italie soit 8,3% de la population (dont 3,7 millions de non communautaires européens). Le patronat prévoit qu’en dix ans elle pourrait atteindre les 13,1% de la population et que dans les années 2050 cette population représenterait plus d’un italien sur quatre.

Les starts Up Californiennes et les « GAFA » ont lancé ce type d’organisation du travail, elle va donc se généraliser à l’ensemble du monde du travail. Elle a prouvé qu’elle pouvait engendrer des profits substantiels dans un temps plus rapide.

 

La Société 4.0

Ce qui se passe en Italie est déjà en œuvre en Europe, en Autriche ou dans la France de Macron. En effet on retrouve cet imaginaire-là dans la conception macronienne d’une société high tech de responsabilité individuelle à la Thatcher, ou à la John Rawls. Si tu es pauvre c’est que tu en es responsable. Tu « coûtes trop cher, trop de « pognon » [argent]… C’est insupportable... La sortie du chômage doit passer par le travail » !! (Dixit Macron dans une déclaration récente tweetée sur les réseaux). Merci Monsieur le Président. C’est une telle évidence, mais quel travail, celui de la « vieille globalisation » en voie de disparition ? Celui de la 4ème révolution industrielle qui concerne avant tout les jeunes starts Up et leurs « travailleurs indépendants » ? Combien de postes de travail pour celle ou celui qui n’est pas passé par les écoles de haute performance ? Les soins à la personne dont les salariés ne sont pas reconnus avec leur salaire largement en dessous du Smic voire la moitié du Smic car ce sont souvent des emplois à mi-temps ?

La dématérialisation du processus de production de valeur, grâce aux nouvelles technologies de digitalisation, du Big Data, ouvre un nouveau paradigme pour la société capitaliste. Les salariés deviennent des « Collaborateurs de projet » dont les performances individuelles sont mises en compétition permanente, des « Entrepreneurs individuels » soi-disant autonomes, en fait des sous-traitants sans droits réels.

Plus besoin de légaliser un statut du salarié, le temps de travail d’un salarié, ou la localisation de son poste de travail. Ni nécessaire de définir les conditions de travail, la protection sociale collective comme la retraite, les indemnités pour maladies professionnelles, etc. Ce sera l’arbitraire le plus total, la disparition du statut salarial encadré.

L’école et l’université et l’Etat lui-même, vont devoir se transformer pour se plier aux objectifs économiques et politiques du patronat.

Le gouvernement Renzi avait commencé à faire « le ménage » dans le code du travail et la protection sociale pour préparer et accompagner les « réformes » qui ont divisé et affaibli encore plus les syndicats (comme Hollande et Macron qui ont été « accompagnés » par la CFDT).

On comprend mieux le rôle que va jouer le gouvernement Lega/M5s qui ne sont pas connus pour leur tolérance envers les syndicats : soutenir les « réformes » qui vont pousser de nombreux italiens vers une précarité encore plus grande, de manière plus ou moins autoritaire.

Et là il y a un danger réel, celui d’un « fascisme 4.0 » qui pourrait réapparaître sous une forme brutale et violente.

La désespérance d’une grande partie de la population se heurtant à un changement violent de ses conditions d’existence, pourrait la conduire, s’il n’y a pas une réponse politique ne serait-ce que de justice sociale à ses problèmes, à la violence.

L’Italie a déjà connu les années de plomb (1960/1980). Mais cette fois-ci la violence ne viendra par de l’extrême gauche, mais elle pourrait être cristallisée par une organisation d’extrême droite qui est en attente au coin du bois et a le vent en poupe. La « Casa Pound », une extrême droite violente, fasciste, révisionniste, pour la révolution nationale, qui a été créée à Rome en 2003, à partir du « Blocco studentesco » (Bloc étudiant) et du « Movimento social – flamma tricolore », genre nazi). Elle attire et recrute des jeunes en déshérence sociale et culturelle, dans les centres sociaux de quartiers qu’elle organise et qu’elle anime toujours, reprenant en cela ce qu’avait fait l’extrême gauche dans les années 1960. (« Fuori dal cerchio », viaggio nella destra radicale italianna, de Nicola Antolini, Eliot edizione, 2010).

Une alternative fasciste du 3ème millénaire, dans un contexte international de violences et de guerres.

C’est une refonte capitaliste totale du mode de vie que va imposer le patronat. Le patronat italien a le mérite de le préciser. Mais il n’est pas le seul. C’est un projet « En marche » en France, en Europe et ailleurs dans le monde.

Conclusions

Dans la vieille « globalisation » il y avait encore un pouvoir politique plus ou moins indépendant d’un capitalisme principalement industriel et familial, à chacun sa place, même si les liens étaient nombreux. Puis le capitalisme financier est venu peu à peu chahuter ces règles en privilégiant les comités anonymes de direction des entreprises mondialisées et tout ce qui venait conforter la rente. Aujourd’hui ce sont les groupes d’investissements qui ont légitimé l’économie casino et le « cash power », la plus haute rentabilité financière sur le plus court terme, puis les groupes mondiaux (y compris Chinois) assis sur les nouvelles technologies, comme Google, Appel, Facebook, Amazone.

Demain la vie parlementaire démocratique ne sera plus qu’un symbole, sans pouvoir politique réel. Un peu à l’image de ce qu’est le parlement français, sous Macron. Des élus choisis pour leurs « compétences » économiques, des technocrates qui votent d’une seule voix, ou se contentent de voir passer les « ordonnances » du Gouvernement et du Président Macron, lui-même aux ordres des fortunes du Cac 40 c’est-à-dire de la finance dont il est issu par ailleurs. La boucle est bouclée, la finance est directement assise aux manettes du pouvoir, sans intermédiaires.

Il ne suffit plus d’en appeler à la « convergence des luttes », menées çà et là avec plus ou moins d’écho chez les autres salariés du secteur public, avec un secteur privé absent, alors même que la lutte des cheminots pour la défense du secteur public était exemplaire. Les « vieux outils » de la contestation, qui est toujours nécessaire, ne semblent plus être suffisants pour affronter cette nouvelle politique du capital. On ne pourra lutter sans une réelle réflexion collective pour un nouveau projet socialiste capable non seulement de résister mais aussi de proposer une société fondée sur l’implication de tous dans un projet commun et autogestionnaire.

Mai 2018