Calumet

Les Etats-uniens, peuple jeune, professent un certain dédain pour l'Histoire qui, si elle délivre peu de leçons, offre cependant quelques exemples à méditer. Ainsi de l'Afghanistan, qu'aucun empire n'a jamais pu soumettre. Confrontés à des indigènes qui ne semblent pas convaincus des charmes du rêve américain, les penseurs obamistes ont décidé de dépêcher sur place (outre quelques milliers de soldats supplémentaires) des ethnologues pour percer le mystère. L'un d'eux, prénommé David et originaire du Dakota du Nord, s'est vu ainsi rattacher au corps expéditionnaire pour « améliorer la manière dont la population civile perçoit le déploiement étranger ». L'homme, fort d'une expérience de terrain de vingt-six ans, devrait faire merveille : il sait tout des mœurs et coutumes des Indiens sioux.

 

Euréka

Joffrin, le directeur de Libération, a enfin trouvé le moyen de battre Sarkozy. Finalement, c'était assez facile. Imaginez donc avec lui « la grande coalition de l'après-Sarkozy, rassemblée non dans une combinaison d'appareils mais par un projet de rupture avec le libéralisme, les forces écologistes, les socialistes à l'ancienne comme Jean-Luc Mélenchon, le P.S., les partisans de François Bayrou et même les gaullistes sociaux et républicains tentés par un Dominique de Villepin. »

Du beau linge, en effet. Mais on fait quoi avec ça ? De la marmelade ?

Morale

A chaque époque son hochet. Le dernier en date, inspiré par la déconfiture par trop visible du système, se nomme « capitalisme moral », projet aussi raisonnable que celui de faire bêler le loup ou roucouler la buse à force de manipulations génétiques. Même M. Bayrou, qui passe sa vie à préparer avec son salut son au-delà

élyséen, en convient. « Le capitalisme est amoral par nature, a-t-il expliqué, son but mécanique est de faire de l'argent, sa loi est celle du profit... Il ne peut être un projet de société. » Fort bien. Pourquoi donc a-t-il fallu qu'il ajoute : « On peut lui imposer des règles de transparence et de stabilité. » ?

Si une amoralité stable et transparente devient possible, il y aura encore moins de monde à confesse dans les beaux quartiers.

Pourquoi ?

« Tous ceux qui ont caché leurs comptes peuvent dormir tranquille » : ainsi le juge Van Ruymbeke a-t-il sobrement conclu un sommet du G20 et ses listes plus ou moins grises de paradis fiscaux. Premier juge d'instruction au pôle financier de Paris, l'homme sait de quoi il parle. Le plus simple de l'affaire aurait sans doute été de demander aux vingt plus grandes banques mondiales de cesser tous commerces avec lesdits paradis, mesure d'autant plus aisée à prendre que, depuis leur déroute financière, les Etats ont été contraints de les gorger de capitaux jusqu'à plus soif. Petit problème : la seule BNP-Parisbas y entretient 189 filiales. Une seule question : pourquoi ?

Breloques

Les promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur forment des raccourcis pertinents de l'air du temps qui tinte assez aujourd'hui comme gamelles et bidons. Ainsi, l'une des dernières voit figurer le commandeur Bolloré (actuel P.-DG-copain), le grand officier Bébéar (ex-PDG-parrain) et une ribambelle de sémillants nouveaux promus de laquelle on distinguera le chevalier Glucksman (ex-maoïste) qui est tombé à la sortie de la cérémonie dans les bras de Kouchner (ex-tout) et dans ceux de Lévy (unique B.-H.). Comment dire... ? Nausée, pantalonnade ou bêtement sarkozysme ? La réponse la plus pertinente appartient au fondateur de cet ordre en personne, un certain Bonaparte, qui assurait que « c'est avec des hochets qu'on gouverne les hommes ».

Cogneuse

 

Jean-Luc Mélenchon à propos de Madame Royal : « Ce qui me plaît chez elle, c'est qu'elle cogne. » Le crochet du droit semble cependant plus dans la manière de la dame que le direct du gauche.

Suggestion

 

Manuel Valls, qui entre en fureur dès qu'on lui conteste sa vocation à demeurer indépassable à la droite du P.S., a deux problèmes. D'abord, il veut en finir avec le mot « socialiste », qui désigne encore son parti, puis il souhaite renoncer au terme même de « parti ». Le P.S. n'étant plus ainsi ni un parti, ni socialiste, on peut suggérer à Manuel une double substitution langagière. On préférera le mot mouvement à celui de parti et le terme démocrate à celui de socialiste. En un mot et une contraction, cela donne Modem. Étonnant, non ?

A qui gagne perd

 

On est un peu surpris par les cris de victoire de certaines formations de la gauche de gauche à l'issue du dernier scrutin européen. On peut déjà considérer qu'un progrès de 0,6 % par rapport au scrutin comparable n'a qu'un rapport lointain avec la traversée de la mer Rouge. Surtout, l'abstention massive des couches populaires et de la jeunesse relativise de beaucoup le « succès » proclamé. Aurait-on oublié que l'effondrement initial du P.C.F. ne date pas de 1981, comme l'affirment des commentateurs pressés. En fait, de vrais analystes avaient observé que l'apparente bonne tenue électorale de cette formation aux Européennes de 1979 était un trompe-l'oeil. Déjà, la forte abstention avait masqué le décrochage réel du P.C.F. Trente ans après...

Drôle de goût

La condamnation de Bernard Madoff à cent cinquante ans de prison laisse un drôle de goût. Sans doute l'homme est-il un escroc, escroc de type assez classique d'ailleurs, de la catégorie Ponzi, son célèbre inspirateur. Pourtant, cette peine de réclusion a tous les aspects d'une sentence religieuse. Pourquoi cent cinquante ans, durée privée de sens à l'aune d'une vie humaine ? Et pourquoi pas la damnation éternelle tant qu'ils y étaient ? Mais n'est-il pas vrai que l'enfermement à vie d'un bouc émissaire présente l'avantage de laisser croire que le système peut devenir vertueux ?

Bene

 

Le 26 août, 12 h 58. France Inter : « Natixis fait un bon en bourse de 31 %, quant à Alcatel-Lucent le progrès est de 16 %... » Le lendemain, France Info confirmait en assurant d'une voix guillerette que la Bourse de Paris avait progressé de 48 % depuis mars dernier. Toto va bene.

Déflation

On avait le néologisme à tendance euphémique du genre technicienne de surface en lieu et place de femme de ménage. Désormais, on est passé au barbarisme tendance désamorçage de la lutte des classes. Ainsi, début septembre, dans un centre de formation destiné à la Fonction publique, les intervenants n'avaient qu'une phrase à la bouche : « On déflate. » Entendez : on remercie, on licencie, on vire, on dégraisse, on balance, on jette. Mais « déflater » est meilleur, nombre de ses victimes n'en connaissent pas le sens. Pas encore.