Hugo Chavez est mort après une vaillante et terrible lutte pour sa vie. La longue période de son leadership se referme et ouvre le post-chavisme au Venezuela et dans toute l’Amérique Latine.

La vacuité politique existante depuis le {jo_tooltip} Le Caracazo est un ensemble de manifestations et d’émeutes à Caracas et aux alentours en février 1989 qui causèrent la mort d’environ 300 à 3000 personnes. Par les forces de l’ordre. | Caracazo {/jo_tooltip} et celle des vieux partis (Action Démocratique et Copei) en tant qu’instruments de l’oligarchie et du capital financier international, et l’échec de l’apogée éphémère de Causa Radical ont été démasqués par le coup d’Etat manqué qui avait transformé un jeune militaire nationaliste en héros populaire qui ne disposait jusqu’alors que de seulement l’appui d’un groupe d’adeptes dans les Forces armées.

Chavez a personnifié un grand espoir tout d’abord et ensuite il a donné forme à cette exigence populaire massive pré existante pour un changement social et l’indépendance nationale. Les travailleurs vénézuéliens, le peuple pauvre, les intellectuels anti-impérialistes se sont reconnus en Chavez et ils l’ont soutenu face à ses collègues d’armes et, quand un coup d’Etat militaro-civil pro impérialiste l’a mis en prison, ils l’ont sauvé et l’ont libéré. Par leur mobilisation, ils ont fait pencher la balance politique et morale au sein des forces armées en faveur d’un commandant qui était un des leurs.

Les exploités et opprimés du Venezuela ont adoubé Chavez, ils en ont fait leur leader, en reconnaissant en lui – et dans la haine des ennemis de classe envers lui  - la possibilité d’instaurer une alternative pour changer radicalement le pays.

Chavez a donc été le représentant d’une exigence de changement social profond, de libération nationale, d’une vague du nationalisme anti-impérialiste, de la nécessité de développement national et de démocratie qui grâce à lui a germé au Venezuela ce qui a permis ensuite d’impulser des changements similaires dans d’autres pays de la région.

Une relation fertile s’est établie ainsi entre Chavez et les pauvres du Venezuela qui n’ont pas accepté tout de suite son dynamisme et sa voix chantante. En réalité, c’est autant la redécouverte partielle de Trotsky, et la pression venue d’en bas, qui ont poussé Chavez en faveur de l’auto organisation populaire et du rejet de la bureaucratie comme  l’idée de former une Vª Internationale, qui a dégénéré assez rapidement en une tentative sans principes de rejoindre les ennemis de Washington (Téhéran, avant Kadhafi, Bachar et Assad et les autres du même style) et qui fut rapidement enterrée par la droite de l’appareil chaviste.

Finalement Chavez a ressenti le besoin d’avoir un parti avec des idées et des militants, ce qui a donné naissance au PSUV - où tout n’est pas que bureaucratie, électoralisme et hiérarchie verticale - et aux organismes de pouvoir populaire qui sont en grande partie asphyxiés ou qui n’ont pu se développer à cause d’obstructions de la part de cette droite bureaucratique et de l’armée.

Chavez n’a pu (à cause de sa propre confusion idéologique puisqu’il a mélangé les idées et les pratiques de l’ex-Union Soviétique de la version cubaine avec le christianisme social et les idées trotskistes sur l’auto organisation et l’autogestion) ouvrir une discussion démocratique sur ce que doit être le contenu essentiel d’un socialisme qui ne répète pas l’expérience délétère du « socialisme réel », la stratégie et l’instrument politique dans un État capitaliste dépendant, qui permettraient de commencer à changer la subjectivité des travailleurs et à établir les bases pour le socialisme compris comme participation politique à part entière : solidarité, contrôle de l’économie par les travailleurs eux mêmes et développement culturel et de citoyenneté pour la vie quotidienne.

Laissant ainsi place au développement de la corruption, à une économie de rente, et une vaste délinquance dans les couches bien placées de la société, de cette « bourgeoisie bolivarienne» nichée dans l’appareil d’Etat et dans certaines couches inférieures. C’est-à-dire, des secteurs qui renforcent socialement et politiquement la droite pro impérialiste et menacent le processus révolutionnaire et démocratique national en cours. Cela a aussi permis, dans l’appareil étatique, la cristallisation d’une alliance entre technocrates et bureaucrates ayant une idéologie capitaliste, et des liens avec des secteurs des forces armées, puisque celles-ci sont déjà  habituées à la verticalité du pouvoir. Le manque d’indépendance des dirigeants choisis pour leur fidélité plus que pour leur valeur intellectuelle et leur capacité, a fait que, sans la stimulation de Chavez, ce secteur d’adeptes au Leader ne peut pas suffisamment agir comme contre poids aux influences de la droite.

La droite « sans consistance » maintient des liens avec l’impérialisme et conserve son poids économique qui procède du caractère capitaliste et mono producteur de l’économie vénézuélienne mais, dans l’immédiat, ce n’est pas le danger principal si elle ne réussit pas à entraîner une partie des forces armées et du commandement chaviste.

Comme l’a dit Chavez lui même, le vrai danger capitaliste réside dans les Thermidoriens, dans la droite conservatrice, dans l’appareil étatique, dans ceux qui veulent éviter le contrôle et l’organisation populaire, dans les militaires de droite qui veulent « de l’ordre », c’est à dire leur « ordre », dans les bureaucrates qui désirent s’enrichir en jouant avec ce marché dépendant du capital international.

Il a cherché à tâtons, mais sans trop réussir, un certain anti capitaliste, structuré sur une base plus démocratique, vaguement défini comme le «socialisme du XXIe siècle", par opposition aux systèmes bureaucratiques soviétique, cubain, chinois et vietnamien.

Par rapport à l’Amérique latine, son influence était réelle dans les peuples. Il se distinguait de l’ensemble des dirigeants de l’Amérique laltine car il était anti capitaliste, contrairement à Rafael Correa, Cristina Fernandez, Dilma Rousseff et José Mujica, qui avaient des intérêts opposés aux siens alors qu’il a tenté de créer - et de contrôler - un vague «pouvoir du peuple». A la différence d’Evo Morales, Il n'était pas le constructeur d'un Etat capitaliste plus moderne, basé sur le développement intensif de l'extraction des richesses minières ou pétrolières, tout en appliquant une politique basée essentiellement sur l'exportation de pétrole vers les États-Unis et, tout en favorisant l'industrialisation, il a cherché à tâtons, mais sans trop réussir, un certain anti capitaliste, structuré sur une base plus démocratique, vaguement défini comme le «socialisme du XXIe siècle", par opposition aux systèmes bureaucratiques soviétique, cubain, chinois et vietnamien. Pour cette raison, sa mort sera ressentie non seulement au Venezuela, mais aussi en Amérique latine, en particulier au sein des organisations qu’il avait stimulé.

Chavez mort, c’est très probablement un directoire qui va le remplacer ou un gouvernement collectif qui va agir comme front unique entre différents personnages et tendances de l’actuel chavisme, à l’exception de la tendance révolutionnaire, plébéienne, qui ne fait pas partie de l’appareil. La pression de la droite politique oligarchique et de Washington se fera sentir très fortement et l’actuelle politique économique d’appui à Cuba et à l’ALBA comme les projets d’intégration sud américaine (par exemple Unasur basé sur un trio Brésil, Argentine,  Vénézuela), seront doute rediscutés et redéfinis pour pouvoir renforcer dans l’immédiat, au nom du nationalisme et pour la préservation de l’appareil, une politique d’assistance et d’importations qui calmera le front social.

C’est un danger que seules la mobilisation et l’auto organisation des travailleurs peut gêner.

le 6 mars 2013