Cohérence
Les tambours de la conscience morale nationale ont rarement reculé aussi fort qu'à l'occasion de la visite en France de Muamar Khadafi, en ce début décembre 2007. De la Gauche au Centre et à la Droite, ministres compris, c'était à qui hurlerait le plus fort. Pensez! Le pays des droits de l'homme servant de carpette à un dictateur sanguinaire! Consternation, cynisme et ébaudissement confluaient dans le constat d'une nouvelle incohérence politique du Guide suprême de la République, que l'on savait, depuis sa campagne électorale, coutumier du fait, puisqu'il sautait allègrement de la commisération à l'insulte, de l'œcuménisme à la prévention, du discernement à la cécité, parfois à l'égard des mêmes sujets (de droit). Qu'on le déplore ou le vante, versatilité, démagogie, chattemiteries, le personnage ne craignait aucun revirement. Soit. Mais, en fait d'incohérence, c'est plutôt d'une solide logique qu'il conviendrait de parler.

 

1.- En tant qu'homme lige du Medef, chargé d'ajuster le pays à l'ultralibéralisme, M. Sarkozy remplit parfaitement son office et son comportement lui est strictement adéquat. Il peut successivement ou en même temps dénoncer le colonialisme et défendre sa positivité, vitupérer l'islamophobie et s'affirmer inconditionnel d'Israël, cracher sur les cheminots et embrasser les pêcheurs, accueillir les exploités d'ailleurs et refouler ceux de chez soi, accoupler Gôche et réaction, patrons et ouvriers, chanter sous tous les balcons, de Bush, de Hu Jin Tao, de Poutine ou de... Khadafi, l'argent n'a ni odeur, ni race, ni nationalité ni religion.

2.- Autre règle : l'ami de mon ami étant mon ami, comment ne pas faire le meilleur accueil au protégé de notre patron commun, Khadafi, qui, en l'occurrence, ne jure plus que par le Pentagone.

3. -Et les droits de l'homme? Sans doute pourrait-on se résigner à ne voir plus en eux qu'une sorte de colifichet, rappelant l'antique identité, ou s'affliger de leur avilissement en quelque légion d'honneur à la boutonnière d'un élu concussionnaire, ou, plus noblement, évoquer les nécessités de la Realpolitik, point, car ils ne sont nullement violés. Nous nous trouvons en pleine morale, au sens le plus élevé.

3.1.- Le salut des infirmières bulgares et du médecin palestinien, abandonnés par tous les marchands sans scrupules (qui sont nos alliés), ne passait-il pas avant tout, i. e. avant le business (encore qu'il faille bien acquitter sa dette) ?

3.2.- Fallait-il renoncer à donner du travail à nos ouvriers, et même à avoir encore des ouvriers (sic), dont les familles auraient à manger?

3.3.- Etait-il concevable que l'on refusât de tendre une main secourable au pécheur repenti, sur le chemin de la Rédemption?

3.4.- Côté des ministres, dont on aura noté qu'aucun, en dépit de ses réserves, éthiques elles aussi, n'a démissionné : B. Kouchner assure que la visite en question est « bonne pour l'emploi » (France Inter, 10 décembre, 8 h.) ; Rama Yade exerce le droit d'expression démocratique qui revient à sa fonction ; Eric Woerther garde le silence démocratique prescrit par la sienne (Ibid.)

Qui enfin oserait prétendre qu'il n'est pas conforme au respect des droits de l'homme d'interdire la vente d'armements ou de réacteur nucléaire, sous prétexte qu'ils pourraient être utilisés à des fins meurtrières sur des populations innocentes ?

Coïncidences ou Le tiers exclu (1)

Par un singulier paradoxe, le jour de la visite du Président libyen a coïncidé avec la célébration de la journée mondiale des Droits de l'Homme. Madame Rama Yade, avec la fougue qu'on lui connaît, s'est d'autant plus empressée à le faire remarquer, qu'elle trouvait là sa propre preuve ontologique.

Par contre, pas un mot sur cette autre concomitance, savoir que le même jour s'effondrait la bouffonnerie d'Annapolis, avec le reprise des colonisations en Cisjordanie. Il est vrai que les Israéliens sont au-dessus des Droits ce l'Homme et les Palestiniens dessous.

Prisonniers ou Le tiers exclu (2)

Un consensus sans faille celui-là rassemble toutes les familles politiques, nationales et internationales (cf. le pas de clerc de Chavez), en faveur de la libération d'Ingrid Betancourt, franco-colombienne, « prise en otage » par les affreux marxistes des FARC. Au point que lesdites familles se sont intégrées à la propre famille de l'intéressée, - mère, fille, fils, ex-mari, sans parler de l'ami de toujours et de Sciences Po, D. de Villepin, à laquelle les médias sont tout dévoués.

Le Vice-Président de l'Assemblée nationale, Rudy Salles, n'écoutant que la voix de sa conscience, exige qu'une semblable sollicitude, accompagnée d'une menace de suspension de l'aide européenne à la Palestine, se manifeste à l'égard du soldat franco-israélien, Guilad Shalit, « kidnappé » et encore détenu par les terroristes du Hamas (Conférence de presse du 28 octobre 2007)

À la poignée d'attardés, qui s'est émue du sort de Salah Hamouri, un tout aussi franco-, mais palestinien (nationalité qui n'existe pas), « prisonnier », quant à lui, de l'armée israélienne, nos autorités concernées ont fait savoir qu'il

n'était pas question de s'immiscer dans les affaires de l'État d'Israël.

Ex-voto

Lors de la dernière Assemblée générale de l'Onu, une des photos souvenirs prises de la délégation française représente, saisis en plein jogging, le Président de la République, vêtu d'un maillot exhibant le sigle de la police de New York (NYPD : New York city Police Department), au coude à coude avec son ministre des Affaires étrangères, se contentant, quant à lui, d'afficher un plaisant « Gare au gorille ». Le mensuel BRN, du 30 octobre 07, qui reproduit cette image, précise qu'il ne s'agit pas d'un photomontage.

Suite dans notre revue Utopie Critique N°43