La question de la place de l’agriculture dans un pays profondément attaché à l’histoire de sa paysannerie

 Macron veut gagner les Européennes de Juin 2024 contre le FN de Marine le Pen qui est pronostiqué en haut des votes. On donne même à Macron l’intention de se présenter à la fin de son mandat présidentiel en concurrent de Von der Leyen qui, elle, sollicite un deuxième mandat à la tête de l’UE : « Blanc bonnet, Bonnet blanc » comme disait un ex-secrétaire du PCF bien oublié depuis (Duclos) !

Pour cette bataille du « réarmement idéologique », il nomme un premier ministre, son clone en plus jeune, qui termine son discours à l’Assemblée Nationale en se glorifiant comme étant le « premier ministre homosexuel », ce qui devrait suffire à ses yeux pour montrer « au monde » une « France qui a changé » ! Un narcissisme juvénile, héritier d’un combat des années 1970/1980 pour une homosexualité dépénalisée qu’il n’a pas mené et qui laisse prévoir une politique des « Moi, je… » au lieu des « Nous… », c’est-à-dire en fait que « rien n’a changé » dans notre bonne république au caractère « monarchiste » de France !

Une partie du gouvernement (autre que les ministres régaliens) est vite nommée et affiche avec arrogance « A droite toute ». Au moins c’est clair, fini le mythe du « Ni, Ni ». Fini « l’enfumage » des Français ! Un Macron de « gauche » ? non : il n’y a plus d’ambiguïté ! La presse parle même d’un gouvernement susurré par Sarkozy !

Mais à peine nommé, Gabriel Attal se prend la révolte de la paysannerie française en pleine figure.

La France sans sa paysannerie, ce n’est plus la France. Sa culture est si imprégnée des Jacqueries récurrentes au caractère quasi-libertaire tout au long de son histoire que même les rois avaient appris à respecter ce « Tiers Etat » !

En 2024, la paysannerie était de 400000 exploitants et 250000 ouvriers agricoles, soit 2% de la population française active : en 1982, 1.600.000 agriculteurs et 310000 ouvriers agricoles. La concentration des terres, le « remembrement » et la PAC (Politique Agricole Commune, 1962) ont permis l’industrialisation à grande vitesse de l’agriculture et le développement de grands groupes (300 entreprises qui concentrent 85% du marché et 6 centrales d’achat pour 96% du marché !) souvent apparentés politiquement à la droite. La droite se présente comme l’amie du syndicat ultra majoritaire la FNSEA qui impulse la politique de « modernisation » des grands groupes producteurs de l’agriculture française.

L’agriculture est en permanence dénoncée par les écolos, en majorité urbains ayant perdu tout contact réel avec la terre, pour son emploi de produits chimiques nocifs aux terres et aux humains (donc aux agriculteurs qui les emploient), et cela donne souvent des affrontements physiques assez violents avec les forces de police. Sur la lutte anti pesticides et autres, les écolos ont raison, mais ils ont tort quand les luttes de certains d’entre eux sont menées par la nouvelle « morale » écologiste du « retour à la terre ». C’est une rigolade si l’on considère l’évolution humaine depuis la préhistoire. L’humain a toujours combattu la « nature » pour sa survie. Les épidémies diverses et variées, les cataclysmes plus ou moins monstrueux, le réchauffement climatique en raison de l’activité humaine, etc., sont toujours des défis qu’il nous faut gagner ! Et c’est à l’intelligence des Hommes et des Femmes de créer de nouveaux paradigmes avec l’accord et sous le contrôle des populations.

La proximité des élections européennes aidant, et surtout le début d’une mobilisation tout d’abord de la Pologne, suivie par celle d’une bonne partie des pays de l’ex-Est, qui refuse la concurrence des produits ukrainiens en Europe, puis se généralise dans tous les pays de l’UE, a mis en marche toute la paysannerie. Les Polonais ont tenu bon, bien que la Pologne soit le pays le plus impliqué dans le soutien aux Ukrainiens. Et les réclamations de Zèlensky n’y feront rien.

L’UE qui a sanctifié le « marché agricole libre et concurrentiel » (et vas-y, que je te signe des accords d’échange à tout va, avec l’Amérique latine, le Canada, la Nouvelle Zélande etc.), montre sa méconnaissance et son mépris du monde agricole. Elle avait décidé en 2022 d’ouvrir le marché européen à la production ukrainienne sans taxes ni contraintes aucunes ! Introduire une concurrence libre, au coût le plus bas, alors que la paysannerie européenne est soumise à taxes, fiscalités, contrôles, normes de qualité, et règles sur le bien-être animal, sans parler du remboursement de prêts bancaires…, c’était à coup férir réveiller la colère des producteurs. 

« Ouvriers, paysans nous sommes, le grand parti des travailleurs…, producteurs sauvons nous nous-même…, décrétons le salut commun » ! Ces quelques phrases de l’Internationale montrent que le monde paysan, ce n’est pas rien dans l’histoire du socialisme. Et si la jonction avec la classe ouvrière n’a que rarement eu lieu et si les jeunes générations l’ont oublié, nous devons soutenir ses révoltes contre la mise en concurrence des pratiques vers le bas et la généralisation de l’organisation capitaliste qui pèse tant en matière de carbone sur les échanges d’un bout du monde à l’autre et sur nos santés, et militer pour une agriculture locale et souveraine !

Aujourd’hui les consommateurs européens exigent de la qualité, une autosuffisance alimentaire et ils soutiennent en général les efforts de leurs paysans mais en tant qu’urbains ils méconnaissent parfois ce qu’est le travail de la terre concrètement.

Tout d’abord c’est un métier qui nécessite différentes larges connaissances, sur le cycle de la nature, les animaux, la gestion des sols, de l’eau, l'informatique, etc. Puis, selon leur production, lait, élevage etc., les paysans, et la taille de leur exploitation, jonglent en permanence avec le yoyo de leurs revenus, dont le niveau est décidé non seulement par leur travail, mais aussi par la nature ou les politiques économiques des prix décidés sur les marchés de matières premières, à Londres ou ailleurs. Bien souvent ils se retrouvent au niveau du smig et moins même avec quelques subventions. Ils peuvent perdre leurs récoltes avec les intempéries, ou leur élevage peut être atteint par un virus ou une maladie.

D’autre on pense qu'ils possèdent leurs terres et leurs matériels agricoles. En réalité c'est le crédit agricole et d'autres banques qui détiennent leur propriété et leur matériel par le jeu de lourds crédits. Toute variation de leurs récoltes ou dans le coût de leur production les plongent dans des abimes d'angoisses... Certains se sont regroupés en coopératives pour répartir les coûts, mais ils n’échappent pas aux aléas propres au monde paysan.

Accepteriez-vous de travailler pour un revenu indéterminé ou en baisse et même parfois négatif ?

L’avenir de la production agricole est dans une production de plus en plus écologique, dans des fermes et exploitations de petite ou moyenne surface, dans le cadre d’une souveraineté nationale et en partie européenne, pour une production proche des consommateurs avec une politique de prix reconnaissant le travail du producteur qui ne soit pas fixée par les grandes surfaces où à l’étranger. La reconnaissance de ce labeur doit être totale.

Et pourquoi ne pas faire qu’écolos, paysans, ingénieurs agronomes et consommateurs se rencontrent et travaillent ensemble sur des solutions écologiques, plutôt que de s’affronter ; pour arriver à produire dans le respect des territoires et de la santé de la terre et des humains ?

Hélas, nous avons pu voir comment Gabriel Attal s’est si bien entendu avec la FNSEA pour une industrialisation soutenue quitte à alléger sans discernement les contrôles sur les pesticides qui permettaient aux Français d’avoir une nourriture de qualité et de proximité. Il est vrai que le gouvernement, contre tous ses discours pseudo écolos, avait voté la décision de l’UE reconduisant l’utilisation du glyphosate pour dix ans malgré sa toxicité reconnue qui le rend potentiellement cancérigène !

Les paysans veulent dresser un bilan de ces 40 années d’une production intense, de leurs pratiques, leur place dans la société actuelle et à venir, et surtout discuter du niveau de leurs revenus. Ils n’ont pas de réponses. Et pour cause, leur mouvement met fin au grand marché concurrentiel, ouvert à tous les vents d’où qu’ils viennent. C’est une attaque globale à l'un des  principes fondateurs de l'UE. Sans actes significatifs il est à prévoir que cette colère ressurgira à un moment ou à un autre.

En attendant ils devraient s’exprimer (ou non) lors des élections européennes prochaines. Et le projet de Macron de gagner les européennes semble déjà perdu !

Droit du sol ou droit du sang ?

Mais ce n’est pas tout. Un nouveau défi va déchirer la France.

La situation à Mayotte où près de 50% de la population serait une population de migrants arrivée des îles environnantes de l’archipel des Comores dans l’Océan Indien. Cette population de migrants vient à Mayotte pour bénéficier des avantages sociaux qu’est en droit de recevoir l’île devenue département Français en 2009. Ainsi beaucoup de femmes arrivent des îles avoisinantes pour accoucher à Mayotte, poussées par le mirage de la « nationalité française » pour leurs enfants et les droits sociaux. Or la population originelle de Mayotte, très pauvre, ne supporte plus ces migrants, encore plus pauvres, et leurs trafics. Elle réclame une action ferme du gouvernement Français, qui, il est vrai, ne s’occupe pas vraiment du développement de cette île.

Alors, après une dernière révolte des Mahorais « de souche » fin 2023, début 2024, le Ministre de l’Intérieur, Darmanin (politiquement issu d’une droite très à droite) en visite dans l’île avec une escouade de policiers et de gendarmes venus rétablir l’« ordre républicain », annonça une bombe : « Il ne sera plus possible de devenir français si on n'est pas soi-même enfant de parent français » (11 février 2024) Ce qui ébranle sérieusement « le droit du sol ».Immigration : droit du sol, droit du sang, quelle est la règle en France ? Droit du sang : la nationalité française est attribuée à tout enfant né en France ou à l'étranger dont au moins un des parents est Français. C'est ce que l'on appelle le « droit du sang ». Droit du sol : le droit du sol permet à un enfant né en France de parents étrangers d'acquérir la nationalité française à ses 18 ans. Pour cela, plusieurs conditions doivent être respectées : résider en France à la date de ses 18 ans et avoir sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans. Avant sa majorité, il peut acquérir la nationalité sur demande de ses parents (entre 13 et 16 ans), ou sur demande personnelle (entre 16 et 18 ans), avec des conditions de durée de résidence en France. Le double droit du sol. Si un parent étranger, mais né en France, a un enfant sur le sol français, celui-ci bénéficie du droit du sol et donc de la nationalité française à sa naissance. C'est le « double droit du sol ». Le caractère automatique de l’acquisition de nationalité pour un enfant né en France de parents étrangers avait été abrogé en 1993, sous le gouvernement Balladur. L’enfant concerné devait en faire la demande à sa majorité. Mais cette loi a été supprimée par Jospin en 1998. Le cas particulier de Mayotte. L'archipel de Mayotte, confronté à une importante crise migratoire, faisait exception depuis 2018. En effet, la loi Asile et immigration avait instauré une dérogation au principe du droit du sol : un enfant né de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française à la majorité qu’à condition que l’un de ses parents ait résidé en France de manière régulière et ininterrompue pendant plus de trois mois avant sa naissance. (C. News, 12/02/2024)

Le jour même, à Paris, Bardella Notons que Bardella est lui-même fils d’un couple d’Italiens et arrière- petit-fils d’une algérienne. Notons aussi que l’Italie – droit du sang – devait élargir sa nationalité au droit du sol, mais qu’elle a abandonné ce projet et ce n’est pas Meloni qui le votera ! L’Allemagne a adopté le droit du sol en 2000 (assorti à un séjour d’au moins 8 ans de l’un des parents sur le sol allemand) le chef de file du Rassemblement National et de la liste RN aux Européennes, réclame haut et fort l’extension à la France de la fin du « droit du sol » pour un « droit du sang » exclusif, après avoir milité pour la « préférence nationale » : réserver l’emploi d’abord aux salariés de nationalité française, ou les droits sociaux aux Français dans le cadre du dernier projet de loi sur l’immigration.

Tant que le Front national, puis le RN servaient d’exutoire à un vote du « Non » à la politique des gouvernements libéraux successifs, cela ne posait aucun problème. Sa campagne soutenue contre les migrants n’était que l’expression d’une certaine « xénophobie ».

Mais quand l’influence du RN intervient clairement dans la politique actuelle du gouvernement Macron, ce n’est plus du tout pareil. Lorsque le projet de loi sur l’immigration adopté le 19 décembre 2023 (349 pour, 146 contre), présentée par le même Darmanin, comprend l’instauration de la « préférence nationale », il n’y aurait plus alors les mêmes droits du travail pour les « travailleurs étrangers » ? Ou, pire, lorsque Darmanin brise le tabou de la nationalité par le sol !

Le RN remporte une victoire après avoir labouré depuis 20 ans avec persistance une France qui a fini par se dépouiller de ses repères moraux et politiques. Dans un pays où la « gauche » a perdu tous ses combats.

Cette « gauche » aurait pu régulariser légalement une immigration autorisée qui travaille sur notre sol au lieu de fermer les yeux pour un contrôle de l’immigration clandestine (elle-même victime de trafiquants) et redéfinir l’immigration dans un contexte républicain. Mais la veulerie des uns et des autres (Jospin, Ps etc.) et l’illusion du « tout le monde il est beau et gentil », ont fini par créer un climat pourri et la situation désespérante d’aujourd’hui. Quant à l’extrême gauche à force de « crier au loup » sans discernement, de se mobiliser contre un racisme qu’elle dit « structurel » en ignorant les problèmes du mal de vivre des Français, elle a aussi participé à ouvrir une voie royale à le Pen.

Le fait majeur de ces derniers mois, c’est quand même la fin du « cordon sanitaire républicain » que les partis de la droite et du centre droit traditionnels, disaient afficher contre le RN. Macron et son premier ministre l’ont fait voler en éclat. Quand on est pour le libéralisme d’un « marché globalisé des marchandises, des hommes et de la finance » la question de l’appartenance à une « nation » n’en est plus une. Le « marché globalisé » concurrentiel a besoin de main d’œuvre d’où qu’elle vienne, aux salaires et aux droits les plus bas. Et la France n’y fait pas exception. Et elle ne fait rien ou trop peu face aux arrivées de « clandestins » qui financent d’abord des groupes mafieux puissants et qui ont créé un « marché de l’espoir » des migrants pour une meilleure vie !

Dans « l’Occident » aujourd’hui en guerre contre la Russie, la place des migrants surtout de « couleur » est discutée : comment répondre aux déplacements de populations victimes de guerres (très souvent provoquées par cet Occident), de changements climatiques, etc. ? Mais quelles sont les mesures politiques qui permettraient de régler ce problème ? Les Usa montrent quoi faire avec leurs actions contre une population d’Amérique du Sud fuyant la misère : un mur illusoire !

Le droit du sol (et de la nationalité) remonte aux Romains, se rediscute avec les Révolutionnaires de 1789, s’inscrit dans le code de la nationalité de Napoléon Bonaparte et les périodes suivantes. La nationalité Française s’est construite autour de la langue et tout au long de son histoire. Elle n’est pas figée selon des critères de race comme veulent le faire croire les droites. Mais elle impose certaines conditions à respecter.

La désertion de la « gauche » est terrible faute d’avoir eu le courage de légiférer clairement sur les droits ou non de l’immigration. Elle permet ce qui explose aujourd’hui. La désertion de la « droite républicaine » est pire encore.

Elle marquera d’infamie le quinquennat de Macron et de son Premier ministre, s’ils ne rejettent pas la proposition de Bardella. Ils se sont déclarés pour la régulation des clandestins « qui travaillent dans les secteurs en tension », mais la mettront-ils en place dans la pratique ? Ce n’est pas gagné. Or Attal, le premier ministre, dans un souci électoraliste, a annoncé qu’il travaillera avec toutes les forces politiques y compris le RN (tout en fustigeant la FI). Cela augure très mal de sa politique !

Février 2024