Le 26 septembre 2024, 1.291.488 signatures ont été remises à la Cour suprême italienne pour un référendum contre la loi du ministre Calderoli, membre de la Lega et « Ministre des affaires régionales et l’autonomie » de Meloni. Ce projet de loi « régionaliste » qui date de 2005, devenu aujourd’hui sous le gouvernement Meloni celui de « l’autonomie différenciée », est ressenti par les Italiens comme le chemin vers une séparation politique de traitement entre le Nord et le Sud de l’Italie. Cette vieille revendication d’il y a une trentaine d’années d’Umberto Bossi, le fondateur de la Lega, qui revendiquait déjà une « sécession fédéraliste » de la Padania - les régions du Nord où coule le Po -, peut mettre fin à la Constitution de « l’Unité italienne » et à la solidarité économique, politique et sociale entre le Nord et le Sud qui, il est vrai, n’a jamais cessé d’être remise en cause par les régionalistes du Nord ! (D. Riva)

L’opposition au projet de loi sur l’autonomie différenciée doit s’inscrire dans un moment de résistance populaire qui, en plus de défendre un cadre de droits sociaux, vise à reconstruire un tissu de luttes et de revendications qui ont une portée sociale, nationale et démocratique

Le lundi 29 octobre, des rassemblements ont eu lieu dans toute l’Italie contre l’autonomie différenciée. L’initiative est née d’une coordination variée des forces « le comité contre toute autonomie différenciée » qui, avec ténacité et détermination, a su produire des débats, des études approfondies, des initiatives de rue et des manifestations qui ont commencé il y a cinq ans, dans un contexte très difficile d’occultation et de marginalisation de la question, tant par les principaux médias nationaux que par une partie substantielle des forces politiques présentes au Parlement. Comme mentionné précédemment, le projet d’autonomie différenciée est né avec une série de pré-accords entre le gouvernement et les régions en 2018 à la fin du mandat du gouvernement Gentiloni. À cette époque, à l’initiative de trois Régions : la Vénétie, la Lombardie et l’Émilie-Romagne, un projet d’expropriation, par l’État central, d’une série de questions d’ordre social qui auraient dû passer aux Régions a commencé à être défini au sein de la Conférence État-Régions. Il ne s’agissait pas seulement de la Santé, largement externalisée dans les Régions depuis un certain temps, mais aussi d’autres secteurs : transports, infrastructures, environnement, normes générales de formation, recherche, sécurité au travail, etc.

Au sein de la Conférence État-Régions – un organe créé et alimenté par la modification du titre V de la Constitution – une véritable négociation a été ouverte au sein de laquelle les gouverneurs des régions, à commencer par la Vénétie, la Lombardie et l’Émilie-Romagne, ont déterminé combien et quelles matières devaient passer de la compétence de l’État à celle des régions. La tête de pont était la Vénétie avec 26 sujets, suivie de la Lombardie (22) et de l’Émilie-Romagne (16). Ce qui est frappant, c’est que seules deux Régions – les Abruzzes et le Molise – n’avaient soumis aucune demande à cet égard, tandis que tous les autres Gouverneurs, même s’ils se trouvaient dans une situation de difficulté objective (pensez aux Régions du Sud), ont présenté leurs listes de souhaits à la Conférence. Ce fait nous fait réfléchir sur l’autoréférentialité, le particularisme et l’obtusité municipale d’une classe politique locale de type business, corporatif et, surtout, étroitement liée et interconnectée avec les lobbies et les potentats présents sur le territoire ; cela se produit d’une manière particulière dans ce no man’s land – suffisamment éloigné des citoyens pour être contrôlé mais, en même temps, dépourvues d’universalisme étatique – qui sont, précisément, les Régions. À tout cela, il faut ajouter l’absence totale de publicité et de discussion dans l’opinion publique sur les négociations en cours. Très peu d’informations ont été diffusées, une absence totale de débat dans l’opinion publique et parmi les médias, à laquelle s’ajoute la complexité et le caractère baroque et insaisissable du sujet.

Malgré tous ces obstacles, le « Comité contre toute autonomie différenciée » a su soulever le problème, le sortir des limites étroites d’une discussion entre technocrates et bureaucrates de l’État, et l’étendre à des secteurs toujours plus larges des associations et de la société civile et politique. Le projet de régionalisation, en effet, ne signifie pas seulement une augmentation des différences entre le sud et le nord, mais aussi – et surtout – une réduction exponentielle des droits sociaux de l’ensemble de la classe ouvrière et de la grande majorité des citoyens italiens. Le transfert de compétences de l’État vers les Régions signifie, en effet, réduire les fonds globaux à allouer à l’aide sociale, éliminer, dans ces secteurs, tout cadre réglementaire national possible pour les travailleurs, accentuant ainsi la servilité et la discrétion des patrons tant dans la fourniture des services que dans le traitement du personnel qui est rémunéré pour les exécuter. Il ne s’agit pas, bien sûr, seulement de réduire la distribution des fonds pour le sud mais aussi de définir un rapport de force de type privé, patronal et clientéliste. C’est la raison pour laquelle le projet de loi Calderoli – le projet de loi sur l’autonomie différenciée – représente un élément très puissant d’échange et de négociation entre la Ligue et Fratelli d’Italia dans lequel le parti de Giorgia Meloni, voulant l’élection directe du Premier ministre, accorde à la Ligue, de plus en plus en difficulté en raison de la chute du consensus, une accélération de la mise en œuvre de la réforme qui suscite une profonde inquiétude chez tous les plus sincères. démocratique.

Si, du côté du gouvernement, nous assistons à une accélération très dangereuse du vote sur le projet de loi Calderoli (le 29 avril, il a été adopté en commission sénatoriale), en revanche, la « coordination contre toute autonomie différenciée » a pu, surtout ces derniers temps, élargir le front de l’opposition au projet de loi, incluant à la fois les syndicats de base et la CGIL et l’UIL, auxquels se sont ajoutés de nombreux maires du Sud. Grâce également à cette initiative de pression politique, le Mouvement 5 étoiles a renforcé ses critiques et son rejet des projets de loi sur l’autonomie différenciée, tandis que dans le - au sein duquel le président de la région d’Émilie-Romagne, Bonaccini, avait activement soutenu le régionalisme - des contradictions se sont ouvertes avec une partie du parti (pensez à De Luca) montrant de plus en plus de perplexité face à une réforme aussi lourde, en particulier pour les citoyens du centre-sud. Ce n’est pas une coïncidence, en effet, si, il y a seulement un mois, une première manifestation nationale contre le projet de loi Calderoli a eu lieu à Naples.

Si, d’une part, il est évident que l’autonomie différenciée creuse encore le fossé entre le Nord et le Sud, se plaçant ainsi dans le problème atavique de la « question méridionale », d’autre part, le problème doit s’inscrire dans une question sociale et démocratique beaucoup plus large. Les droits sociaux, qui passent du terrain national au terrain régional, sont réduits pour tous les citoyens, tandis que les travailleurs des secteurs publics touchés par le processus de régionalisation verront leur pouvoir de négociation encore affaibli par un cadre réglementaire de plus en plus fragmenté et en perpétuellement insuffisant. De ce point de vue, outre la démonstration logique de ce processus, il suffit d’observer empiriquement ce qui s’est passé dans les secteurs où le processus de régionalisation s’est déroulé plus rapidement ces dernières années, à commencer par la santé. Dans ce secteur, en plus de l’énorme gaspillage d’argent destiné aux logiques privées, électorales et de favoritisme (pensez à la Lombardie, à la Sicile et à la Calabre, où le phénomène a été le plus frappant), le droit à la santé de la grande majorité des citoyens a été effroyablement érodé tandis que les droits des travailleurs ont été réduits de manière inquiétante. Des équipes épuisantes, un recours immodéré au système coopératif, des salaires inférieurs aux conditions de subsistance ont généré une situation d’exploitation et de chantage à la limite de l’insoutenable.

Lue dans cette perspective, l’autonomie différenciée répond à une logique de chantage et de domination sur les classes populaires, de plus en plus dramatique et irrationnelle, qui rejaillit d’emblée sur l’ensemble de l’ordre démocratique du pays. En réduisant les droits sociaux, en effet, les travailleurs et, plus généralement, les classes populaires, sont confrontés à un chantage constant sur leurs conditions de vie, leur propre capacité à s’organiser en vue de la reconnaissance de leurs droits s’est détériorée et c’est pour cette raison que « la sécession des riches » n’est pas en contradiction avec les virages autoritaires et nationalistes exprimés par Fratelli d’Italia dans la poussée pour le poste de premier ministre, c’est-à-dire l’élection directe du premier ministre. Le premier ministre fort représente, dans cette perspective de servilité et de fragmentation, l’unité imposée de l’extérieur à un État et un organisme social dans un état progressif de putréfaction.

C’est pour ces raisons, sociales, nationales et démocratiques, que la lutte contre l’autonomie différenciée doit être conçue comme « la mère de toutes les batailles ». 

Le gouvernement Meloni – mêlant autoritarisme présidentiel et régionalisme – est l’expression d’un bloc social qui entend maintenir et accroître ses privilèges en accentuant la fragmentation et la domination personnelle d’une oligarchie de plus en plus restreinte. S’opposer à ce projet à la racine, c’est s’insérer dans un horizon politique et culturel en vertu duquel il est nécessaire d’utiliser tous les moyens possibles pour en freiner le cours et, en même temps, renverser radicalement la logique sous-jacente. Tout d’abord, nous devons utiliser les élections européennes pour freiner le pouvoir des partis de gouvernement, nous joindre aux manifestations - à commencer par celle de la CGIL à Naples le 25 mai - qui visent à mettre en lumière ce problème devant l’opinion publique ; enfin, même si le projet de loi devait être adopté, lier l’attaque contre les droits des travailleurs et des citoyens dans les différents secteurs à cette conception générale de la réglementation dans laquelle il est inséré en décrivant sa logique à long terme ; enfin, de partager la stratégie inclusive adoptée par la Coordination contre l’autonomie différenciée puisque les outils entre les mains de l’ennemi sont si puissants et si répandus qu’il n’y a aucun sens à alimenter davantage les divisions au-delà de celles que l’ennemi a déjà le pouvoir de mettre en place.

 

Le 03/05/2024, la Città del futuro