Trois élections, les Européennes le 9 juin 2024, suivies par la dissolution de l’Assemblée nationale une heure après leurs résultats désastreux pour Macron, et les deux élections législatives des 29 et 30 Juin pour le premier tour et les 6 et 7 juillet pour le deuxième, ont confirmé un même résultat : les Français rejettent la politique de Macron.

La France n’a cessé de surprendre, avec ses JO bien sûr, mais avant tout par les rebondissements fiévreux de sa vie politique et une surprenante conception de la "démocratie", de son Président lui-même.

On a pu voir :

A/ Le RN : Elections législatives de 2022 : 89 sièges. 2024 : 143 sièges

Ceux qui ont gagné avec plus de 11 millions de voix, le Rassemblement National, perdent la possibilité de nombreux sièges, éreinté par la guerre déclarée du « Front républicain » contre le « fascisme » de Le Pen. 11 millions de fascistes en France ? Il serait peut-être bon d’analyser la nature de ce « fascisme » du 21ème siècle.

Ce que l’on peut dire déjà c’est que le développement de l’UE s’est, dans tous les pays de l’UE, accompagné d’un développement de nouvelles droites dures.

Ce que l’on peut dire aussi c’est que la sociale démocratie a trahi en choisissant des programmes néo-libéraux pour construire l’UE, en accompagnant les restructurations industrielles (délocalisations) et fabriquant de la rente avec une plus-value distribuée essentiellement aux actionnaires. En mettant en œuvre essentiellement des « revendications sociétales ».

C’est-à-dire qu’elle a construit une UE libérale et de rentiers contre le salariat et développé au contraire la précarité. Les Partis Socialistes sont moribonds, il leur faudra beaucoup de temps pour éventuellement se reconstruire. Quant à la FI, l’autre partie de la « gauche » elle est quelque peu mise à distance, pour son radicalisme.

La majorité des Français n’étant pas des « rentiers », elle a exprimé en votant RN, une impuissance à agir par elle-même (comme l’ont fait pourtant les Gilets Jaunes en octobre 2018).

Pourquoi le RN plutôt que la « gauche » ? Le RN avec sa campagne sur la « sécurité » et « l’immigration » apparait capable de remédier à certaines peurs provoquées par des crimes récurrents, la guerre de la drogue, le manque de policiers ilotiers dans les villes, et surtout le désinvestissement permanent de l’Etat.

Les zones rurales et banlieusardes ont vu disparaître l’Etat : école, gare, bureau de poste, hôpital, gendarmerie, etc., au profit des « métropoles », et peu à peu l’épicerie, et les « cafés » ces lieux de convivialité typiquement Français. Récemment, les Français viennent d’apprendre que leurs commissariats de police sont en faillite ! Un commissariat de police loue son local, il n’en est pas le propriétaire, c’est-à-dire que l’Etat n’en est pas le propriétaire ! Or la police, la « sécurité », c’est une fonction régalienne ! Dans ce cas précis, les 200 millions qui sont alloués à cette dépense ont été ventilés sur d’autres postes de dépenses plus urgents ! L’Etat Français est-il proche de la faillite ?

Parler de sécurité et de contrôle de l’immigration clandestine est aussitôt renvoyé par la gauche radicale au « fascisme » ! La « Gauche », et donc la FI, apparait nier ces problèmes et au contraire favoriser un certain communautarisme.

Toutefois cette droite RN a une particularité, c’est que Marine le Pen exprime des positions sociales comme par exemple le refus de la retraite à 64 ans. Elle le tient un discours social général qui a fait sa popularité : une sorte de « Marine, petite sœur des pauvres et nouvellement des classes moyennes » ! Ce n’est pas le cas de Meloni en Italie, par exemple, qui est plus européiste que le Pen. En Italie, comme en Allemagne et dans la plupart des pays de l’UE, l’âge de la retraite à « l’européenne » c’est à 67 ans, malgré les luttes des syndicats !

Ces 11 millions de Français et une représentation nationale inférieure à ce qu’ils pouvaient espérer à L’Assemblée Nationale, vont-ils continuer à regarder sagement ce qui se passe, accepter d’être mis à l’écart et respecter cette entourloupe "démocratique" sans réagir ?

B/ Ensemble (alliance du centre avec Macron). Elections 2022 : 246 sièges. 2024 : 163 sièges.

Ceux qui ont perdu 3 fois de suite les élections, plus de 80 sièges et n'ont recueilli que 6,5 millions de voix, en troisième position donc, seraient les gagnants qui se retrouvent aux manettes du gouvernement nouvellement formé par Michel Barnier, homme de droite venu du passé et ex commissaire de Bruxelles. Un gouvernement de rafistolage droite dure devenue encore plus dure, avec le ni/ni de Macron.

              Comment les Français pourront-ils réagir à cette farce ?

C/ La « gauche » Election 2022 : 137 sièges auxquels peuvent s’ajouter les « divers gauche », 13 sièges. 2024, le « Front Républicain » (ex NFP) :180 sièges auxquels peuvent s’ajouter une partie des 25 sièges des « divers gauche ».

Ceux qui disent avoir gagné ces élections avec 7,4 millions de voix (et sont en deuxième position), non pas eu la majorité absolue des 289 sièges. En fait ils ont été pris de vitesse par la dissolution de l’Assemblée Nationale. Ils se sont regroupés paniqués en quelques heures dans le « Nouveau Front Populaire » (NFP) et adopté un programme maximaliste de "rupture", celui de la FI (bien qu’avec des si et des çà), pressés qu’ils étaient par l’urgence de conserver leurs sièges. Ils ont signé un « pacte Faustien » avec la FI.

La FI. Entre en scène, avec un Jean Luc Mélenchon qui déclare immédiatement le soir du 2ème tour, à 19h 50 : "Tout le programme, rien que le programme", un avertissement adressé à ses commensaux : aucune alliance possible avec qui que ce soit pour un gouvernement de coalition qui aurait pu peut-être renverser la « macronie ».

Une déclaration de petite politique, car il envisage à chaque élection présidentielle sa candidature et donc à la prochaine élection présidentielle de 2027. Mais c’est bien trop loin. Il va certainement jouer à renforcer la crise politique pour obtenir non seulement une prochaine dissolution, mais aussi assez rapidement, soit la démission de Macron, soit sa destitution. En réalité il bloque les verts, les socialistes contre toute tentative de compromis avec la « gauche » des « macronistes » dirigée par Attal, l’ex éphémère premier ministre de Macron.

JL Mélenchon vient de l’OCI (Organisation communiste Internationaliste, trotskyste, décriée par les autres groupes trotskystes, comme très sectaire) qui a dans les années 1970/80 investi le Parti socialiste et dont certains militants sont devenus des « figures » du socialisme à la Mitterrand : Jospin (premier ministre) Cambadélis, premier secrétaire du Parti Socialiste, etc. : « les Lambertistes » car tous formés par Lambert, un trotskyste de la première heure des années 1950. (Cf : Trotskysme, Histoires secrètes, de Lambert à Mélenchon, par Laurent Mauduit et Denis Sieffert, édition les Petits Matins, 2024).

JL Mélenchon est un homme acariâtre, sectaire qui sait cependant séduire par ses discours tempétueux, très 3ème République. Il a tous les attributs du « gourou ». Il soulève l’enthousiasme de « son peuple » et lui impose aussi ses lubies. Il y a quelques années il a parlé de la nécessité d’une 6ème République et créé un mouvement dédié mais sans réelle suite. Pour le délaisser et courir vers une Chantal Mouffe illuminée et fécondée par la pensée de Carl Schmitt (penseur et juriste de nature nazi sous le 3ème Reich et dont la politique peut se résumer ainsi : « pour être fort et exister il faut un ennemi existentiel » ! Aujourd’hui JL Mélenchon revendique la « créolisation », d’Edouard Glissant pour qui le meilleur exemple de sa théorie a été Obama, Président Noir d’un Etat dominé pat les Blancs. La « créolisation », ne serait-ce pas là en fait une sorte de « politique de la couleur de peau » ? Mais ce que veut avant tout JL Mélenchon, c’est être Président de la République.

Après ces élections législatives que peut-il se passer du côté du groupe NFP ?

Très rapidement des fissures apparaissent. Entre d’une part, l’"ex-gauche plurielle de gouvernement" qui a montré dans le passé qu’elle accompagna les « réformes libérales » du Ps. Elle n’a pratiqué aucune analyse critique de cette expérience. Si bien que l’on retrouve dans les députés du NFP version 2024, un « nouvel » élu, François Hollande ex Président libéral socialiste de la République (sic) qui avait marqué son quinquennat avec cette envolée lyrique : « Mon ennemi c’est la Finance » tout en lui laissant la direction de l’économie et du social. Un Hollande qui veut la peau d’Olivier Faure le secrétaire actuel de ce qui reste du PS et qui a « signé » avec JL Mélenchon. Et la "gauche radicale", la FI, autour de laquelle s’agglomère toute une série de micro groupes révolutionnaires ragaillardis par la lutte contre les « Fafs », c’est à dire contre la politique de « la France aux Français ».

Premier échec. Le NFP a revendiqué, pour avoir eu le « plus de sièges », la place de premier Ministre. Il fut incapable de s’accorder sur un/une candidate NFP commun, pour finir par soutenir une candidate inconnue proche du PS mais sans aucune expérience politique et adoubée par. Mélenchon. Son incapacité aurait certainement facilité la chute de son gouvernement si attendue par un JL Mélenchon qui savoure tant être le « sauveur suprême » !

La tactique de JL Mélenchon et du NFP, est donc de censurer le nouveau gouvernement, d’obtenir la « destitution » de Macron, de nouvelles législatives et la Présidentielle, mais qui le peut sans la majorité absolue ?

Les Français qui avaient appelé à une candidature unique pour l’élection présidentielle de 2022 et ont maintenu ce choix en 2024, pour une « union des gauches » en poussant les directions ennemies à s’allier, peuvent-ils être d'accord avec la FI, c’est-à-dire de JL Mélenchon, pour bloquer le jeu politique institutionnel dans cette période de tous les dangers : guerre en Ukraine, guerre au Moyen Orient, crise économique, sociale et politique ?

Résultats des élections.

Macron a joué aux Français un de ces tours dont il a le secret. Il a paré le danger avec un gouvernement qui vire à droite, formé par Barnier, un vieux briscard de la droite et de plus commissaire européen, qui a négocié à partir de 2016 le Brexit avec les Anglais, et s’était présenté en 2021 comme candidat pour l’élection présidentielle de 2022 aux primaires des LR (Les Républicains).

Nous aurions donc « 3 blocs », chacun à partir d’un conglomérat de forces plus ou moins solidaires. Et comme on le sait chacun n’a pas la majorité absolue pour gouverner.

Le « bloc central » de gouvernement, est déjà secoué de fissures intestines, balloté entre les Républicains « vieille garde » et le clan Macron, « jeunots en politique » et un Attal qui veut être le chef de file présidentiable ! Le « bloc RN » qui se prépare à sa prochaine victoire si aucun des 2 autres « blocs » n’est capable de stopper son avancée. Et le « bloc NFP » parcouru lui aussi de frissons et de vieilles rancunes entre les « modérés » de l’ex « gauche de gouvernement » et les « radicaux » de la FI. Une Fi qui rejette régulièrement des miettes d’ex militants qui voulaient imposer la « démocratie » dans les débats de la FI. Une secte ne peut accepter la discussion sur son fonctionnement.

Le gouvernement Barnier. Quelle sera la durée de sa vie ?

Au-delà des déclarations fracassantes d’un Retailleau comme ministre de l’intérieur et homme de droite proche du RN, sur la « Sécurité », les Français voient se dessiner une nouvelle guerre plus virulente contre leur système de protection sociale et pour la privatisation accélérée du service public.

« La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale (…) qui, si l’on n’y prend garde, placera notre pays au bord du précipice », a affirmé Michel Barnier devant les députés, s’engageant à un discours de « vérité » sur les comptes publics lors de sa déclaration de politique générale. « Le premier remède à la dette, c’est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendront donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner », a affirmé Michel Barnier devant les députés le 1erOctobre 2024 (journal le Monde, 1er Octobre 2024). Il a été choisi pour cela.

Arrive donc un raidissement de la politique économique qui affiche de très mauvais résultats avec son endettement. Cet homme qui a des liens directs avec Bruxelles est bien placé pour répondre aux attentes de la Commission européenne qui veut corriger la si dépensière France.

Une politique sécuritaire plus musclée et le contrôle de l’immigration clandestine par un Ministre de l’intérieur qui veut imprimer sa marque de droite dure, en louchant vers le RN.

Une pléthore de projets anti-sociaux contre les retraites, la protection sociale, la politique de soins, la culture, etc., un panache de mesures de cette « droite ultra-libérale » : tout privatiser peu à peu pour réduire autant que ce peut, les « dépenses de la protection sociale », le plus gros budget de « toute l’U.E », etc.

Et pour faire passer la pilule, une légère augmentation « temporaire » des impôts sur les grandes entreprises et les Français les plus fortunés. Sachant la capacité de ces catégories à bénéficier de toutes les combines légales possibles pour échapper à l’impôt en France, nous pouvons dire : c’est une blague !

Macron, après avoir porté constamment de sales coups aux Institutions de la 5ème République, s’est exprimé : « je vais enfin pouvoir me recentrer sur l’amélioration de la politique européenne » : « après moi, le déluge » En fait il a toujours pensé se servir de la France comme d’un tremplin vers le poste de Président de la commission, lui l’homme de la « souveraineté européenne », méprisa toujours la « souveraineté de la République et de ses citoyens » !

Il lui reste peut-être 3 ans jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 à laquelle il ne peut plus se présenter après ses deux mandats, sauf à changer la Constitution mais il aura du mal à l’obtenir ! Cette fin de règne ne va certainement pas être tout à fait tranquille avec une FI qui veut gouverner et un mouvement social qui devrait reprendre la lutte.

Cette crise a démontré que les Institutions de la 5ème république du Général de Gaulle ont fait leur temps. Cette République « monarchiste » a fini par bloquer l’évolution démocratique du pays. D’autre part la France a perdu de sa puissance politique en s’engageant dans la construction d’une UE financière sous gestion de l’ordo libéralisme allemand, et une politique internationale soumise aux Usa.

La bataille à venir sera de proposer à tous les Français une Constituante et un programme politique pour une nouvelle République démocratique parlementaire, sociale et autogestionnaire.

10 Octobre 2024