Dans moins de deux mois se tiendra l’élection du ou de la Présidente de la France. C’est l’acmé des élections politiques en France depuis la 5ème République mis en place par De Gaulle en 1958. C’est le moment de la « rencontre d’un homme (ou d’une femme) et d’un pays, d’un peuple » (François Bayrou) qui présidera le destin du pays pendant 5 ans (à l’origine le bail était de 7 an !). Est-ce vraiment toujours le cas ? Que dire de cette élection de 2022 ?

A droite et plus encore

La droite des LR (les Républicains), déjà mal en point après Sarkozy, et l’extrême droite populiste de Marine Le Pen (RN) qui pourrait encore être la seule créditée dans les sondages à se retrouver une fois de plus face à Macron au deuxième tour, se voient rattrapées par l’arrivée d’un troisième compère, un homme surgi du passé, un nostalgique de la France collaborationniste du gouvernement de Vichy avec les nazis, lors de la seconde guerre mondiale : un chroniqueur politique dans la presse de droite, Zemmour, qui veut restaurer la « grandeur » de la France. Un discours genre « America is back » de Reagan ou encore « America great again » de Trump.

Nous partons d’une hypothèse du meilleur pourcentage de voix au premier tour pour Macron et sa ou son challenger au deuxième tour.

Valérie Pécresse, Présidente de la Région Ile de France, candidate de la primaire des LR – avait quitté le parti qui ne correspondait plus à ses « valeurs », et refusait les querelles d’égos et les « affaires » qui ont déchiré les LR. Elle y revint pour présenter sa candidature à la primaire du parti, comme un autre transfuge, Xavier Bertrand (président du conseil régional des hauts de France). Son projet est simple le « rassemblement de la droite unie ». Une réconciliation entre chefs de clans à couteaux tirés en l’absence du Grand Boss, Nicolas Sarkozy, interdit d’élection car sous la menace d’une incarcération pour 12 affaires de corruption et trafic d’influence. Pécresse a gagné, mais son second Ciotti (40% des votes) - proche de « Zemmour » - lui rappelle sans cesse que le premier problème des Français c’est avant tout « l’immigration ». Pour être parfaitement adoubée par les LR, il lui manque encore le soutien de Sarkozy, qui continue de tirer les ficelles dans l’ombre. C’est une énarque, mondialiste, une bosseuse sans charisme qui doit affronter des loups. Elle peine à assoir son autorité. Elle est créditée d’une estimation autour de 15%.

Si elle perd au premier tour, les LR seront nombreux à partir chez un Macron réélu, et une autre partie chez Zemmour.

Marine Le Pen, la candidate populiste pour les uns, fasciste pour les autres, mais populaire dans les couches de la société abandonnées par la mondialisation, et par la « gauche », avait atteint au deuxième tour de l’élection de 2017 : 33,94% des votants face à Macron - malgré un débat télévisé désastreux avec lui. Elle se représente tranquillement, portée par une forte hausse des sondages. La famille Le Pen a développé la pensée d’extrême droite populiste en France depuis les années 1960 et la guerre d’Algérie. Issue du Front National créé par son père, elle rajeunit et « dédiabolise » le parti (devenu Rassemblement National) après l’avoir purgé « des catholiques traditionnalistes, des païens, des nazis » (déclaration du 4 février 2022). Elle pouvait même rêver d’être en tête au premier tour face Macron, et même de faire mieux qu’en 2017. Hélas pour elle ce rêve est brisé par l’irruption du Zemmour. Le programme de Le Pen pour cette campagne est varié placé sous le thème des « libertés » (slogan des manifestations anti pas-sanitaire dans les rues de Paris et d’ailleurs depuis plus d’un an). Il est construit autour du cœur de l’action du RN : le contrôle policier et expulsion de l’immigration clandestine, mais aussi sur le pouvoir d’achat menacé par l’inflation, sur la retraite à 60 ans, etc., si bien que certains des « vieux compagnons » ne s’y reconnaissent plus et, désertion après désertion, ils rejoignent Zemmour. Sa nièce, Marion Marechal - amie des Tea party Américains, (organisation radicale à droite, qui l’ont certainement soutenue financièrement pour son école de « cadres » (ISSEPP) qui forme les futurs cadres dirigeants de l’extrême droite) a dit qu’elle penchait pour Zemmour. Cependant Le Pen talonne toujours Macron dans des sondages qui bougent peu et la mettent deuxième position.

Zemmour, l’outsider surgit du passé peu glorieux de la France des années de collaboration avec les Allemands-nazis entre 1940/1945 ; qui réinterprète et magnifie la « Grande histoire de France » et ses « valeurs » ; s’inspire en réalité d’idées venant des années 1930, celles de Charles Maurras et ses amis de l’Action française, une ultra droite historique, est très clair : « l’immigration c’est le « Grand remplacement ». C’est à-dire, selon ce courant de pensée, qu’au fil des ans la « sur population immigrée » essentiellement musulmanes, incompatible avec la République, remplacera dans le futur les Français de « souche ».   Souche ? alors que déjà près de 25% des Français sont « d’origine étrangère ». « Adieu la France, sa culture, etc. ». Lancé il y a quelques mois, accueilli avec sympathie par ses confrères de la presse écrite ou télévisuelle, son parti recueillerait déjà près de 100000 adhérents.

Cet intellectuel de « l’incorrect » du « dire vrai » s’adresse à la partie moisie de la classe moyenne qui a peur de sa déclassification, qui pense que Macron c’est la « chienlit » et qu’il faut à la France un homme à poigne. Trump vient d’annoncer son soutien à Zemmour. La filiation s’est faite sans retard. Ce ne sont pas les Russes qui orientent la politique Française, mais bien « l’ami américain ».

Ainsi la boucle à droite est bouclée : du républicanisme en crise à extrême droite sur une souche idéologique nazie. Ces trois droites concurrentes font ensemble plus de 45% ensemble dans les sondages.15/02/2022).

La France a un très gros problème

A gauche.

A Gauche la complainte des militants et sympathisants est tragique : « candidature unique !». Mais la gauche s’est parcellisée à un niveau tel que seul Mélenchon est autour de 10 % dans les sondages. Les autres sous 5 %, sillonnent la France avec ardeur mais aussi un certain désabusement, ils sont inaudibles. Or tout semblait bien parti. Il y avait eu l’année dernière des tentatives de rapprochement ou tout au moins de discussions. Il en était sorti un « socle commun ».

« En Avril-Mai 2021, Un Socle Commun de 10 mesures de rupture est coconstruit avec plus de 10 partis politiques de la gauche et de l’écologie, inspiré des revendications des mouvements sociaux de ces dernières années. Le Socle Commun est rendu public le 5 mai 2021. Socle Commun est la première des trois étapes de la méthode de l’association 2022 ou jamais – qui porte la Primaire Populaire – pour permettre à l’écologie, à la justice sociale et à la démocratie de remporter l’élection présidentielle de 2022.Ce Socle Commun se fonde sur un constat simple : nous avons plus en commun que ce qui nous divise. C’est pourquoi l’association 2022 ou jamais a sollicité une dizaine de partis de la gauche et de l’écologie, allant des Nouveaux Démocrates à la France Insoumise, pour co-écrire ce qui est devenu le Socle Commun. l’ contient 10 propositions de rupture pour changer la vie des gens, inspirées des revendications des mouvements sociaux de ces dernières années (Gilets Jaunes, jeunes pour le climat, luttes sociales, féministes, antiracistes, syndicats…) et de conversations approfondies avec un grand nombre d’organisations de la société civile, ainsi que les partis politiques suivants, réunis dans le Conseil des partis : Cap Écologie, Europe Écologie-Les Verts, Ensemble!, Gauche Démocratique et Sociale, Génération·s, La France Insoumise, Nouveaux Démocrates, Nouvelle Donne, Parti Communiste Français, PEPS, Place Publique, Parti Socialiste. 

Un projet unitaire de plus, avorté.

Le 13 mars 2021, Fabien Roussel annonce officiellement sa candidature à l’élection présidentielle pour le Parti communiste Français. Le 9 Mai il est élu par les militants. C’est la première cassure d’une liste de gauche unie. Il mène une campagne sympathique mais sans grandes nouveautés … entre 3-4% des sondages

Le 24 Mars 2021, JL Mélenchon annonce sa propre candidature pour « L’union populaire pour un avenir commun ». Mélenchon (19,5% au premier tour de la présidentielle de 2017e, en 3ème position derrière Macron) c’est la grosse artillerie. Entre 9 et 11% des sondages. Il offre à ses fans des spectacles d’un Merlin l’enchanteur 4.0. Ses meetings sont remplis. Il montre son « parlement populaire » : 100 intellectuels et militants de causes diverses avec 100 militants de la France Insoumise. Ce parlement – qui rappelle les compagnons de route du PCF - est-il élu ou est-il comme toujours le fait du prince, car ne l’oublions pas, la FI ce n’est pas un parti, mais un mouvement (comme celui de Macron, ou du MS5 italien, inspirateur de Mélenchon, où le chef se doit d’être unique et donne le la). Car JL Mélenchon ne veut pas s’encombrer de débats, de tendances, tout ça c’est de l’histoire ancienne. Alors quand il dit « vous me donnez le pouvoir, je vous le rends pour lancer la 6ème République », on est en droit d’en douter.

30 juin 20221, Jadot, des verts « EELV » annonce sa candidature et qu’il participera à la primaire des verts. Plus de 150000 personnes ont participé à sa désignation : Jadot 52 210 voix soit 51,03%, suivi de Sandrine Rousseau avec 50 098 voix soit 48,97%. Jadot est donc un chef mal élu. Et il le vit quotidiennement avec à ses côtés S. Rousseau qui le cornaque sans ménagements. Rousseau c’est cette nouvelle génération de « babas cool » écolo-féministe, « intersectionnelle », « végan », « décoloniale » qui a annoncé avoir « déstructuré » son époux ! elle ne rate aucune des modes venant des campus américains. Du coup la campagne de Jadot est inaudible. Le mouvement écolo si « puissant » si « nouveau » avant la pandémie, a fait pschitt. Sa politique anti- nucléaire aussi, devant un Macron qui vient d‘annoncer que la France reprenait les constructions des centrales nucléaires avec une grande partie du soutien des Français pragmatiques : le renouvellement énergétique ne pourra se faire transitoirement avec seulement les énergies « naturelles ». Qu’elle est la réponse des Verts ? Jadot est autour de 5% dans les sondages.

Le 12 septembre 2021, Hidalgo maire de Paris et militante du PS annonce sa candidature officielle. D’emblée sa candidature de fonctionne pas. Comme Hamon avant elle (présidentielle 2017), elle est rapidement critiquée et lâchée par une partie des petits barons qui n’ont pas encore rejoint Macron. Malgré cela elle continue sa campagne, tout en sachant qu’un résultat à moins 5% pourrait lui causer des problèmes pour la conservation de son poste comme maire de Paris, un poste très convoité à droite, comme à gauche.

Suite et fin de ce mauvais feuilleton à gauche : le 31 janvier 2022 Taubira, ancienne garde des sceaux de Hollande (ministre de la justice, à l’origine de la loi sur le mariage homosexuel) se présenta en « promettant de se soumettre au résultat de la Primaire populaire ». Elle a été plébiscitée par près de 290000 citoyens (?) votants qui voulaient une candidature unique à gauche. Voilà donc une candidature d’unité qui vient s’ajouter aux candidatures concurrentes. Il y a un comme un malaise autour de cette candidature inattendue et controversée. Vraisemblablement elle était là pour prendre des voix à Hidalgo. Mme Taubira est une forte femme, elle fait sa campagne essentiellement dans les « banlieues », sans programme précis, et bien que Républicaine elle a une certaine inclinaison indigéniste, ce qui ravit ces jeunes qui vivent au rythme du « black lives matter » made in Usa. Mais, pour autant elle n’a pas appelé ses compatriotes Guyanais à se faire vacciner au plus fort de la pandémie qui faisait des ravages, ni à calmer leur réaction violente contre les soignants et l’Etat qui a envoyé des médecins y compris militaires pour juguler la mortalité importante. Une foi candidate elle s’est déclarée « favorable au principe du vaccin obligatoire, mais pas au pass vaccinal… ». Elle peine à dépasser les 2- 3 % d’intention de votes dans les sondages.

Enfin on trouve 3 candidats trotskystes qui sont là pour faire entendre leur programme. Lutte ouvrière pour la défense du salariat, le NPA de même avec une pointe indigéniste et un obscur militant syndicaliste issu du syndicat Sud cet avatar du NPA.

Une partie de ces candidats ne sont pas encore validées par le Conseil constitutionnel qui exige 500 « parrainages » d’édiles de la République, pour chacun (ne) des candidats à l’élection.

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Reste Macron un candidat qui n’a pas encore annoncé sa candidature mais qui y compte bien. 5 ans de macronisme méprisant, de cynisme envers la partie de ses citoyens les plus fragiles ; les jeunes sans travail « tu traverses la rue et je te trouve du boulot, moi », « les vieux ça coûte un paquet de pognon », voilà quelques-uns de ses florilèges adressés à ses compatriotes. Très rapidement la colère a éclaté avec l’irruption des Gilets des Jaunes en 2018, et des confrontations à feux et à sangs. Puis la pandémie a calmé le jeu, malgré un début de gestion calamiteux, comme dans d’autres pays, il est vrai. Mais cette pandémie a révélé aux Français que la France était un pays avec de gros problèmes et connaissait un certain déclassement. L’Institut Pasteur n’a pu fournir un vaccin. L’hôpital est victime de près de 30 ans de réformes comptables. L’enseignement créé des analphabètes et les profs sont les moins bien payés de l’UE. Si un scientifique veut créer une star up pour produire le fruit de ses recherches il va aux Usa. Les jeunes émigrent, ce qui est nouveau pour la France. Etc., etc. Certes Macron, n’est pas l’unique responsable d’une politique qui dure depuis plus de 30 ans, mais il a ajouté sa pierre. Macron un libéral, ancien banquier d’affaires, représentant de la finance, des couches bénéficiant de la mondialisation (25% des sondages), un beau parleur qui veut que tout parte de lui et que tout lui revienne, comme le permet la 5ème République, stérilise l’action du parlement. Ses parlementaires encore plus que du temps de de Gaulle qui méprisait les partis, sont aux ordres. Ils ont été sélectionnés sur CV. La France est gérée comme une entreprise. Berlusconi l’a fait bien avant lui. Alors Macron 5 ans de plus ?

Que va-t-il se passer lors de l’élection ?

Il y a ceux qui ne votent plus ; Ceux qui préfèreront allez faire une balade ce jour-là ; ceux qui appellent à voter blanc ; ceux qui donnent comme consigne le boycott ; et un fort taux d’abstention.

L’injustice sociale est au plus haut. Pour les Français la question essentielle est celle du pouvoir d’achat et de l’emploi bien avant l’immigration. L’élection de Macron risque de ne pas être facile. Cela dépendra de qui sera face à lui au deuxième tour.

Février 2022