COLLOQUE « ALTERMONDIALISME ET POSTMONDIALISME » DU 26 JANVIER 2008
Contributions des membres du comité de rédaction d'Utopie critique, conclusion de Bernard Cassen
OUVERTURE DU COLLOQUE
Chers amis, chers camarades,
Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue et je vous remercie d'être venus nombreux à ce Colloque organisé par l'association « Mémoire des luttes » et notre revue Utopie critique. Cette rencontre s'inscrit dans le cadre de la Journée internationale de mobilisation décidée par le Conseil international du Forum social mondial. À ce titre, plusieurs activités se déroulent aujourd'hui en France et à Paris, notamment avec le Comité d'initiative français des Forums sociaux. Cette rencontre constitue une étape très importante du programme de travail que nous nous sommes fixé pour élaborer un « Manifeste pour un socialisme du XXIe siècle ». Elle est d'une grande actualité car elle se tient au moment où une crise financière mondiale, nouvelle mais néanmoins récurrente, annonce une misère encore plus grande, plus terrible pour des milliards d'humains... Pourtant que ne nous avait-on dit sur les crises du capitalisme qui étaient soi-disant maîtrisées, à l'encontre de ce qu'affirmaient justement Marx et ses partisans ? Des apologies du système qui se sont toujours révélées mensongères et terriblement dévastatrices.
Notre colloque vise à reconnaître l'apport de l'altermondialisme, mais aussi à donner des pistes pour le prolonger en le conjuguant à d'autres démarches, menées par d'autres acteurs, qui accompagnent toute l'histoire de l'humanité dans sa lutte pour la justice et l'émancipation humaine : la lutte des classes, qui a pris de nombreuses formes, essentiellement syndicales et politiques ; des révoltes, des insurrections, des guérillas et des luttes armées ; des actions de gouvernement de caractère révolutionnaire ; et purement et simplement les guerres des peuples contre la volonté de l'hégémonie et le pillage qui caractérisent le capital.
Le mouvement altermondialiste a eu un rôle éminent et rénovateur dans un moment de l'histoire où s'effondraient les États qui avaient représenté l'espérance des peuples pour une société nouvelle, sans classes et sans guerre : je veux parler de l'URSS, des démocraties prétendument « populaires » et des forces politiques qui les soutenaient. En réalité, il était clair depuis des décennies que ces États issus pourtant de révolutions prolétariennes n'étaient ni socialistes, ni démocratiques. À partir du moment où leurs gouvernements sont simplement devenus des appareils de pouvoir bureaucratiques opposés à la véritable nature démocratique du socialisme - isolant la Yougoslavie ; réprimant les mouvements de grève ouvrière à Berlin, en Pologne où à Gdansk les plus avancés se réclamaient de l'autogestion ; et enfin envahissant militairement la Tchécoslovaquie parce que le parti communiste tchécoslovaque déclarait lors du Printemps de Prague, que le pouvoir revenait organiquement au peuple et non au « parti » - leur autoredressement devint impossible. La contre-révolution restaurationniste l'a emporté.
Depuis lors, l'impérialisme et le capital sous toutes ses formes sont passés à l'offensive ; les avancées techniques et scientifiques ont propulsé son mode de production, comme une évidence historique à prétention incontournable. Le thème dominant de notre actualité est la mondialisation du capital comme avenir de toute la planète.
Cette mondialisation a pour objectif de consacrer les États-Unis comme chef de guerre contre-révolutionnaire, un leadership que la crise financière va rendre encore plus instable et plus menaçant.
Nous devons prêter attention à ce que viennent de dire les anciens chefs d'état-major de l'Alliance atlantique sur la nécessité d'un « directoire » stratégique associant les États-Unis, l'Union européenne et l'Otan (Ce qui veut dire sous l'aile de Washington). L'élection de Nicolas Sarkozy renforce concrètement cette perspective après l'élimination de toute velléité « gaulliste » d'une Europe capitaliste indépendante, en même temps qu'elle accélère la guerre contre le monde du travail.
Le mouvement altermondialiste, même dans sa grande diversité, ne peut pas assumer à lui seul la tâche de rassembler toutes les forces sociales et politiques en lutte contre la mondialisation néolibérale. Il représente une force de contestation et de proposition essentielle qui doit s'unir au mouvement ouvrier, socialiste et démocratique pour s'ouvrir sur l'internationalisme des peuples et des nations. Il doit aussi prendre en compte les expériences de mobilisations populaires débouchant sur l'accès aux responsabilités de gouvernement. C'est ce que nous appelons le post-altermondialisme.
Nous avons besoin d'un programme pour le socialisme du XXIe siècle, dont les valeurs dominantes devraient être l'internationalisme, la souveraineté de chaque nation, la paix, le désarmement nucléaire total sur la planète, la démocratie, la fin des différences sociales injustes, l'égalité entre tous - hommes et femmes -, la représentation politique proportionnelle, l'instruction, la culture, la santé et évidemment, car c'est la condition de tout le reste, la préservation de l'environnement.
Je ne suggérai pas un programme qui viendrait combler les défaillances de la gauche, de même que je ne proposerai pas de créer une gauche de remplacement. Ces deux tâches reviennent aux travailleurs, au prolétariat, en tant que classe, et aux citoyens en tant que peuple. La seule conclusion que j'aimerais partager avec ceux qui souhaitent et qui veulent un changement de société c'est que rien ne peut se faire sans une insurrection indispensable du peuple décidé à changer de vie.
À vous la parole
À vous la critique, à vous les analyses et les chemins de l'avenir. ■