DIEU, L'AMÉRIQUE ET LE MONDE
Madeleine Albright
Édition Salvator, août 2008

Il ne fallait pas manquer la lecture de ce livre, car même écrit en 2006, il tombe à pic pour nous éclairer sur l'idéologie étatsunienne, dans laquelle, par exemple, le rôle et la puissance de la religion dans « la plus grande puissance du monde », nous semblent à nous Français tout à fait exotiques. Ce livre est d'actualité car en cette période d'élection et d'« Obamania » il nous fait indirectement saisir certains des ressorts du mode de formation idéologique de l'administration nord-américaine, qu'elle soit « républicaine » ou « démocrate », et l'on peut se demander à juste titre comment Obama, s'il est élu, pourrait y échapper surtout dans le domaine des relations extérieures.

Le livre est conçu en trois grandes parties : « La première partie analyse la position de l'Amérique dans le monde et le rôle joué par la religion et la morale dans l'orientation de la politique étrangère des Etats-Unis tant dans le passé qu'actuellement. La seconde partie est une réflexion sur les rapports embrouillés entre les communautés musulmanes et l'Occident. Dans la troisième partie comment je conçois que la religion et la politique étrangère américaine peuvent, au mieux, trouver des terrains d'entente ».

Dès les premières pages : « Le Tout puissant et la puissance américaine » Madeleine Albright, (avant d'être nommée Secrétaire d'Etat aux Affaires Étrangères dans l'administration Clinton, elle a travaillé à la Maison Blanche dans l'équipe de Jimmy Carter au conseil de sécurité nationale où elle participa à la détermination de la politique étrangère de ce dernier), se revendique de ses racines juives tchèques, tout comme du catholicisme dans lequel elle a été élevée (ses grands-parents s'étant convertis) et qu'elle pratique régulièrement. Un mélange de cultures qui certainement explique l'importance que Dieu devait tenir dans sa vision du monde ?

D'abord il n'en a pas été tout le temps ainsi : « Croit-on, aux Etats-Unis, avoir une relation privilégiée avec Dieu ? Ce pays est-il investi d'une mission divine pour répandre la liberté ? Quel rôle, si rôle il y a, peuvent jouer les convictions religieuses dans les décisions des responsables de la politique étrangère ? (...) Et l'expérience ne nous a-t-elle pas appris que c 'est une erreur de meÏanger religion et politique étrangère ? Du moins c'est ce que je croyais ».

Ce sont les attentats du 11 septembre qui ont tout transformé : « On ne doit pas exclure la religion de notre diplomatie » et « les chrétiens, les musulmans et les juifs devraient prendre conscience de tout ce qu'ils ont en commun ». Donc la « vérité » se tiendrait dans le Livre, celui issu de la parole de Dieu et commun aux trois religions théocratiques ?

Tout d'abord elle nous rappelle comment et par qui « l'Amérique » a été fondée et sur quelles valeurs. Des puritains comme John Winthrop (1630), des quakers comme William Penn, des protestants hollandais à New York, des hommes persécutés en Europe pour leurs convictions religieuses et qui s'appuyaient sur l'Ancien Testament, des catholiques qui fondèrent le Maryland. Néanmoins, aussi des « âmes libres » comme celle de Roger William qui « se posaient en justes penseurs et non en libres penseurs » qui revendiquèrent la liberté religieuse. George Washington « a reconnu que l'Amérique avait contracté une dette envers Dieu » et « L'historien George Bancroft, de quelques années l'aîné de Tocqueville, avançait l'argument selon lequel l'expression de la volonté du peuple américain, grâce à la démocratie américaine, était inséparable du dessein de Dieu. "La conquête de l'Ouest" avait pour mission d'étendre l'influence de la civilisation. (..) Un accomplissement "du destin révélé" de l'Amérique. ». Il est à remarquer, comme le note M. Albright, qu'aucun d'eux ne renonça pour autant à l'esclavage.

Suite à Utopie Critique n°47