Cela vaut la peine de voir dans les détails ce qu’a dit le pape François à Cuba et quelles relations il a pu établir avec le gouvernement comme avec les opposants.
Tout d'abord, il a demandé à voir Fidel Castro qu’il a rencontré amicalement en famille lui offrant des livres (et recevant de Fidel lui-même, entre autres : ''Fidel et la religion", de Leonardo Boff qu’il ne pouvait ignorer et qui a été écrit par un théologien condamné au silence par Ratzinger, son prédécesseur). Mais, il a pris soin de ne rencontrer officiellement aucun des groupes de l'opposition qui conservent toujours de vieux liens officieux avec la hiérarchie catholique cubaine. Il a donné l’accolade au Cardinal Ortega, et vu d'autres hiérarques insulaires.
Il a revendiqué également avec des phrases habiles la participation de l’Eglise catholique à l’éducation et aux medias nationaux - cherchant à intervenir dans la formation idéologique de la bourgeoisie qui jusque là se nourrit de la propagande nord américaine, de la TV étrangère, du tourisme et des valeurs capitalistes du secteur le plus conservateur de la bureaucratie locale - mais par contre peu ouverts à l’expression des institutions catholiques.
En procédant ainsi il veut dévaloriser « les idéologies » (comme si la religion n’en était pas une) et promouvoir « les changements », le « politiquement incorrect », c'est-à-dire dans le contexte cubain, l’opposition à la tentative officielle de construire un Cuba socialiste basé sur le marxisme-léninisme (stalinien), idéologie officielle de l’Etat qui fait un avec le parti communiste.
Mais, en même temps, il parle contre la tentation de la richesse (et indirectement du consumérisme) qu’il sait prégnante depuis toujours dans la hiérarchie catholique et qui pourrait se renforcer avec les facilités consenties par Obama aux cubains de Miami et par l’arrivée massive de touristes consommateurs et corrupteurs.
Il a été prudent et mesuré tout en étant cordial, y compris corporellement (à Santiago de Cuba il a même accepté comme une chose normale que les fonctionnaires gouvernementaux lui tapent l’épaule ou prennent sa main à la manière naturelle tropicale).
Il entre ensuite dans une phase plus difficile. Il a donné un coup de main à Hillary Clinton et aux Démocrates - dont beaucoup d’entre eux ne sont pas catholiques mais plutôt anti papistes - parce que Trump et l'extrême droite des Républicains veulent expulser les Mexicains et les Latinos, une partie très importante du contingent populaire de l’église catholique étasunienne.
Les concessions verbales aux Conservateurs et aux Evêques catholiques ultra réactionnaires, Lituaniens, Polonais, Ukrainiens, Hongrois et de l’Europe centrale, ne visent qu’à maintenir leur apport financier au Vatican. Il aura certainement des mots contre le socialisme pour contrer l’impact de la campagne du sénateur socialiste démocrate Bernie Sanders, attaqué y compris par Obama.
En combinant cette politique droitière avec des paroles en direction des opprimés et des plus pauvres (immigrants, réfugiés, noirs, prisonniers, etc.) il risque de provoquer une polémique avec l’immense majorité des médias qui considéreront cela comme une intrusion dans la politique nationale et un soutien à la lutte de classes.
Il reste à voir comment François pourra satisfaire à la fois, une partie importante de l’establishment et les victimes de ce même establishment. Mais sans aucun doute sa formation péroniste va lui être bien utile.
Mexico, 24 Septembre 2015