La Catalogne a déclaré son indépendance et ainsi commence une longue période de durs conflits avec le gouvernement espagnol. La demande de médiation faite à l’Union européenne par la volonté de gouvernement catalan ne conduit à rien étant donné que les autorités bruxelloises sont aussi libérales que les espagnols et, en outre, ne veulent pas ouvrir la boîte de Pandore de l’indépendance, comme si en reconnaissant la Catalogne, les Basques, Galiciens, Andalous, les îles Canaries, en Espagne, la Corse et la Bretagne en France, la Ligue du Nord et le Tyrol en Italie, la région flamande en Belgique, les Ecossais, Gallois et l’Irlande du Nord, en Grande-Bretagne, pour ne pas mentionner beaucoup d’autres, allaient demander la même chose et l’Union européenne devra alors reconnaître aussi l’indépendance de la Crimée et du Donetsk, favorisant ainsi la Russie.
Maintenant, c’est bien connu que le « chien ne mange pas de chien » et que la stabilité de l’Espagne est pour l’UE beaucoup plus importante que celle de la Catalogne d’autant qu’avec l’indépendance de la Catalogne, le PIB espagnol pourrait chuter brutalement et la dette Catalane augmenter à 135 % du son PIB, provoquant une chaîne de réactions négatives qui affecterait également l’Italie et, dans une moindre mesure, la France et exercerait des pressions fortes sur l’euro. En revanche, jamais, où que ce soit, l’indépendance n’a été réalisée simplement par des négociations, ni même dans les cas des indépendances anticoloniales alors que les puissances coloniales ont été obligées de les reconnaître après un long processus de mobilisations, de conflits sociaux aigus et de confrontations sanglantes entre les autochtones de la pro-indépendance et les armées d’occupation.
Le droit à l’autodétermination, qui comprend implicitement le droit à l’indépendance, est un droit démocratique fondamental qu’aucun démocrate ne peut nier dans n’importe quel pays. Mais, comme tout autre droit, il a ses limites. Le Libre-échange ne couvre pas la vente de médicaments, la liberté de la presse n’autorise pas les publications nazies ou racistes. Donc, pour l’Italie l’indépendance d’une région comme le Nord (Lombardie, Vénétie, Frioul, Tyrol) qui devait construire un mini-État raciste et fasciste dirigé par la Ligue du Nord est intolérable et illégale et, en outre, elle ne se justifie pas historiquement car le nord est peuplé par un grand nombre d’italiens venant du Sud et de peuples d’origines historiques et culturelles avec des langues différentes. Il en va de même pour le Kurdistan irakien, dont la Constitution comme État serait un grand coup contre la possibilité d’établir un Kurdistan pan-kurde, tel que l’avait reconnu le traité de Sèvres en 1920, formé par tous les kurdes d’où qu’ils soient (irakiens, syriens, iraniens, turcs, Kurdes Arméniens et azerbaïdjanais). Surtout si ce mini-état, comme aujourd'hui dans le cas irakien, ne servira qu’à affaiblir l’État iraquien et à aider les Syriens et les Kurdes iraniens à lutter pour leur indépendance respective en affaiblissant la Syrie et l’Iran au profit d’Israël et des Etats Unis et à abandonner les Kurdes de Turquie à leur sort.
Il est essentiel de défendre le droit à l’autodétermination des minorités nationales, et les luttes pour l’indépendance des colonies contre l’impérialisme, comme dans le cas de Porto Rico, devraient être soutenues sans conditions. Mais nous devons aussi empêcher que cette indépendance puisse simplement remplacer les Bourbons et autres Franco par une bourgeoisie catalane avide et réactionnaire avec à sa tête Puigdemont, ou remplacer les généraux syriens ou irakiens et les ayatollahs iraniens par des chefs tribaux comme Barzani et les Talibans. Dans de tels cas il faudrait reporter l’indépendance, pour gagner le soutien des secteurs de gauche de l’État oppresseur et s’unir fraternellement à eux, pour une lutte et un but plus élevé : la construction d’une Fédération multinationale socialiste des peuples ibériques ou du Moyen-Orient. Les socialistes ne cherchent pas seulement à obtenir l’indépendance pour établir une République bourgeoise en Catalogne, ils se battent pour une République sociale, réalisée par les conseils de travailleurs, sur l’ensemble de la péninsule ibérique. Ainsi que la majorité des Catalans, ils défendent le droit à l’indépendance mais, dans le long processus de luttes qui s’ouvre, ils visent à renforcer les liens pour combattre en commun avec le reste des travailleurs de l’Etat espagnol et pas seulement, avec d’autres minorités nationales.
Le processus d’indépendance contre l’Etat espagnol ne peut pas être une simple somme des minorités nationales dirigées par des mini bourgeoisies, ni la fragmentation de l’État central en de nombreux États nains non viables surtout quand le monde est partagé entre 4 énormes puissances continentales (Etats Unis, Chine, Russie, et une UE semi puissante) et c’est au contraire le moment de s’efforcer de créer un pôle socialiste européen. Le nationalisme est un poison qui a infecté les travailleurs contre leurs frères. Le nationalisme temporairement acceptable, c’est celui de ceux qui défendent leur indépendance politique et économique contre l’impérialisme, et non pas le nationalisme que préconise ceux qui en appelle aux supériorités ethniques et culturelles ou celui qui défend des privilèges économiques.
La Catalogne, comme le pays Basque, la Galicie, l’Andalousie et les Canaries, luttent aujourd'hui pour la décolonisation interne à l’Espagne et elle nécessite un combat mixte pour une Assemblée constituante qui élimine la Constitution franquiste de 1978 et met en place une Fédération Ibérique multinationale et multilingue y compris avec le Portugal qui a tant de liens historiques et culturels avec la Galicie. Les ennemis des ouvriers catalans sont les Bourbons et le Franquisme ou des « gauchistes », comme le PSOE, les signataires du Pacte de la Moncloa, qui considèrent l’État monarchique espagnol comme éternel. Bien que momentanément alliés à la bourgeoisie moyenne Catalane, il n’en demeure pas moins qu’elle est également un ennemi. L’indépendance dépendra du fait que l’actuel bloc nationaliste de la bourgeoisie favorable à l’indépendance, avec la petite bourgeoisie urbaine et rurale et un secteur des travailleurs, sera remplacé ou non par un bloc de travailleurs avec les commerçants, artisans et autres travailleurs indépendants.
7/10/2017, Mexico