Une « Union » européenne décidée à faire payer le Brexit aux Britanniques, mais...
La GB tout en n’étant pas dans l’euro a profondément influencé l’ouverture de l’Europe à la mondialisation, Londres étant l’une des premières places de la finance mondiale et la matrice du retour libéral en matière économique et sociale. Il y avait un grand nombre de fonctionnaires européens, d’experts, de lobbies britanniques qui s’évertuaient à encore plus de dérégulation. D’où une certaine panique à Bruxelles : que deviendra l’Europe sans la Grande Bretagne ?
Il est clair une fois de plus, que l’UE ne respecte pas les votes des citoyens européens.
Il est clair surtout que l’Allemagne libérale de Merkel et des « réformes Schröder », veut continuer à diriger l’UE selon ses propres intérêts et qu’elle n’accepte le duo franco-allemand qu’à partir du moment où la France soutient les initiatives allemandes, une France, qui a du mal, malgré la politique agressive de Macron, à rester dans les règles du déficit, comme à démanteler définitivement son Etat providence et à « neutraliser » un peuple rétif. C’est ainsi que le mouvement des Gilets Jaunes est un vrai cauchemar pour la direction allemande.
Enfin, tout le monde « découvre », deux ans après, l’imbrication extrême des économies européennes et que le référendum anglais a un « prix » ! Plus le temps passe, plus l’échéance du départ est repoussée, plus le risque pour les tenants du Brexit de voir leur vote se transformer en nouvelle allégeance à l’UE est grand.
Une classe politique britannique irresponsable.
La bataille du Brexit a traversé toutes les forces politiques et implosé le paysage politique britannique. David Cameron, ex premier Ministre, a défendu avec Th. May le maintien dans l’UE. Il a surtout utilisé le Brexit pour manœuvrer et renforcer sa position au sein des Conservateurs et face aux Européens. Mauvais calcul ! Il mène la bataille, la gagne, pour démissionner et laisser Th May et les Conservateurs en supporter les conséquences !
Boris Johnson, chef de la diplomatie britannique mais fervent partisan d’un Brexit dur, démissionne à son tour pour les mêmes raisons !
Nigel Farage, fondateur de l’Ukip, quitte la direction du parti « le cœur lourd », en admettant avoir exprimé quelques contre-vérités sur le coût pour la Grande Bretagne de sortir de sa relation avec l’UE, et qu’il n’était pas à même de mener la confrontation avec l’UE.
Quant aux Travaillistes, il est avéré que J. Corbyn n’a jamais été clair sur la question européenne. :
« En 1975, dans le cadre d’un référendum, M. Corbyn avait voté pour la sortie du Royaume-Uni de ce qui s’appelait alors la Communauté économique européenne ; en 1993, il avait rejeté le traité de Maastricht, pronostiquant qu’il interdirait aux Parlements nationaux « de définir leur propre politique économique, au profit d’une poignée de banquiers non élus ».
Revirement inattendu : il soutient le vote « Remain » (« rester ») dans le cadre du référendum du 23 juin. » (Renaud Lambert, le Monde diplomatique, Juin 2016).
Selon J Corbyn, les droits des travailleurs étaient mieux garantis par l’UE que par la Grande Bretagne : « parce que nous estimons que le projet européen a apporté emplois, investissements et protection aux travailleurs, aux consommateurs et à l’environnement » (La Croix Juin 2017). Or il a été majoritairement désavoué par le vote des banlieues ouvrières et des régions en déshérence.
On peut mesurer la distance de la direction du Labour avec une partie de son électorat et combien les thèses et les actions de Thatcher et de ses épigones ont été néfastes et ont brisé le prolétariat britannique pour que ses dirigeants en viennent à revendiquer la protection « des droits européens » et comment ils se retrouvent sur la même position que le capitalisme britannique.
Une Theresa May qui veut éviter un Brexit dur et joue la montre...
Elle négocie depuis 2016 avec une UE qui veut lui faire payer l’échec du référendum et lui imposer une union douanière exigeante dont les règles mettraient son pays redevenu « indépendant » sous contrôle de l’UE :
« Ces conditions sont de deux ordres. D'abord une phase de transition est prévue à partir du moment où le Royaume-Uni quittera l'Union européenne le 29 mars, avec environ deux années de négociations concernant les futures relations du pays avec Bruxelles, jusqu'à fin 2020. Pendant cette période, le Royaume-Uni devra continuer de respecter les règles de l'Union européenne, de payer sa contribution, d'être dans le système de la PAC : en réalité, pendant ce temps, rien ne changera pour le Royaume-Uni. Mais derrière cela il y a la perspective d'une refondation des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cependant cette période de transition n'est pas favorable au Royaume-Uni qui ne participe pas aux décisions de l'Union européenne mais doit continuer de payer et de respecter ses règles. » (David Cayla, le Figaro, 16 janvier 2019).
Mais le parlement britannique refuse le « deal ». D’autre part, l’Europe agite la question épineuse de la frontière entre l’Ulster (capitale Belfast) rattaché au Royaume uni, et la République d’Irlande (Dublin) qui veut rester européenne, avec un regain possible de violences entre les deux « Irlande » et une paix toujours fragile entre protestants et catholiques. Pour l’UE il ne peut y avoir de frontière qui viendrait contredire son dogme de la « libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes ».
Ainsi, bien qu’ayant défendu le « remain », Th May se retrouve contrainte de discuter des conditions du Brexit, pour signer un accord qu’elle juge moins désastreux pour la Grande Bretagne qu’un « no deal » (sans danger pour l’Europe). Elle rejette l’idée d’un second référendum qui pourrait être vécu par la majorité des Britanniques du « leave » et au-delà, comme un scandale, une remise en cause d’un vote démocratique. Les Conservateurs seraient discrédités pour une longue période et pourraient perdre les élections à venir. Elle a déclaré au cours du vote au parlement britannique du mardi 15 janvier, qu’elle avait le « devoir de respecter le Brexit et les citoyens britanniques qui ont voté en 2016 pour quitter l’Union européenne », un second référendum « saperait » la confiance en la politique et la cohésion sociale.
Il est possible que Theresa May attaquée par son propre parti et le Labour soit « démissionnée » de son poste de premier ministre. Mais celui ou celle qui lui succèdera se retrouvera face aux mêmes difficultés : Brexit or not Brexit ?
10 février 2019