« NATO EXIT », pour un Front International
L’appel de Florence contre la présence de l’Otan en Italie et dans l’Europe
Un comité d’intellectuels, de pacifistes et de militants de gauche italiens saisit l’occasion de l’anniversaire des 70 ans de l’Otan, pour lancer un véritable réquisitoire contre la présence de l’Otan en Italie et en Europe et appeler l’ensemble des peuples à la sortie de l’Otan.
Les Italiens savent de quoi ils parlent. L’Italie est une base de l’Otan depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle subit la présence des forces américaines sur son territoire, présence militaire diverse, mais aussi politique. Dans les années de « plomb » nombreuses ont été les implications de « l’ami américain » dans la « stratégie de la violence » y compris quelques tentatives de coups d’Etat (1968/1969) dans un pays ou le Parti communiste (avec 35% des votes) pouvait finir par gérer le pays en faisant quelques alliances avec le centre gauche (le compromis historique de Berlinguer).
Si le PCI est mort, les Italiens, en général, demeurent au premier plan de la lutte contre la présence de l’Otan sur leur territoire, dont ils connaissent les effets délétères et dangereux, ainsi qu’en Europe. Ils ne veulent plus être partie prenante de quelque guerre que ce soit.
« Aujourd’hui, le risque d’une vaste guerre qui pourrait signer la fin de l’Humanité avec l’emploi des armes nucléaires, est réel, même s’il n’est pas perçu comme tel par une opinion publique tenue dans l’ignorance du danger imminent.
S’engager fortement à sortir du système de guerre est d’une importance vitale. Cela pose la question de l’appartenance de l’Italie et d’autres pays européens à l’Otan.
Car l’Otan n’est pas une Alliance. C’est une organisation sous commandement du Pentagone, dont l’objectif est le contrôle militaire de l’Europe Occidentale et Orientale. Les bases US dans les pays membres de l’Otan servent à occuper ces pays en y conservant une présence militaire permanente qui permet à Washington d’influencer et de contrôler leur politique et d’empêcher de réels choix démocratiques.
L’Otan est une machine de guerre qui opère pour les intérêts des États-Unis, avec la complicité des plus grands groupes européens, en se rendant coupable de crimes contre l’humanité. La guerre d’agression conduite par l’Otan en 1999 contre la Yougoslavie a ouvert la voie à la mondialisation des interventions militaires, avec les guerres contre l’Afghanistan, la Libye, la Syrie et d’autres pays, en violation complète du droit international. Ces guerres sont financées par les pays membres, dont les budgets militaires sont en augmentation continue au détriment des dépenses sociales, pour soutenir des programmes militaires colossaux comme celui du nucléaire étasunien de 1.200 milliards de dollars. Les USA, violant le Traité de non-prolifération, déploient des armes nucléaires dans 5 États non-nucléaires de l’Otan, sous le faux prétexte de la “menace russe”. Ils mettent ainsi en jeu la sécurité de l’Europe.
Pour sortir du système de guerre qui cause de plus en plus de dégâts et nous expose au risque imminent d’une vaste guerre, il faut sortir de l’Otan, en affirmant le droit d’être des États souverains et neutres. Il est de cette façon possible de contribuer au démantèlement de l’Otan et de toute autre alliance militaire, à la reconfiguration des structures de toute la région européenne, à la formation d’un monde multipolaire dans lequel se réalisent les aspirations des peuples à la liberté et à la justice sociale.
Nous proposons la création d’un front international « NATO EXIT » dans tous les pays européens de l’OTAN, en construisant un réseau organisationnel à un niveau de base capable de soutenir la très dure lutte pour arriver à cet objectif vital pour notre avenir. »
Conférence internationale pour 70e anniversaire de l’OTAN, Florence, 7 avril 2019 présenté devant 600 militants.
1. L’Otan naît de la Bombe
2. Dans l’après-guerre froide l’Otan se rénove
3. L’Otan démolit la Yougoslavie
4. L’Otan s’étend à l’Est vers la Russie
5. USA et Otan attaquent l’Afghanistan et l’Irak
6. L’Otan démolit l’État libyen
7. La guerre USA/Otan pour démolir la Syrie
8. Israël et émirs dans l’Otan
9. La gestion USA/Otan dans le coup d’état en Ukraine
10. L’escalade USA/Otan en Europe
11. L’Italie avant garde sur le front de guerre
12. USA et Otan rejettent le Traité ONU et déploient en Europe de nouvelles armes nucléaires
13. USA et Otan enterrent le Traité FNI
14. L’empire Américain d’Occident joue la carte de la guerre
15. Le système planétaire USA/Otan
16. Pour sortir du système de guerre sortir de l’Otan
L’Otan naît de la Bombe
Les événements qui préparent la naissance de l’Otan commencent avec le bombardement atomique d’Hiroshima et Nagasaki, effectué par les États-Unis en août 1945, non pas pour battre le Japon, désormais à genoux, mais pour sortir de la Deuxième guerre mondiale avec le plus grand avantage possible surtout sur l’Union Soviétique. Cela est rendu possible par le fait qu’à ce moment-là, les États-Unis sont les seuls à posséder l’arme nucléaire.
Un mois seulement après le bombardement d’Hiroshima et Nagasaki, en septembre 1945, on calcule déjà au Pentagone qu’il faudrait environ 200 bombes nucléaires contre un ennemi aux dimensions de l’URSS. Le 5 mars 1946, le discours de Winston Churchill sur le “rideau de fer” ouvre officiellement la guerre froide. Immédiatement après, en juillet 1946, les USA effectuent les premiers essais nucléaires dans l’atoll de Bikini (Îles Marshall, Océan Pacifique) pour en vérifier les effets sur un groupe de navires en désarmement et des milliers de cobayes. Participent à l’opération plus de 40 mille militaires et civils étasuniens, avec plus de 250 navires, 150 avions et 25 mille détecteurs de radiations.
En 1949 l’arsenal étasunien passe à environ 170 bombes nucléaires. Les États-Unis sont alors sûrs de pouvoir, en peu de temps, avoir assez de bombes pour attaquer l’Union Soviétique. En cette même année, cependant, le plan étasunien de garder le monopole des armes nucléaires échoue. Le 29 août 1949, l’Union Soviétique effectue sa première explosion expérimentale. Quelques mois avant, le 4 avril 1949, à Washington on sait que l’Union Soviétique aussi est sur le point d’avoir la Bombe et que la course aux armements nucléaires allait donc commencer ; les États-Unis créent l’Otan. L’Alliance sous commandement étasunien comprend pendant la guerre froide seize pays : États-Unis, Canada, Belgique, Danemark, France, République Fédérale Allemande, Grande-Bretagne, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Turquie. À travers cette alliance, les États-Unis conservent leur domination sur les alliés européens, en utilisant l’Europe comme première ligne contre l’Union Soviétique.
Six ans après l’Otan, le 14 mai 1955, naît le Pacte de Varsovie, comprenant Union Soviétique, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Pologne, République Démocratique Allemande, Roumanie, Hongrie et Albanie (cette dernière de 1955 à 1968).
Tandis que commence la confrontation nucléaire entre USA et URSS, la Grande-Bretagne et la France, toutes deux membres de l’Otan, œuvrent pour se doter elles aussi d’armes nucléaires. La première à y arriver est la Grande-Bretagne qui en 1952 effectue une explosion expérimentale en Australie. L’avantage de l’Otan augmente ensuite quand, le 1er novembre de la même année, les États-Unis font exploser leur première bombe H (à l’hydrogène). En 1960 les pays Otan en possession d’armes nucléaires passent à trois, quand la France fait exploser en février sa première bombe nucléaire dans le Sahara.
Tandis que la course aux armements nucléaires est en plein développement, la crise des missiles à Cuba éclate en octobre 1962 : après l’invasion armée ratée de l’île en avril 1961, opérée par des réfugiés cubains soutenus par la CIA étasunienne, l’URSS décide de fournir à Cuba des missiles balistiques à portée moyenne et intermédiaire. Les États-Unis effectuent le blocus naval de l’île et mettent en alerte leurs forces nucléaires : plus de 130 missiles balistiques intercontinentaux sont prêts au lancement ; 54 bombardiers ayant à bord des armes nucléaires viennent s’ajouter aux 12 que le Commandement aérien stratégique garde toujours en vol, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, prêts à l’attaque nucléaire. Les Etats-Unis disposent à ce moment-là de plus de 25.500 armes nucléaires, auxquelles s’ajoutent environ 210 britanniques, tandis que l’URSS en possède environ 3.350. La crise, qui conduit le monde au seuil de la guerre nucléaire, va être désamorcée par la décision soviétique de ne pas installer les missiles, en échange de l’engagement étasunien de lever le blocus et de respecter l’indépendance de Cuba.
Dans la même période, la Chine se dirige vers l’acquisition d’armes nucléaires et, en octobre 1964, fait exploser sa première bombe à l’uranium et, moins de trois ans après, sa première bombe H.
Parallèlement à la croissance de son propre arsenal, le Pentagone met au point des plans opérationnels détaillés de guerre nucléaire contre l’URSS et la Chine. Un dossier de 800 pages -rendu public en 2015 par les archives du gouvernement étasunien - contient une liste (jusque-là top secret) de milliers d’objectifs en URSS, Europe Orientale et Chine que les USA se préparaient à détruire avec des armes nucléaires pendant la guerre froide. En 1959, l’année à laquelle fait référence la “target list” (liste de cibles), les USA disposent de plus de 12.000 têtes nucléaires plus environ 80 britanniques, alors que l’URSS en possède environ mille et la Chine n’en a pas encore. Étant supérieur aussi en vecteurs (bombardiers et missiles), le Pentagone juge faisable une attaque nucléaire.
Chez les stratèges de Washington - racontera ensuite Paul Johnstone, qui fut pendant deux décennies (1949-1969) analyste du Pentagone pour la planification de la guerre nucléaire - il y a dans cette période une conviction que les États-Unis, bien que subissant dans un échange nucléaire de graves dégâts et de nombreux millions de morts, continueraient à exister comme nation organisée et vitale, et l’emporteraient enfin, tandis que l’Union Soviétique ne serait pas en mesure de le faire.
Entre la fin des années Soixante et le début des années Soixante-Dix, les USA ont environ 9.000 armes nucléaires déployées hors de leur propre territoire : environ 7.000 dans les pays européens de l’Otan, 2.000 dans des pays asiatiques (Corée du Sud, Philippines, Japon). En plus de celles-ci, ils ont 3.000 armes à bord de sous-marins et autres unités navales, qu’ils peuvent à tout moment lancer, depuis leurs positions avancées, contre l’Union Soviétique et d’autres pays. L’URSS, qui n’a pas de bases avancées hors de son propre territoire à proximité des États-Unis (dont elle peut cependant s’approcher avec ses sous-marins nucléaires), essaie de démontrer que, si elle était attaquée, elle pourrait lancer des représailles dévastatrices. Pour preuve elle fait exploser, dans un essai effectué le 20 octobre 1961, la plus puissante bombe à hydrogène jamais expérimentée, la “Zar” de 58 mégatonnes, équivalente à presque 4.500 bombes d’Hiroshima. L’Union Soviétique prépare en même temps une arme spatiale : un missile qui, s’il était mis en orbite autour de la Terre, pourrait atteindre à tout moment les États-Unis avec une tête nucléaire.
À ce moment-là, les États-Unis, mis en difficulté, proposent à l’Union Soviétique un traité sur l’usage pacifique de l’espace. Ainsi est signé, en janvier 1967, le Traité sur l’espace externe, qui interdit la mise en place d’armes nucléaires dans l’orbite terrestre, sur la Lune ou sur d’autres corps célestes, ou, en tous cas, leur mise en place dans l’espace extra-atmosphérique.
Immédiatement après, en juillet 1968, vient le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Il est promu par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union Soviétique, préoccupés par le fait que d’autres pays veulent entrer dans le cercle des puissances nucléaire. L’Article 1 stipule : “Tout État doté d’armes nucléaires qui est Partie du Traité s’engage à ne transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires”. L’Article 2 : “Tout État non doté d’armes nucléaires qui est Partie du Traité s’engage à n’accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d’armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires ou le contrôle de telles armes”. Les puissances nucléaires s’engagent à poursuivre des négociations sur un Traité de désarmement général et complet sous contrôle international (Art. 6). L’Italie signe le TNP en 1969 et le ratifie en 1975.
Pendant qu’États-Unis, Grande-Bretagne et Union Soviétique essaient d’empêcher par le Traité de non-prolifération que d’autres pays n’entrent dans le club nucléaire, dont font partie cinq membres en 1968, un sixième pays s’infiltre dans le cercle des puissances nucléaires en réussissant non seulement à y entrer mais, une fois dedans, à se rendre officiellement invisible : Israël. Au moment même où, en 1968, le Traité de non-prolifération est ouvert à la signature, Israël est déjà en train de déployer en secret ses premières armes nucléaires. Dans les années Soixante et Soixante-Dix l’Afrique du Sud, l’Inde et le Pakistan commencent aussi à construire des armes nucléaires. En 1986 l’arsenal mondial grimpe à son plus haut niveau : environ 65. 000 armes nucléaires.
C’est dans cette phase que l’Europe se retrouve en première ligne de la confrontation nucléaire entre les deux superpuissances. Entre 1976 et 1980 l’URSS déploie sur son territoire des missiles balistiques de portée intermédiaire. Se fondant sur le fait que depuis le territoire soviétique ils peuvent frapper l’Europe occidentale, l’Otan décide de déployer en Europe, à partir de 1983, des missiles nucléaires étasuniens à portée intermédiaire : 108 missiles balistiques Pershing 2 en Allemagne et 464 missiles de croisière (Cruise) lancés du sol, distribués entre Grande-Bretagne, Italie, Allemagne occidentale, Belgique et Pays-Bas.
En moins de 10 minutes du lancement, les Pershing 2 étasuniens stockés en Allemagne peuvent frapper les bases et villes soviétiques, Moscou comprise, avec leurs têtes nucléaires. En même temps, les missiles de croisière étasuniens stockés à Comiso (en Italie) et dans d’autres bases européennes, volant à vitesse subsonique à une altitude de quelques dizaines de mètres le long du relief du sol, peuvent échapper aux radars et atteindre les villes soviétiques. À leur tour, les SS-20 stockés en territoire soviétique peuvent atteindre, en à peine plus de 10 minutes du lancement, les bases et villes de l’Europe occidentale.
En Italie, au milieu des années 80, en plus de 112 têtes nucléaires sur les missiles de croisière stockés à Comiso, se trouvent d’autres armes nucléaires étasuniennes pour un total estimé à environ 700. Elles sont constituées en majorité de mines de démolition atomique, projectiles nucléaires d’artillerie et missiles nucléaires à courte portée, destinés à être utilisés sur le territoire italien. Ceci indique que l’Italie est considérée par les États-Unis comme un simple pion à sacrifier, un terrain de bataille nucléaire transformé en désert radioactif.
Pendant la guerre froide, de 1945 à 1991, on accumule dans le monde un arsenal nucléaire qui, dans les années Quatre-Vingt, atteint probablement les 15.000 mégatonnes, équivalant à plus d’un million de bombes d’Hiroshima. C’est comme si chaque habitant de la planète était assis sur 3 tonnes de tritium. La puissance de l’arsenal nucléaire dépasse de 5.000 fois celle de tous les engins explosifs utilisés dans la Seconde guerre mondiale. On crée, pour la première fois dans l’histoire, une force destructrice qui peut effacer de la surface de la Terre, non pas une mais plusieurs fois, l’espèce humaine et presque toute autre forme de vie.
Dans l’après-guerre froide, l’Otan se rénove
Dans la seconde moitié des années Quatre-Vingt le climat de la guerre froide commence à changer. Le premier signal de dégel est le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (INF), signé à Washington le 8 décembre 1987 par les présidents Reagan et Gorbatchev : sur la base de celui-ci les États-Unis et l’Union Soviétique s’engagent à éliminer tous les missiles de cette catégorie, y compris les Pershing 2 et les Cruise basés par les USA dans des pays européens de l’Otan et les SS-20 basés par l’URSS sur son propre territoire. Jusqu’en mai 1991, ce sont, au total, 2.692 missiles de cette catégorie qui seront éliminés.
Cet important résultat est dû substantiellement à l’”offensive du désarmement” lancée par l’Union Soviétique de Gorbatchev ; le 15 janvier 1986, elle propose non seulement d’éliminer les missiles soviétiques et étasuniens à portée intermédiaire, mais de réaliser un programme d’ensemble, en trois phases, pour la mise au ban des armes nucléaires pour l’an 2000. On sait à Washington que Gorbatchev veut vraiment la complète élimination de ces armes. Mais on sait aussi que dans le Pacte de Varsovie et dans l’Union Soviétique-même est en marche un processus de désagrégation, processus que les États-Unis et leurs alliés favorisent par tous les moyens possibles.
Après l’écroulement du Mur de Berlin en novembre 1989, c’est en juillet 1991, la dissolution du Pacte de Varsovie : les six pays de l’Europe centre-orientale qui en faisaient partie ne sont alors plus alliés de l’URSS. En décembre 1991 c’est l’Union Soviétique qui se dissout : à la place d’un État unique s’en forment quinze. La disparition de l’Union Soviétique et de son bloc d’alliances crée, dans la région européenne et centre-asiatique, une situation géopolitique entièrement nouvelle. Simultanément, la désagrégation de l’URSS et la profonde crise politique et économique qui investit la Fédération Russe marquent la fin de la superpuissance qui était en mesure de rivaliser avec celle des USA.
Les États-Unis profitent immédiatement de la “détente” en Europe pour concentrer leurs forces dans l’aire stratégique du Golfe Persique où, par une habile manœuvre, ils préparent les conditions pour déclencher ce que le Pentagone définit comme “le premier conflit de l’après-guerre froide, un événement déterminant dans le leadership mondial des États-Unis”. Le 17 janvier 1991 est lancée contre l’Irak “la plus intense campagne de bombardement de l’histoire” : en 43 jours l’aviation étasunienne et alliée (dont celle de l’Italie) largue, avec 2.800 avions, environ 250.000 bombes, dont celles à fragmentation qui diffusent au total plus de 10 millions de sous-munitions, tandis que les canonnières volantes, les hélicoptères et les chars d’assaut tirent plus d’un million de projectiles à l’uranium appauvri. Le 23 février les troupes de la coalition, comprenant plus d’un demi-million de soldats, lancent l’offensive terrestre qui, après cent heures de carnage, prend fin le 28 février avec un “cessez-le-feu temporaire” proclamé par le président Bush.
L’Otan, bien que ne participant pas en tant que telle à la guerre du Golfe, fournit l’appui de toute son infrastructure aux forces de la coalition. Aux côtés des Étasuniens, des forces aériennes et navales britanniques, françaises, italiennes, grecques, espagnoles, portugaises, belges, hollandaises, danoises, norvégiennes et canadiennes participent aux bombardements, et des forces britanniques et françaises et à l’offensive terrestre.
La nouvelle stratégie va être officiellement énoncée, six mois après la fin de la guerre du Golfe, dans la National Security Strategy of the United States (Stratégie de la sécurité nationale des États-Unis), publiée par la Maison Blanche en août 1991. Le Concept central est : “les États-Unis demeurent le seul État avec une force, une portée et une influence en toute dimension - politique, économique et militaire - réellement mondiales : [...] il n’existe aucun substitut au leadership américain. Notre responsabilité, dans la nouvelle ère aussi, est d’importance centrale et inéluctable”.
Un document du Pentagone, rédigé en février 1992 précise que “notre objectif premier est d’empêcher la réémergence d’un nouveau rival, sur le territoire de l’ex-Union Soviétique ou ailleurs, qui puisse être une menace de l’ordre de celle posée précédemment par l’Union Soviétique. La nouvelle stratégie requiert que nous opérions pour empêcher que toute puissance hostile ne domine une région dont les ressources, si elles étaient étroitement contrôlées, puissent engendrer une puissance mondiale”. Cette stratégie sera adoptée dans les “régions critiques pour la sécurité des États-Unis, lesquelles comprennent l’Europe, l’Asie orientale, le Moyen-Orient, l’Asie sud-occidentale et le territoire de l’ex-Union Soviétique. Nous avons d’importants intérêts aussi en jeu en Amérique Latine, Océanie et Afrique subsaharienne”.
“Une question clé -souligne la Maison Blanche dans la National Security Strategy 1991- est [de savoir] comment le rôle de l’Amérique de leader de l’Alliance, et en réalité nos alliances mêmes, seront influencés, spécialement en Europe, par la réduction de la menace soviétique. [...] Les différences entre les alliés deviendront probablement plus évidentes au fur et à mesure que décroîtra la traditionnelle préoccupation sur la sécurité qui les a fait s’unir au départ”. En d’autres termes : les alliés européens pourraient faire des choix divergents de ceux des États-Unis, en mettant en question le leadership étasunien ou même en sortant de l’Otan, désormais dépassée par la nouvelle situation géopolitique. Il est donc de la plus grande urgence pour les États-Unis de redéfinir non seulement la stratégie, mais le rôle même de l’Otan.
Le 7 novembre 1991, les chefs d’état et de gouvernement des seize pays de l’Otan, réunis à Rome dans le Conseil Atlantique-Nord, lancent “Le nouveau concept stratégique de l’Alliance”. Même si d’une part “a disparu la monolithique, massive, et potentiellement immédiate menace qui a été la principale préoccupation de l’Alliance dans ses quarante premières années, - affirme le document - les risques qui perdurent pour la sécurité de l’Alliance sont de nature multiforme et multidirectionnels. La dimension militaire de notre Alliance reste de ce fait un facteur essentiel, mais le fait nouveau est qu’elle sera plus que jamais au service d’un vaste concept de sécurité”. De cette façon l’Alliance redéfinit son rôle, fondamentalement sur les lignes tracées par les USA.
L’Otan démolit la Yougoslavie
Le “nouveau concept stratégique” de l’Otan va être mis en pratique dans les Balkans, où la crise de la Fédération Yougoslave, due aux oppositions entre les groupes au pouvoir et aux poussées centrifuges des républiques, a atteint le point de rupture.
En novembre 1990, le Congrès des États-Unis approuve le financement direct de toutes les nouvelles formations “démocratiques” de la Yougoslavie, encourageant ainsi les tendances sécessionnistes. En décembre, du parlement de la République Croate, contrôlé par le parti de Franjo Tudjman, émane une nouvelle Constitution sur la base de laquelle la Croatie n’est que la “patrie des Croates” et est souveraine sur son territoire. Six mois plus tard, en juin 1991, en plus de la Croatie, la Slovénie proclame aussi sa propre indépendance. Immédiatement après, éclatent des affrontements entre l’armée fédérale et les indépendantistes. En octobre, en Croatie, le gouvernement Tudjman expulse plus de 25 mille Serbes, pendant que ses milices occupent Vukovar. L’armée fédérale répond, en reprenant la ville. La guerre civile commence à s’étendre, mais pourrait encore être arrêtée.
La voie qui va être prise est au contraire diamétralement opposée : l’Allemagne, engagée à étendre son influence économique et politique dans la région des Balkans, en décembre 1991 reconnaît unilatéralement Croatie et Slovénie comme États indépendants. En conséquence, le jour suivant les Serbes de Croatie proclame à leur tour l’autodétermination, en constituant la République Serbe de la Krajina. En janvier 1992, d’abord le Vatican puis l’Europe des douze reconnaissent aussi, outre la Croatie, la Slovénie. Alors s’enflamme aussi la Bosnie-Herzégovine qui, à petite échelle, représente toute la gamme des problèmes ethniques et religieux de la Fédération Yougoslave.
Les casques bleus de l’ONU, envoyés en Bosnie comme force d’interposition entre les factions en lutte, sont volontairement laissés en nombre insuffisant, sans moyens adaptés et sans directives précises ; ils finissent par se retrouver otages au milieu des combats. Tout concourt à démontrer la “faillite de l’ONU” et la nécessité que ce soit l’Otan qui prenne la situation en main. En juillet 1992 l’Otan lance la première opération de “réponse à la crise”, pour imposer l’embargo à la Yougoslavie.
En février 1994, des avions de l’Otan abattent des avions serbo-bosniaques qui volent sur la Bosnie. C’est la première action de guerre depuis la fondation de l’Alliance. Par elle l’Otan viole l’article 5 de sa propre charte constitutive, puisque l’action guerrière n’est pas motivée par l’attaque contre un membre de l’Alliance et est effectuée en dehors de son aire géographique.
Quand l’incendie est éteint en Bosnie (où le feu couve sous la cendre de la division en États ethniques), l’Otan jette de l’huile sur le foyer du Kosovo, où court depuis des années une revendication d’indépendance de la part de la majorité albanaise. À travers des canaux souterrains en grande partie gérés par la CIA, un fleuve d’armes et de financements, entre la fin de 1998 et le début de 1999, va alimenter l’UCK (Armée de libération du Kosovo), bras armé du mouvement séparatiste kosovar-albanais. Des agents de la CIA déclareront ensuite être entrés au Kosovo en 1998 et 1999, en tant qu’observateurs de l’OSCE chargés de vérifier le “cessez-le-feu” : ils fournissent à l’UCK des manuels étasuniens d’entraînement militaire et des téléphones satellites, afin que les commandants de la guérilla puissent être en contact avec l’Otan et Washington. L’UCK peut ainsi déclencher une offensive contre les troupes fédérales et les civils serbes, avec des centaines d’attentats et d’enlèvements.
Alors que les affrontements entre les forces yougoslaves et celles de l’UCK provoquent des victimes des deux côtés, une puissante campagne politico-médiatique prépare l’opinion publique internationale à l’intervention de l’Otan, présentée comme seule façon d’arrêter l’”épuration ethnique” serbe au Kosovo. La cible prioritaire est le président de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, accusé d’”épuration ethnique”.
La guerre, appelée “Opération Force Alliée”, commence le 24 mars 1999. Le rôle de l’Italie est déterminant : le gouvernement D’Alema met le territoire italien, en particulier les aéroports, à la totale disposition des forces armées des États-Unis et d’autres pays, pour opérer ce que le président du Conseil définit comme “le droit d’ingérence humanitaire”. Pendant 78 jours, décollant surtout des bases italiennes, 1.100 avions effectuent 38 mille sorties, larguant 23 mille bombes et missiles. 75% des avions et 90% des bombes et missiles sont fournis par les États-Unis. Étasunien aussi le réseau de communication, commandement, contrôle et renseignement à travers lesquels sont menées les opérations : “Des 2000 objectifs touchés en Serbie par les avions de l’Otan -documente ensuite le Pentagone- 1999 ont été choisis par le renseignement étasunien et un seul par les Européens”.
Systématiquement, les bombardements démantèlent les structures et infrastructures de la Serbie, provoquant des victimes surtout chez les civils. Les dégâts qui en dérivent pour la santé et l’environnement ne sont pas quantifiables. Rien que de la raffinerie de Pancevo vont s’échapper, à cause des bombardements, des milliers de tonnes de substances chimiques hautement toxiques (notamment dioxine et mercure). D’autres dégâts vont être provoqués par l’emploi massif de la part de l’Otan, en Serbie et au Kosovo, de projectiles à l’uranium appauvri, déjà utilisés dans la guerre du Golfe.
Aux bombardements participent aussi 54 avions italiens, qui attaquent les objectifs indiqués par le commandement étasunien. “Pour le nombre d’avions nous n’avons été seconds que derrière les USA. L’Italie est un grand pays et il n’y a pas à s’étonner de l’engagement démontré dans cette guerre”, déclare avec orgueil le président du Conseil D’Alema au cours d’une visite faite le 10 juin 1999 à la base d’Amendola (Pouilles), en soulignant que, pour les pilotes qui y ont participé, cela avait été “une grande expérience humaine et professionnelle”.
Le 10 juin 1999 les troupes de la Fédération Yougoslave commencent à se retirer du Kosovo et l’Otan met fin aux bombardements. La résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU indique que la présence internationale doit comprendre une “substantielle participation de l’Otan”. “Aujourd’hui l’Otan affronte sa nouvelle mission : celle de gouverner”, commente The Washington Post.
La guerre finie, plus de 60 agents du FBI sont envoyés par les USA au Kosovo, sans trouver de traces de massacres justifiant l’accusation, faite aux Serbes, de “nettoyage ethnique”. Slobodan Milosevic, condamné à 40 ans de réclusion par la Cour Pénale Internationale de La Haye, meurt après cinq années de prison. Cette même Cour, en 2016, le disculpe de l’accusation de “nettoyage ethnique”.
Le Kosovo, où les USA installent une grande base militaire (Camp Bondsteel), devient une sorte de protectorat de l’Otan. Simultanément, sous la couverture “Force de paix”, l’ex-UCK au pouvoir terrorise et expulse plus de 250 mille Serbes, roms, juifs et Albanais “collaborationnistes”. En 2008, avec l’auto proclamation du Kosovo comme État indépendant, se termine la démolition de la Fédération Yougoslave.
Alors que la guerre contre la Yougoslavie est en cours, est convoqué à Washington, les 23-25 avril 1999, le sommet qui officialise la transformation de l’Otan”. D’alliance qui, sur la base de l’article 5 du Traité du 4 avril 1949, engage les pays membres à assister y compris par la force armée le pays membre qui serait attaqué dans l’aire nord-atlantique, l’Otan se trouve transformée en alliance qui, sur la base du “nouveau concept stratégique”, engage aussi les pays membres à “conduire des opérations de riposte aux crises non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance”. En d’autres termes, l’Otan se prépare à projeter sa force militaire en-dehors de ses propres frontières non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions du monde.
Ce qui ne change pas, dans la mutation de l’Otan, c’est sa hiérarchie interne. C’est toujours le Président des États-Unis qui nomme le Commandant Suprême Allié en Europe, qui est toujours un général étasunien, tandis que les alliés se bornent à ratifier le choix. La même chose se passe pour les autres commandements clé.
Le document qui engage les pays membres à opérer en-dehors du territoire de l’Alliance, souscrit par les leaders européens le 24 avril 1999 à Washington, confirme que l’Otan “soutient pleinement le développement de l’identité européenne de la défense, à l’intérieur de l’Alliance”. Le concept est clair : l’Europe Occidentale peut avoir son “identité de la défense”, mais celle-ci doit rester à l’intérieur de l’Alliance, à savoir sous commandement US.
Ainsi se trouve confirmée et consolidée la subordination de l’Union Européenne à l’Otan. Subordination prévue par le Traité de Maastricht de 1992, qui reconnaît le droit des États UE de faire partie de l’Otan, définie comme fondement de la défense de l’Union Européenne.
L’Italie - en participant à la guerre contre la Yougoslavie, pays qui n’avait accompli aucune action agressive ni contre l’Italie ni contre d’autres pays membres de l’Otan - confirme qu’elle a adopté une nouvelle politique militaire et, simultanément, une nouvelle politique étrangère. Celle-ci, en utilisant comme instrument la force militaire, viole le principe constitutionnel, affirmé par l’Article 11 : “L’Italie répudie la guerre comme instrument d’offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de résolution des conflits internationaux”.
L’Otan s’étend à l’Est vers la Russie
En 1990, à la veille de la dissolution du Pacte de Varsovie, le Secrétaire d’état US James Baker assurait le Président de l’URSS Mikhail Gorbatchev que “l’Otan ne s’étendra pas d’un seul pouce à l’Est”. Mais en vingt années, après avoir démoli la Fédération Yougoslave, l’Otan s’étend de 16 à 30 pays, en avançant toujours plus à l’Est vers la Russie.
En 1999 elle englobe les trois premiers pays de l’ex-Pacte de Varsovie : Pologne, République Tchèque et Hongrie. Puis, en 2004, elle s’étend à sept autres : Estonie, Lettonie, Lituanie, (auparavant faisant partie de l’URSS) ; Bulgarie, Roumanie, Slovaquie (auparavant parties du Pacte de Varsovie) ; Slovénie (auparavant partie de la Fédération Yougoslave). En 2009, elle englobe l’Albanie (autrefois membre du Pacte de Varsovie) et la Croatie (ex-partie de la Fédération Yougoslave) et, en 2017, le Monténégro ; en 2019, elle signe le protocole d’adhésion de la Macédoine du Nord en tant que 30ème membre. Trois autres pays - Bosnie Herzégovine (ex-partie de la Fédération Yougoslave), Géorgie et Ukraine (ex-parties de l’URSS) - sont candidats à l’entrée dans l’Otan.
Ce faisant Washington lie ces pays non pas tant à l’Alliance que directement aux États-Unis, en renforçant son influence à l’intérieur de l’Union Européenne. Sur les dix pays d’Europe centre-orientale qui entrent dans l’Otan entre 1999 et 2004, sept entrent dans l’Union européenne entre 2004 et 2007 : à l’Union européenne qui s’élargit à l’Est, les États-Unis superposent l’Otan qui s’élargit à l’Est sur l’Europe. Ainsi se révèle clairement le dessein stratégique de Washington : utiliser comme levier les nouveaux membres de l’Est, pour établir dans l’Otan des rapports de force encore plus favorables aux États-Unis, afin d’isoler la “vieille Europe” qui pourrait un jour prendre son autonomie.
L’expansion de l’Otan à l’Est a, outre celles-ci, d’autres implications. En englobant non seulement les pays de l’ex-Pacte de Varsovie mais aussi les trois républiques baltes faisant autrefois partie de l’URSS, l’Otan arrive jusqu’aux frontières de la Fédération Russe. Malgré les assurances de Washington sur ses intentions pacifiques, cela constitue une menace, y compris nucléaire, envers la Russie.
Les USA et l’Otan attaquent l’Afghanistan et l’Irak
Les États-Unis attaquent et envahissent l’Afghanistan, en 2001, sous le motif officiel d’y poursuivre Oussama ben Laden, donné comme mandant de l’attaque terroriste du 11 septembre. Une figure bien connue à Washington : ingénieur et homme d’affaires appartenant à une riche famille saoudienne, précédemment liée par des rapports d’affaire avec la famille Bush, Oussama ben Laden collabore activement avec la CIA quand, de 1979 à 1989, celle-ci entraîne et arme par l’intermédiaire de l’ISI (le service secret pakistanais) plus de 100 mille moudjahidines pour la guerre contre les troupes soviétiques tombées dans le “piège afghan” (comme le qualifie Zbigniew Brzezinski, en précisant que l’entraînement et l’armement des moudjahidines avaient commencé en juillet 1979, cinq mois avant l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan).
Ainsi s’ouvre une nouvelle phase de la situation internationale : le président des États-Unis se trouve autorisé à conduire la “guerre globale au terrorisme”, où il n’y a pas de frontières géographiques, contre un ennemi qui peut être identifié tour à tour non seulement en un terroriste ou présumé tel, mais en quiconque s’oppose à la politique et aux intérêts étasuniens. L’image parfaite d’ennemi, interchangeable et durable. Le président Bush le définit comme “un ennemi obscur, qui se cache dans les coins sombres de la Terre”.
Le but réel de l’intervention militaire des USA en Afghanistan est l’occupation de cette aire de première importance stratégique. L’Afghanistan est au carrefour entre Moyen-Orient, Asie Centrale, Méridionale et Orientale. Dans cette aire (dans le Golfe et dans la Caspienne) se trouvent de grandes réserves pétrolifères. S’y trouvent aussi trois grandes puissances - Chine, Russie et Inde - dont la force est en train de croître et d’influencer les linéaments mondiaux. Comme avait prévenu le Pentagone dans son rapport du 30 septembre 2001, “la possibilité existe qu’émerge en Asie un rival militaire avec une formidable base de ressources”.
Dans la période précédant le 11 septembre 2001, il y a en Asie de forts signaux d’un rapprochement entre Chine et Russie. Washington considère ce fait comme un défi aux intérêts étasuniens, au moment critique où les États-Unis essaient d’occuper le vide que la désagrégation de l’URSS a laissé en Asie Centrale. Une position géostratégique clé pour le contrôle de cette aire est celle de l’Afghanistan.
La guerre commence le 7 octobre 2001 avec le bombardement de l’Afghanistan effectué par l’aviation étasunienne et britannique. Le Conseil de sécurité de l’ONU autorise alors la constitution de l’ISAF (Force internationale d’assistance à la sécurité) dont la direction est confiée par la suite à Grande-Bretagne, Turquie, Allemagne et Pays-Bas. Mais subitement, le 11 août 2003, l’Otan annonce avoir “pris le rôle de leadership de l’ISAF, force avec mandat ONU”. C’est un véritable coup de main : aucune résolution du Conseil de sécurité n’autorise l’Otan à prendre le leadership, c’est-à-dire le commandement, de l’ISAF. Ce n’est qu’après coup, par la résolution 1659 de février 2006, que le Conseil de sécurité “reconnaît l’engagement continu de l’Otan à diriger l’ISAF”. La mission ISAF se trouve ainsi insérée dans la chaîne de commandement du Pentagone. Dans cette même chaîne de commandement sont insérés les militaires italiens assignés à l’ISAF, avec hélicoptères et avions, y compris les chasseurs-bombardiers Tornado.
Après l’Afghanistan c’est le tour de l’Irak, soumis depuis 1991 à un embargo extrêmement dur qui a provoqué en dix ans un million de morts environ, dont un demi-million d’enfants. Le président Bush place l’Irak, en 2002, au premier rang des pays faisant partie de l’”axe du mal”.
Le secrétaire d’État Colin Powell présente au Conseil de sécurité de l’ONU une série de “preuves” recueillies par la CIA, qui ensuite s’avèreront fausses, sur la présumée existence d’un gros arsenal d’armes chimiques et bactériologiques possédées par l’Irak, et sur sa présumée capacité à construire en peu de temps des armes nucléaires. Comme le Conseil de sécurité se refuse à autoriser la guerre, l’administration Bush va tout simplement le contourner.
La guerre commence en mars 2003 avec le bombardement aérien de Bagdad et autres centres par l’aviation étasunienne et britannique et par l’attaque terrestre effectuée par les marines entrées en Irak par le Koweit. En avril des troupes US occupent Bagdad.
L’opération, appelée “Iraqi Freedom”, est présentée comme “guerre préventive” et “exportation de la démocratie”. Les forces d’occupation étasuniennes et alliées -y compris italiennes engagées dans l’opération “Antique Babylone”- rencontrent une résistance qu’ils ne s’attendaient pas à trouver. Pour la briser, l’Irak va être mis à feu et à sang par plus d’un million et demi de soldats, que le Pentagone déploie par rotations avec des centaines de milliers de contractors militaires, en usant de tous les moyens : des bombes au phosphore contre la population de Fallujah aux tortures dans la prison d’Abu Ghraib.
L’Otan participe de fait à la guerre avec ses propres structures et forces. En 2004 est instituée la “Mission Otan d’entraînement”, dans le but déclaré d’”aider l’Irak à créer des forces armées efficientes”. De 2004 à 2011 vont être entraînés, dans 2.000 cours spéciaux tenus dans des pays de l’Alliance, des milliers de militaires et policiers irakiens.
Simultanément l’Otan envoie des instructeurs et conseillers, y compris italiens, pour “aider l’Irak à créer son propre secteur de sécurité sous conduite démocratique et durable” et pour “établir un partenariat à long terme de l’Otan avec l’Irak”.
L’Otan démolit l’État libyen
De multiples facteurs rendent la Libye importante aux yeux des États-Unis et des puissances européennes. Elle possède les plus grandes réserves pétrolifères d’Afrique, précieuses par leur haute qualité et le bas coût d’extraction - et de grosses réserves de gaz naturel. L’État libyen conserve sur elles un fort contrôle, en laissant aux compagnies étasuniennes et européennes des marges de profit limitées. En plus de l’or noir, la Libye possède l’or blanc : l’immense réserve d’eau fossile de la nappe nubienne qui s’étend sous Libye, Egypte, Soudan et Tchad. Énormes aussi les fonds souverains, les capitaux que l’État libyen a investi à l’étranger, notamment pour doter l’Afrique de ses propres organismes financiers et de sa propre monnaie.
À la veille de la guerre de 2011, les États-Unis et les puissances européennes “gèlent”, c’est-à-dire séquestrent, les fonds souverains libyens, assénant un coup mortel à l’ensemble du projet. Les emails de Hillary Clinton (secrétaire d’état de l’administration Obama en 2011), découverts ensuite, confirment ce qu’était le véritable but de la guerre : bloquer le plan de Kadhafi d’utiliser les fonds souverains libyens pour créer des organismes financiers autonomes dans l’Union africaine et une monnaie africaine alternative au dollar et au franc CFA (la monnaie que sont obligés d’employer 14 pays africains, ex-colonies françaises). C’est H. Clinton - documentera ensuite le New York Times - qui fait signer au président Obama “un document qui autorise une opération secrète en Libye et la fourniture d’armes aux rebelles”.
On va financer et armer les secteurs tribaux hostiles au gouvernement de Tripoli et des groupes islamistes qui, quelques mois auparavant, étaient encore définis comme terroristes. En même temps en Libye des forces spéciales sont infiltrées, dont des milliers de commandos qataris facilement camouflables. Toute l’opération est dirigée par les États-Unis, d’abord via le Commandement Africa, puis par l’intermédiaire de l’Otan sous commandement US.
Le 19 mars 2011 commence le bombardement aéronaval de la Libye. En sept mois, l’aviation US/Otan effectue 30 mille missions, dont 10 mille d’attaque, avec utilisation de plus de 40 mille bombes et missiles. À cette guerre participe l’Italie avec ses bases et forces militaires, en foulant aux pieds le Traité d’amitié, partenariat et coopération entre les deux pays.
Pour la guerre contre la Libye l’Italie met à disposition des forces US/Otan 7 bases aériennes (Trapani, Gioia Del Colle, Sigonella, Decimomannu, Aviano, Amendola et Pantelleria), en assurant assistance technique et approvisionnements. L’Aéronautique italienne participe à la guerre en effectuant plus de 1 000 missions, et la marine militaire italienne va être engagée sur plusieurs fronts.
Avec la guerre US/Otan de 2011, l’État libyen est démoli et Kadhafi assassiné. On a démoli cet État qui, sur la rive sud de la Méditerranée face à l’Italie, gardait “des niveaux élevés de croissance économique” (comme documentait en 2010 la Banque mondiale elle-même), enregistrant “des indicateurs élevés de développement humain” parmi lesquels l’accès universel à l’instruction primaire et secondaire et, pour 46%, à celle de niveau universitaire.
Malgré les disparités, le niveau de vie de la population libyenne était largement plus haut que celui des autres pays africains. Pour preuve, plus de deux millions d’immigrés, le plus souvent africains, trouvaient du travail en Libye.
Sont aussi être frappés par la guerre les immigrés de l’Afrique sub-saharienne qui, persécutés sous l’accusation d’avoir collaboré avec Kadhafi, sont emprisonnés ou obligés de fuir. Beaucoup, poussés par le désespoir, tentent la traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Ceux qui y perdent la vie sont eux aussi victimes de la guerre par laquelle l’Otan a démoli l’État libyen.
La guerre US/Otan pour démolir la Syrie
Après avoir démoli l’État libyen commence, dans cette même année 2011, l’opération US/Otan pour démolir l’État syrien. Une des raisons est le fait que Syrie, Iran et Irak signent en juillet 2011 un accord pour un gazoduc qui devrait relier le gisement iranien de South Pars, le plus grand du monde, à la Syrie et donc à la Méditerranée. La Syrie, où a été découvert un autre gros gisement près de Homs, pourrait devenir de cette façon un hub de couloirs énergétiques alternatifs à ceux qui traversent la Turquie et à d’autres parcours, contrôlés par les compagnies étasuniennes et européennes.
La guerre secrète commence avec une série d’attentats terroristes, effectués surtout à Damas et Alep. Les images des édifices dévastés par de très puissants explosifs sont éloquentes : il ne s’agit pas de l’œuvre de simples rebelles, mais de professionnels de la guerre infiltrés. Des centaines de spécialistes des forces d’élite britanniques Sas et Sbs - rapporte le Daily Star - opèrent en Syrie, à côté d’unités étasuniennes et françaises.
La force de choc est constituée d’un ramassis armé de groupes islamistes (jusque peu de temps auparavant classés par Washington comme terroristes) provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Libye et autres pays. Dans le groupe d’Abu Omar al-Chechen - d’après l’envoyé du Guardian à Alep - les ordres sont donnés en arabe, mais doivent être traduits en tchétchène, tadjik, turc, dialecte saoudien, urdu, français et autres langues. Munis de faux passeports (spécialité CIA), les combattants affluent dans les provinces turques de Adana et Hatay, à la frontière de la Syrie, où la CIA a ouvert des centres de formation militaire. Les armes arrivent surtout via l’Arabie Saoudite et le Qatar qui, comme en Libye, fournit aussi des forces spéciales.
Le commandement des opérations se trouve à bord des navires de l’Otan dans le port d’Iskenderun. À Istanbul est ouvert un centre de propagande où des dissidents syriens, formés et financés par le Département d’état étasunien, confectionnent les nouvelles et les vidéos qui sont diffusées par des réseaux satellites.
Depuis des centres opérationnels spécifiques, des agents de la CIA pourvoient à l’achat des armes avec de gros financements concédés par l’Arabie Saoudite, le Qatar et autres monarchies du Golfe. Ils organisent le transport des armes en Turquie et Jordanie à travers un pont aérien et les font parvenir, à travers la frontière, aux groupes en Syrie, déjà entraînés dans des camps spéciaux installés en territoire turc et jordanien.
La stratégie de ces opérations émerge de documents découverts par la suite. La secrétaire d’état Hillary Clinton, dans un email de 2012 (déclassifié comme “case number F-2014-20439, Doc No. C05794498”), écrit que, étant donnée la “relation stratégique” Iran-Syrie, “le renversement d’Assad constituerait un immense bénéfice pour Israël, et ferait aussi diminuer la compréhensible crainte israélienne de perdre le monopole nucléaire”.
Un document officiel du Pentagone, daté du 12 août 2012 (déclassifié le 18 mai 2015 à l’initiative du groupe Judicial Watch), affirme que “les pays occidentaux, les États du Golfe et la Turquie soutiennent en Syrie les forces d’opposition qui tentent de contrôler les aires orientales, adjacentes aux provinces irakiennes occidentales”, en les aidant à “créer des refuges sûrs sous protection internationale”. Il y a “la possibilité d’établir un émirat salafiste en Syrie orientale, et ceci est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, pour isoler le régime syrien, arrière stratégique de l’expansion chiite (Irak et Iran)”.
C’est dans ce contexte qu’en 2013 se forme l’ISIS (ou DAESH), l’“État islamique de l’Irak et de la Syrie”, qui s’auto-proclame “État du califat islamique”. En mai 2013, un mois après avoir fondé l’ISIS, Ibrahim al-Badri -le “calife” connu sous le nom de guerre d’Abu Bakr al-Bagdhadi - rencontre en Syrie le sénateur étasunien John McCain, chef de file des républicains chargé par le démocrate Obama de mener des opérations secrètes pour le compte du gouvernement. La rencontre est documentée photographiquement.
DAESH reçoit des financements, armes et voies de transit des plus proches alliés des États-Unis : Arabie Saoudite, Qatar, Koweit, Turquie et Jordanie, sur la base d’un plan certainement coordonné par la CIA. Après avoir conquis avec ses milices une grande partie du territoire syrien, DAESH lance l’offensive en Irak, non fortuitement au moment où le gouvernement présidé par le chiite Nouri al-Maliki prend ses distances de Washington, en se rapprochant de plus en plus de la Chine et de la Russie. L’offensive, qui embrase l’Irak, trouve un matériau inflammable dans la rivalité chiites-sunnites. Les milices de DAESH occupent Ramadi, la deuxième ville d’Irak, et immédiatement après Palmyre en Syrie centrale, en tuant des milliers de civils et contraignant d’autres dizaines de milliers à la fuite.
DAESH joue de fait un rôle servant la stratégie US/Otan de démolition des États. Ceci ne signifie pas que la masse de ses miliciens, provenant de divers pays, en soit consciente. Elle est très composite : en font partie aussi bien des combattants islamistes, qui se sont formés dans le drame de la guerre, que des ex-militaires de l’époque de Saddam Hussein qui ont combattu contre les envahisseurs, que de nombreux autres dont les histoires sont toujours reliées aux situations sociales tragiques provoquées par la première guerre du Golfe et par les suivantes sur un cycle de plus de vingt ans. En font partie aussi divers foreign fighters, combattants étrangers, provenant d’Europe et des États-Unis, dont les masques cachent certainement des agents secrets formés spécialement pour de telles opérations.
Très suspect aussi est l’accès illimité que DAESH a, au plus fort de son développement, dans les réseaux médiatiques mondiaux, dominés par les colosses étasuniens et européens, à travers lesquels il diffuse les films des décapitations qui, en suscitant l’horreur, créent une vaste opinion publique favorable à l’intervention en Irak et Syrie.
La campagne militaire “Inherent Resolve”, formellement dirigée contre l’État islamique, est lancée en Irak et Syrie en août 2014 par les USA et leurs alliés : France, Grande-Bretagne, Canada, Australie, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Bahrein et autres. Si États-Unis, France et Grande-Bretagne utilisaient leurs chasseurs-bombardiers comme ils l’avaient fait contre la Libye en 2011, les forces de DAESH, se déplaçant dans des espaces ouverts, auraient été une cible facile. Celles-ci peuvent au contraire avancer imperturbablement avec des colonnes de blindés chargées d’hommes et d’explosifs. Si DAESH avance en Syrie et en Irak, c’est parce qu’à Washington c’est justement cela qu’on veut. L’objectif stratégique de Washington est la démolition de la Syrie et la réoccupation de l’Irak.
L’intervention militaire russe en Syrie en 2015, en soutien des forces gouvernementales, renverse le destin du conflit. Les chasseurs-bombardiers russes détruisent l’une après l’autre les forteresses de Daesh, ouvrant la voie aux forces de Damas. Les États-Unis, décontenancés, jouent la carte de la fragmentation de la Syrie, en soutenant les indépendantistes kurdes et d’autres.
Pendant cinq ans on a essayé de démolir l’État syrien, en le minant de l’intérieur avec des groupes terroristes armés et infiltrés de l’extérieur et en provoquant plus de 250 mille morts. Au moment où l’opération est en train d’échouer du fait de l’intervention militaire russe les appareils politico-médiatiques de tout l’Occident renforcent leur colossale psy-op (opération psychologique) faisant apparaître comme agresseurs le gouvernement et tous les Syriens qui résistent à l’agression. Le fer de lance de la psy-op est la diabolisation, commencée en 2011, du président Assad (comme il avait déjà été fait avec Milosevic et Kadhafi), présenté comme un dictateur sadique qui se délecte à bombarder des hôpitaux et à exterminer des enfants, avec l’aide de son ami Poutine (dépeint comme néo-tsar de l’empire russe ressuscité). Au moment où tombent les dernières forteresses de Daesh, ces mêmes appareils politico-médiatiques diffusent le fake new que DAESH a été battu par les États-Unis et par les “Forces démocratiques syriennes” (une milice de kurdes et d’arabes armée et soutenue par le Pentagone).
Israël et Emirs dans l’Otan
Le jour même (4 mai 2016) où s’est installé à l’Otan le nouveau Commandant Suprême Allié en Europe -le général étasunien Curtis Scaparrotti, nommé comme ses 17 prédécesseurs par le Président des États-Unis- le Conseil de l’Atlantique-Nord annonce qu’au quartier général de l’Otan à Bruxelles est instituée une Mission officielle israélienne, dirigée par l’ambassadeur d’Israël auprès de l’Union Européenne.
Israël se trouve ainsi intégré encore plus dans l’Otan, à laquelle il est déjà étroitement liée à travers le « Programme de coopération individuelle », qui avait été ratifié par l’Otan le 2 décembre 2008, trois semaines avant l’opération israélienne « Plomb durci » à Gaza. Il comprend notamment la collaboration entre les services de renseignement et la connexion des forces israéliennes, y compris nucléaires, au système électronique de l’Otan.
Israël - l’unique puissance nucléaire au Moyen-Orient, non adhérent au Traité de non-prolifération, souscrit par contre par l’Iran qui n’a pas d’armes nucléaires - possède (bien que sans l’admettre) un arsenal estimé à 100-400 armes nucléaires, dont des mini-nukes et bombes à neutrons de nouvelle génération ; il produit du plutonium et du tritium en quantité suffisante pour en construire des centaines d’autres. Les têtes nucléaires israéliennes sont prêtes au lancement sur des missiles balistiques et sur des chasseurs-bombardiers fournis par les USA, auxquels s’ajoutent maintenant les F-35.
Les principaux pays européens de l’Otan, qui formellement soutiennent l’accord sur le nucléaire iranien stipulé en 2015 (dont les USA sont sortis en 2018), sont en réalité aux côtés d’Israël. L’Allemagne lui a fourni six sous-marins Dolphin, modifiés pour pouvoir lancer des missiles de croisière à tête nucléaire. Allemagne, France, Italie, Grèce et Pologne ont participé, avec les USA, au plus grand exercice international de guerre aérienne de l’histoire d’Israël, le Blue Flag 2017. L’Italie, liée à Israël par un accord de coopération militaire (Loi n° 94, 2005), y a participé avec des chasseurs Tornado du 6° Stormo de Ghedi (Brescia), affecté au transport des bombes nucléaires étasuniennes.
Selon le plan testé dans l’exercice USA-Israël Juniper Cobra 2018, des forces étasuniennes et de l’Otan arriveraient d’Europe (surtout des bases en Italie) pour soutenir Israël dans une guerre contre l’Iran. Celle-ci pourrait commencer par une attaque israélienne contre les sites nucléaires iraniens, comme celle effectuée en 1981 à Osiraq en Irak. En cas de représailles iraniennes, Israël pourrait employer une arme nucléaire mettant en mouvement une réaction en chaîne aux issues imprévisibles.
À côté de la Mission officielle israélienne auprès de l’Otan se trouvent celles du royaume de Jordanie et des émirats du Qatar et du Koweit, « partenaires très actifs » qui sont intégrés encore plus dans l’Otan pour mérites acquis. La Jordanie héberge des bases secrètes de la CIA dans lesquelles - documentent le New York Times et Der Spiegel - ont été entraînés des militants islamistes d’Al-Qaeda et de Isis (Daesh) pour la guerre secrète en Syrie et en Irak. Le Qatar a participé à la guerre Otan contre la Libye, en infiltrant en 2011 environ 5 000 commandos sur son territoire (comme l’a déclaré au Guardian le chef d’état-major qatari même), et à celle contre la Syrie : c’est ce qu’admet dans une interview au Financial Times l’ex-Premier ministre qatari, Hamad bin Jassim Al Thani, qui parle d’opérations qataris et saoudiennes d’« interférences» en Syrie, coordonnées par les États-Unis.
Le Koweit, à travers l’« Accord sur le transit », permet à l’Otan de créer sa première escale aéroportuaire dans le Golfe, non seulement pour l’envoi de forces et de matériels militaires en Afghanistan, mais aussi pour la « coopération pratique de l’Otan avec le Koweit et d’autres partenaires, comme l’Arabie Saoudite ». Partenaires soutenus par les USA dans la guerre qui massacre des civils au Yémen. Y participe aussi avec une quinzaine de chasseurs-bombardiers le Koweit à qui l’Italie fournit 28 chasseurs Eurofighter Typhoon de nouvelle génération, après avoir fourni à Israël 30 chasseurs M-346 d’entraînement avancé. Les Eurofighter Typhoon, que le Koweït utilise pour perpétrer des massacres au Yémen et ailleurs, peuvent être armés aussi de bombes nucléaires. L’entraînement des équipages est assuré par l’Aéronautique italienne.
La gestion USA/Otan dans le coup d’état en Ukraine
L’opération menée par les USA et l’Otan en Ukraine commence quand en 1991, après le Pacte de Varsovie, l’Union Soviétique qui en faisait partie se désagrège aussi. Les États-Unis et les alliés européens s’emploient immédiatement à tirer le plus grand avantage de la nouvelle situation géopolitique.
L’Ukraine - dont le territoire sert de tampon entre l’Otan et Russie et est traversé par les couloirs énergétiques entre Russie et UE - n’entre pas directement dans l’Otan. Mais elle va faire partie, dans le cadre de l’Otan, du “Partenariat pour la paix” contribuant aux opérations de “maintien de la paix” dans les Balkans.
En 2002 le “Plan d’action Otan-Ukraine” est adopté et le président Kuchma annonce son intention d’adhérer à l’Otan. En 2005, dans le sillage de la “révolution orange” (orchestrée et financée par les USA et par les puissances européennes), le président Yushchenko est invité au Sommet de l’Otan à Bruxelles. Immédiatement après est lancé un “dialogue intensifié sur l’aspiration de l’Ukraine à devenir membre de l’Otan” et en 2008 le Sommet de Bucarest donne le feu vert à son entrée.
Dans cette même année l’armée géorgienne, entraînée et armée par les États-Unis et en même temps par Israël à travers des compagnies militaires “privées”, attaque l’Ossétie du Sud en lutte depuis 1991 (quand l’URSS se désagrège) pour se rendre indépendante de la Géorgie. Dans la nuit du 8 août 2008 la Géorgie, épaulée par l’Otan, lance une offensive militaire pour reconquérir le contrôle de la région disputée. Quelques heures plus tard la Russie intervient militairement, repoussant l’invasion géorgienne, et l’Ossétie du Sud se rend totalement indépendante de la Géorgie. C’est le premier signal de l’offensive que l’Otan, sous commandement USA, est en train de préparer sur le front oriental pour obliger la Russie à réagir.
En Ukraine, en 2009, Kiev signe un accord qui permet le transit par son propre territoire d’approvisionnements pour les forces de l’Otan en Afghanistan. Désormais l’adhésion à l’Otan semble sûre mais, en 2010, le président nouvellement élu Yanoukovitch annonce que, bien que continuant la coopération, l’adhésion à l’Otan n’est pas au programme de son gouvernement. Mais entre-temps, depuis 1991, l’Otan a tissé un réseau de liens à l’intérieur des forces armées ukrainiennes. Des officiers supérieurs participent pendant des années à des cours du Defense College de l’Otan à Rome et à Oberammergau (Allemagne). Dans ce même cadre s’insère l’institution, auprès de l’Académie militaire ukrainienne, d’une nouvelle “faculté multinationale” avec des enseignants Otan. Est aussi notablement développée la coopération technico-scientifique dans le domaine des armements pour faciliter la participation des forces armées ukrainiennes à des “opérations conjointes pour la paix” sous-direction US/Otan.
Comme n’existe pas que ce qui ne se voit pas, il est évident que l’Otan construit un réseau de liaisons dans les milieux militaires et civils beaucoup plus étendu que celui qui apparaît. À travers la CIA et d’autres services secrets sont recrutés, financés, entraînés et armés des militants néonazis. Une documentation photographique montre de jeunes militants néonazis ukrainiens de l’UNO-UNSO entraînés en 2006 en Estonie par des instructeurs de l’Otan, qui leur apprennent des techniques de combat urbain et l’utilisation d’explosifs pour des sabotages et des attentats.
C’est le même mode opératoire que celui utilisé par l’Otan, pendant la guerre froide, pour former la structure paramilitaire secrète “Gladio”. Active aussi en Italie où, à Camp Darby (Pise) et dans d’autres bases, des groupes néo-fascistes sont entraînés en les préparant à des attentats et à un éventuel coup d’état.
La structure paramilitaire des groupes néonazis ukrainiens entre en action en 2014, Place Maïdan à Kiev. Une manifestation antigouvernementale, avec des revendications justes contre la corruption galopante et la dégradation des conditions de vie, va se trouver rapidement transformée en véritable champ de bataille : alors que des groupes armés donnent l’assaut contre les édifices du gouvernement, des tireurs embusqués “inconnus” (qu’on a fait venir pour cela de Géorgie à Kiev) tirent avec les mêmes fusils de précision à la fois contre les manifestants et les policiers.
Le 20 février 2014 le secrétaire général de l’Otan s’adresse, sur un ton de commandement, aux forces armées ukrainiennes, en les avertissant de “rester neutres”, sous peine de “graves conséquences négatives pour nos relations”. Abandonné par les hautes hiérarchies des forces armées et par une grande partie de l’appareil gouvernemental, le président Viktor Yanoukovitch est obligé de s’enfuir.
Andriy Parubiy - co-fondateur du parti national-social, constitué en 1991 sur le modèle du Parti national-socialiste d’Adolf Hitler, et chef des formations paramilitaires néonazies - est mis à la tête du “Conseil de défense et sécurité national”.
Le putsch de Place Maïdan est accompagné d’une campagne persécutrice, dirigée notamment contre le Parti communiste et les syndicats, analogue à celles qui marquèrent l’avènement du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne. Sièges de partis détruits, dirigeants locaux lynchés, journalistes torturés et assassinés ; militants brûlés vifs dans la Maison des Syndicats d’Odessa ; habitants désarmés de l’Ukraine orientale d’origine russe massacrés à Mariupol, bombardés au phosphore blanc à Slaviansk, Lougansk et Donetsk.
C’est un véritable coup d’état sous gestion US/Otan, dans le but stratégique de provoquer en Europe une nouvelle guerre froide pour frapper et isoler la Russie et renforcer en même temps l’influence et la présence militaire des États-Unis en Europe. Devant le coup d’état et l’offensive contre les Russes d’Ukraine, le Conseil suprême de la République autonome de Crimée - territoire russe passé à l’Ukraine en 1954 - vote la sécession vis à vis de Kiev et la demande de ré-annexion à la Fédération de Russie, décision qui est confirmée avec 97% de voix favorables par un référendum populaire. Le 18 mars 2014 le président Poutine signe le traité d’adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie avec le statut de république autonome. La Russie va alors être accusée par l’Otan et par l’UE d’avoir annexé illégalement la Crimée et va être soumise à des sanctions. Elle répond par des contre-sanctions qui frappent surtout les économies de l’UE, italienne comprise.
Pendant que dans le Donbass les auto-proclamées Républiques Populaires de Donetsk et Lougansk soutenues par la Russie résistent à l’offensive de Kiev, qui provoque des milliers de morts chez les civils, la feuille de route pour la coopération technico-militaire Otan-Ukraine, signée en décembre 2015, intègre de fait les forces armées et l’industrie guerrière de Kiev dans celles de l’Alliance sous-direction US.
En 2019 l’Ukraine accomplit un acte sans précédents : elle inclut dans sa Constitution l’engagement à entrer officiellement dans l’Otan et simultanément dans l’Union Européenne. Le 7 février, sur proposition du président Petro Poroshenko -l’oligarque qui s’est enrichi par le saccage des propriétés publiques, et qui est à nouveau candidat à la présidence- le parlement de Kiev approuve (par 334 voix contre 35 et 16 absents) les amendements en ce sens de la Constitution. Le Préambule énonce “le cours irréversible de l’Ukraine vers l’intégration euro-atlantique” ; les Articles 85 et 116 décrètent qu’un devoir fondamental du parlement et du gouvernement est d’”obtenir la pleine appartenance de l’Ukraine à l’Otan et à l’UE” ; l’Article 102 stipule que “le président de l’Ukraine est le garant du cours stratégique de l’État pour obtenir la pleine appartenance à l’Otan et à l’UE”.
L’inclusion dans la Constitution ukrainienne de l’engagement à entrer officiellement dans l’Otan comporte des conséquences très graves.
Sur le plan intérieur, il aliène à ce choix l’avenir de l’Ukraine, en excluant toute alternative, et met de fait hors la loi tout parti ou personne qui s’y oppose.
Sur le plan international, il faut garder à l’esprit que l’Ukraine est déjà de fait dans l’Otan, dont elle est un pays partenaire : par exemple le Bataillon Azov, dont l’empreinte nazie est représentée par l’emblème calqué sur celui des SS Das Reich, a été transformé en régiment d’opérations spéciales, doté de véhicules blindés et entraînés par des instructeurs US de la 173ème Division aéroportée, transférés en Ukraine de Vicenza (Italie), secondés par d’autres appartenant à l’Otan.
Comme la Russie est accusée par l’Otan d’avoir annexé illégalement la Crimée et de mener des actions militaires contre l’Ukraine, si celle-ci entrait officiellement dans l’Otan, les 30 autres membres de l’Alliance, sur la base de l’Article 5, devraient “assister la partie attaquée en entreprenant l’action jugée nécessaire, y compris l’emploi de la force armée”. Autrement dit, ils devraient partir en guerre contre la Russie.
Sur ces dangereuses implications de la modification de la Constitution ukrainienne - derrière laquelle se tiennent certainement les stratèges des US/Otan - le silence politique et médiatique tombe sur l’Europe.
L’escalade USA/Otan en Europe
La “nouvelle mission” de l’Otan va être officialisée par le Sommet de septembre 2014 au Pays de Galles, en lançant le “Readiness Action Plan” dont l’objectif officiel est de “répondre rapidement et fermement aux nouveaux défis contre la sécurité”, attribués à l’”agression militaire de la Russie contre l’Ukraine” et à la “montée de l’extrémisme et des conflits sectaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord”. Le Plan est défini par le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, comme “le plus gros renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide”.
En trois mois seulement l’Otan quadruple ses chasseur-bombardiers à double capacité conventionnelle et nucléaire, déployés dans la région baltique (autrefois partie de l’URSS) ; elle envoie des avions radar AWACS sur l’Europe orientale et augmente le nombre de navires de guerre en Mer Baltique, Mer Noire et Méditerranée ; elle déploie en Pologne, Estonie, Lettonie et Lituanie des forces terrestres étasuniennes, britanniques et allemandes ; elle intensifie les exercices conjoints en Pologne et dans les pays baltes, en les augmentant au cours de l’année à plus de 200.
Depuis 2014 la pression US/Otan sur la Russie augmente en progression géométrique. En quatre années, de 2014 à 2018, les États-Unis dépensent 10 milliards de dollars pour l’“Initiative de réassurance de l’Europe” (ERI), dont le but officiel est d’”accroître notre capacité à défendre l’Europe contre l’agression russe”. Presque la moitié de la dépense sert à faire monter en puissance le “pré positionnement stratégique” des USA en Europe, c’est-à-dire les dépôts d’armements qui, situés en position avancée, permettent “le rapide déploiement de forces dans le théâtre de guerre”. Un autre gros pourcentage est destiné à “augmenter la présence sur la base de rotations de forces étasuniennes dans toute l’Europe”. Les pourcentages restants servent au développement des infrastructures des bases en Europe pour “augmenter la disponibilité des actions US”, à la montée en puissance des exercices militaires et de l’entraînement pour “augmenter la disponibilité et interopérabilité des forces US/Otan”.
Les fonds de l’ERI -spécifie le Commandement Européen des États-Unis- ne sont qu’une partie de ceux destinés à l’”Opération Atlantic Resolve, qui démontre la capacité des USA à répondre aux menaces contre les alliés”. Dans le cadre de cette opération, la 3ème Brigade blindée, composée de 3.500 soldats, 87 chars d’assaut, 18 obusiers autopropulsés et autres véhicules est transférée en Pologne depuis les USA, en janvier 2017. Elle est ensuite remplacée par une autre unité, pour que les forces blindées étasuniennes soient en permanence déployées sur le territoire polonais. De là, leurs détachements sont transférés, pour entraînement et exercices, dans d’autres pays de l’Est, surtout Estonie, Lituanie, Lettonie, Bulgarie, Roumanie et même Ukraine, c’est-à-dire qu’ils sont continuellement déployés au bord de la Russie.
Toujours dans le cadre de cette opération la 10ème Brigade aérienne de combat, avec une centaine d’hélicoptères de guerre, est transférée dans la base de Illesheim (Allemagne). Ses task force sont envoyées “en positions avancées” en Pologne, Roumanie et Lettonie.
Dans les bases d’Ämari (Estonie) et Graf Ignatievo (Bulgarie), des chasseur-bombardiers US et de l’Otan sont déployés, Eurofighter italiens compris, pour la “surveillance aérienne” de la Baltique. L’opération prévoit en outre “une présence persistante en Mer Noire”, avec la base aérienne de Kogalniceanu (Roumanie) et celle d’entraînement de Novo Selo (Bulgarie).
Le général Curtis Scaparrotti, chef du Commandement Européen des États-Unis et en même temps Commandant Suprême Allié en Europe, assure que “nos forces sont prêtes et positionnées pour faire obstacle à l’agression russe”. Un contingent US se trouve positionné en Pologne orientale, dans le “Suwalki Gap”, bande de terrain plat longue d’une centaine de kilomètres qui, d’après l’Otan, “serait un passage parfait pour les chars russes”. Ainsi se trouve exhumé l’attirail propagandiste de la vieille guerre froide : celui des chars russes prêts à envahir l’Europe. Alors qu’est agité le spectre d’une menace insistante de l’Est, ce sont au contraire les chars étasuniens qui arrivent en Europe.
Le plan est clair. Après avoir provoqué avec le putsch de Place Maïdan une nouvelle confrontation avec la Russie, Washington (malgré le changement d’administration du président Obama au président Trump) poursuit la même stratégie : transformer l’Europe en première ligne d’une nouvelle guerre froide à l’avantage des intérêts des États-Unis et de leurs rapports de force avec les plus grandes puissances européennes.
Les puissances européennes de l’Otan participent au déploiement sur le flanc oriental - comprenant forces blindées, chasseurs-bombardiers, navires de guerre et unités de missiles y compris nucléaires - comme le montre l’envoi de troupes françaises et de blindés britanniques en Estonie. On parle, en cette période, d’”armée européenne”, mais dans la rencontre avec les ministres de la défense de l’UE, en avril 2017 à Malte, le secrétaire général de l’Otan, Stoltenberg, clarifie ce concept en ces termes : “Il a été clairement convenu de la part de l’Union Européenne que son but n’est pas de constituer une nouvelle armée européenne ou des structures de commandement en compétition avec celles de l’Otan, mais quelque chose qui soit complémentaire à ce que fait l’Otan”.
L’Italie avant-garde sur le front de guerre
Les Forces armées étasuniennes possèdent en Italie (selon le rapport officiel du Pentagone : Base Structure Report) plus de 1.500 édifices, avec une superficie totale de plus d’1 million de mètres carrés, et ont en location ou concession 800 autres édifices pour une superficie d’environ 900 mille m2. Il s’agit, en tout, d’environ 2 millions de mètres carrés, distribués sur une cinquantaine de sites. Mais ce n’est là qu’une partie de la présence militaire étasunienne en Italie.
Aux bases militaires US s’ajoutent celles de l’Otan sous commandement US et les bases italiennes à disposition des forces US/Otan. On estime qu’au total elles sont plus de cent. Le réseau complet de bases militaires en Italie est, directement ou indirectement, sous les ordres du Pentagone. Il entre dans l’”aire de responsabilité” de l’United States European Command (EUCOM), le Commandement Européen des États-Unis, avec à sa tête un général étasunien qui recouvre en même temps la charge de Commandant Suprême Allié en Europe. L’”aire de responsabilité” de l’EUCOM, un des six “commandements combattants unifiés” avec lesquels les USA couvrent tout le globe, comprend la totalité de la région européenne et toute la Russie (y compris sa partie asiatique), plus certains pays de l’Asie Occidentale et Centrale : Turquie, Israël, Géorgie, Arménie et Azerbaijan.
Dans la base aérienne d’Aviano (Pordenone, Italie) est déployée la 31st Fighter Wing, l’escadrille étasunienne prête à l’attaque avec environ 50 bombes nucléaires B61 (nombre estimé par la FAS, la Fédération des Scientifiques Américains, pour la période antécédente à 2020).
Dans la base aérienne de Ghedi (Brescia, italie) est déployé le 6° Stormo de l’Aéronautique italienne, prêt à l’attaque sous commandement US avec environ 20 bombes nucléaires B61 (estimation de la FAS pour la période antécédente à 2020). Que des pilotes italiens soient entraînés à l’attaque nucléaire - écrit la FAS - est démontré par la présence à Ghedi d’une des quatre unités de l’U.S. Air Force déployées dans les bases européennes (outre l’Italie, en Allemagne, Pays-Bas et Belgique) “où les armes nucléaires US sont destinées au lancement par des avions du pays hôte”. Les pilotes des quatre pays européens plus les Turcs sont entraînés à l’utilisation des bombes nucléaires dans l’exercice annuel US/Otan de guerre nucléaire. En 2013 il s’est déroulé à Aviano, en 2014 à Ghedi.
Aux armes nucléaires US stockées sur le territoire italien, dont le nombre effectif est secret, s’ajoutent celles qui sont à bord d’unités de la Sixième Flotte dont la base principale est à Gaeta dans le Latium. La Sixième Flotte dépend du Commandement des Forces Navales US en Europe, dont le quartier général est à Naples-Capodichino.
À Vicenza est basée la 173ème Brigade Aéroportée de l’Armée US, qui fournit des forces d’intervention rapide au Commandement Européen, au Commandement Afrique et au Commandement Central (dont l’”aire de responsabilité” comprend Moyen-Orient et Asie Centrale, plus l’Égypte). Des forces de la 173ème Brigade, qui ont été employées en Irak en 2003, sont envoyées par rotation en Afghanistan, en Ukraine et autres pays de l’Europe Orientale.
Dans l’aire Pise/Livourne se trouve Camp Darby, le plus grand arsenal US du monde en-dehors de la mère-patrie. C’est la base logistique de l’Armée US qui approvisionne les forces terrestres et aériennes étasuniennes et alliées en Europe, Moyen-Orient et Afrique. Dans ses 125 bunkers sont stockés des projectiles d’artillerie, des bombes aéroportées et missiles dans un nombre qui peut être estimé à plus de 1,5 millions. On ne peut pas exclure que, parmi les armes aériennes stockées à Camp Darby, il y ait eu et puisse y avoir des bombes nucléaires. Avec les munitions pour l’artillerie des chars d’assaut et autres véhicules militaires sont stockés dans la base pour un nombre estimé à plus de 2.500, à côté de plus de 11.000 matériels militaires de divers types. Et dans cette base se trouve l’équipement complet de deux bataillons blindés et deux d’infanterie mécanisée, qui peut être rapidement envoyé en zone d’opérations à travers l’aéroport de Pise (Hub aérien militaire national) et le port de Livourne (où peuvent accoster aussi des unités à propulsion nucléaire). Ici font escale mensuellement d’énormes navires de compagnies privées qui transportent des armes pour le compte du Pentagone, en reliant les ports étasuniens à ceux de la Méditerranée, du Moyen-Orient et de l’Asie.
Dans une aire de Camp Darby d’abord destinée à des activités de détente pour les soldats, formellement restituée à l’Italie, a été transféré en 2019 le Commandement des forces spéciales de l’armée italienne (COMFOSE) de la Caserne Gamerra de Pise, qui réunit sous un commandement unifié quatre régiments. Cela permet d’intégrer complètement les forces spéciales italiennes avec les forces étasuniennes, en les utilisant dans des opérations secrètes sous commandement US. Le tout sous la chape du secret militaire.
Difficile alors de ne pas penser à l’histoire des opérations secrètes de Camp Darby : où il est ressorti des enquêtes des juges Casson et Mastelloni que Camp Darby a joué depuis les années Soixante la fonction de base du réseau putschiste constitué par la CIA et par le Sifar dans le cadre du plan secret Gladio (réseau secret créé à la sortie de la deuxième guerre mondiale pour lutter contre une invasion soviétique et réactivé dans les « années de plomb »!).
Les bases US/Otan - écrivait Ferdinando Imposimato, président honoraire de la Cour Suprême de Cassation - ont fourni les explosifs pour les massacres de Piazza Fontana, Capaci et Via d’Amelio. Dans ces bases “se réunissaient des terroristes d’extrême-droite, des officiers de l’Otan, des mafieux, des politiques italiens et des franc-maçons, à la veille des attentats”.
Camp Darby a aussi à voir avec la tragédie de la navette maritime Moby Prince, entrée en collision dans la rade du port de Livourne avec le pétrolier Agip Abruzzo le soir du 10 avril 1991. 140 personnes meurent dans le navire en flammes, après avoir attendu les secours en vain pendant des heures. Ce soir-là dans la rade de Livourne il y avait un trafic intense de navires militaires et militarisés des États-Unis, engagées dans le transbordement d’armes US, dont une partie est secrètement envoyée en Somalie, Croatie et autres zones, sans exclure des dépôts de Gladio en Italie. Quand survient la collision, ceux qui dirigent l’opération -certainement le commandement US de Camp Darby - essaient immédiatement d’effacer toute preuve.
À Lago Patria (Naples) se trouve le siège du Commandement de la Force Conjointe Alliée (JFC Naples). Son nouveau quartier général, inauguré en 2012, a une superficie couverte de 85 mille mètres2, entourée d’une vaste aire clôturée disponible pour de futures expansions. Le personnel, en augmentation, est composé de plus de 2.500 militaires et civils. Le JFC Naples de l’US/Otan est sous les ordres d’un amiral étasunien, qui commande en même temps les Forces Navales US en Europe (dont dépend la Sixième Flotte dotée d’armes nucléaires) et les Forces Navales US pour l’Afrique.Tous les deux ans le JFC Naples assume le commandement opérationnel de la “Force de riposte de l’Otan” (NRF), une force conjointe “hautement flexible et compétente” composée de 40 mille militaires, qui a la mission de conduire des opérations militaires dans l’”aire de responsabilité du Commandant Suprême Allié en Europe et au-delà de cette aire”. Le fer de lance de la NRF est sa “Task Force Conjointe de Très Haute Rapidité Opérationnelle” qui, composée de 5 mille hommes, peut être projetée en 2-3 jours dans l’aire d’intervention “avant que la crise ne commence”.
Au quartier général de Lago Patria le “Hub de Direction Stratégique de l’Otan pour le Sud” (NSD-S Hub), est en fonction, depuis septembre 2017, un centre d’intelligence, c’est-à-dire d’espionnage, “concentré sur les régions méridionales comprenant Moyen-Orient, Afrique du Nord et Sahel, Afrique Subsaharienne et aires adjacentes”.
En Sicile, la Naval Air Station (NAS) Sigonella, avec un personnel d’environ 7.000 militaires et civils, constitue la plus grande base navale et aérienne des USA et de l’Otan pour la région méditerranéenne. En plus de fournir un appui logistique à la Sixième Flotte, elle constitue la base de lancement d’opérations militaires (en grande partie secrètes) principalement, mais pas uniquement, au Moyen-Orient et en Afrique. La NAS - lit-on dans la présentation officielle - “héberge des avions US et de l’Otan en tous genres”. Parmi ceux-ci, des drones-espions Global Hawk, qui, de Sigonella, effectuent des missions de reconnaissance sur Moyen-Orient, Afrique, Ukraine orientale, Mer Noire et d’autres zones. Pour des attaques ciblées (presque toujours secrètes) des drones Predator décollent de Sigonella armés de missiles et bombes à guidage laser et satellite.
La Naval Air Station Sigonella est intégrée sur la base italienne d’Augusta, qui fournit combustible et munitions aux unités navales US et de l’Otan, et par le port de Catane, capable d’accueillir jusqu’à neuf navires de guerre. Pour les exercices à feu, les forces spéciales étasuniennes disposent du polygone de Pachino (Syracuse), concédé en usage exclusif aux États-Unis.
L’autre plus grande installation étasunienne en Sicile est la station MUOS de Niscemi (Caltanisetta). Le MUOS (Mobile User Objective System) est un système de communications satellites militaires à très haute fréquence, composé de quatre satellites et quatre stations terrestres : deux en territoire étasunien, en Virginie et à Hawaï, une en Australie et une en Sicile, chacune dotée de trois grandes antennes paraboliques de 18 mètres de diamètre. Ce système permet au Pentagone de relier à un seul réseau de commandement les communications des sous-marins et navires de guerre, chasseurs-bombardiers et drones, véhicules militaires et détachements terrestres, pendant qu’ils sont en mouvement dans n’importe quelle partie du monde.
En Sardaigne se trouvent les plus grands polygones pour l’entraînement des forces militaires italiennes et de l’Otan : en particulier ceux de Salto di Quirra, Capo Teulada, Capo Frasca et Capo San Lorenzo. On utilise là, dans des exercices à feu, environ 80% des bombes, des têtes missiles et des projectiles employés dans les manœuvres militaires qui se déroulent en Italie, avec des conséquences dramatiques pour la santé des populations.
C’est un des nombreux cas où l’appareil militaire contribue lourdement à un des plus grands problèmes de notre époque, la crise environnementale, une des principales menaces contre la sécurité des peuples et contre nos vies. Bien qu’il y ait d’innombrables conférences sur l’environnement, aucune attention n’est portée à l’impact des guerres et des essais militaires et sur leurs implications pour l’environnement et pour les humains. Il suffit de penser aux 2.024 explosions nucléaires expérimentales nucléaires effectuées entre 1945 et 1991, dont 528 dans l’atmosphère et 1.496 souterraines, pour une puissance équivalente à plus de 30.000 bombes d’Hiroshima. La dévastation de vastes aires de territoire démontre de façon dramatique l’impact que les bases militaires, surtout les polygones de tir, exercent que l’environnement et la santé des populations.
USA et Otan rejettent le Traité ONU et déploient en Europe de nouvelles armes nucléaires
Le 20 septembre -le jour-même où aux Nations Unies est ouvert la signature le Traité sur la prohibition des armes nucléaires - l’Otan le rejette bruyamment. Le Traité, voté à l’Assemblée Générale par une majorité de 122 États, engage les États signataires à ne pas produire ni posséder des armes nucléaires, à ne pas les utiliser ni menacer de les utiliser, à ne pas les transférer ni à les recevoir directement ou indirectement, avec l’objectif de leur totale élimination.
Le Conseil Atlantique-nord (formé par les représentants des 29 États membres) soutient que “le Traité ne sera pas effectif, n’augmentera pas la sécurité ni la paix internationale, mais risque de faire l’opposé en créant des divisions et des divergences”. Il clarifie ensuite sans demi-mots : “nous n’accepterons aucun argument contenu dans le Traité”.
Le Conseil Atlantique-nord dépossède ainsi de leur autorité les parlements nationaux des pays membres, en les privant de la souveraineté de décider de façon autonome d’adhérer ou pas au Traité de l’Onu sur l’abolition des armes nucléaires. Il annonce en outre que “nous appellerons nos partenaires et tous les pays ayant l’intention d’appuyer le traité à réfléchir sérieusement sur ses implications” (lire : nous les ferons chanter pour qu’ils ne le signent ni le ratifient). Le Conseil Atlantique-nord rappelle que le “but fondamental de la capacité nucléaire de l’Otan est de préserver la paix et décourager l’agression” et que “tant qu’existeront des armes nucléaires, l’Otan restera une alliance nucléaire”.
Le Conseil Atlantique-nord assure cependant le “fort engagement de l’Otan pour la pleine application du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP)”. En réalité c’est justement par l’Otan que celui-ci est violé. Les États-Unis - violant l’Article 1 qui interdit aux États militairement nucléaires de transférer à d’autres des armes nucléaires - ont déployé des bombes nucléaires B61 dans cinq pays membres de l’Alliance : Italie, Allemagne, Belgique, Hollande et Turquie. Ceux-ci violent le TNP, qui à l’Article 2 interdit aux États militairement non nucléaires de recevoir des armes nucléaires, ou d’avoir le contrôle sur de telles armes directement ou indirectement.
Une nouvelle bombe nucléaire étasunienne, la B61-12, remplacera à partir de 2020 la B61 aujourd’hui déployée en Italie et dans d’autres pays européens. La B61-12 a une tête nucléaire à quatre options de puissance sélectionnantes : au moment du lancement, on choisit la puissance de l’explosion nucléaire en fonction de l’objectif à frapper. À la différence de la B61 larguée à la verticale sur l’objectif, la B61-12 est lancée à distance et guidée par un système satellite. Elle a en outre la capacité de pénétrer dans le sous-sol, même à travers du béton armé, en explosant en profondeur pour détruire les bunkers des centres de commandement et autres structures souterraines, afin de “décapiter” le pays ennemi dans une première frappe nucléaire.
Le programme du Pentagone prévoit la construction d’environ 500 B61-12, avec un coût estimé à environ 10 milliards de dollars (c’est-à-dire que chaque bombe revient au double de ce qu’elle coûterait si elle était construite entièrement en or). La dangerosité de cette nouvelle arme est mise évidence même par le général James Cartwright, ancien chef du Commandement Stratégique des États-Unis, responsable des armes nucléaires : “Des armes nucléaires de plus petite puissance et plus précises augmentent la tentation de s’en servir, y compris de s’en servir les premiers plutôt qu’en représailles”.
Des photos satellites montrent que des travaux de restructuration ont été effectués pour augmenter la “sécurité” des bases d’Aviano et Ghedi Torre en vue de l’installation des B61-12. Des travaux analogues ont été effectués dans la base aérienne allemande de Buchel, dans deux autres bases en Belgique et Pays-Bas, et dans celle d’Incirlik en Turquie. La B61-12 peut être larguée par des chasseurs F-16 et Tornado mais, pour exploiter entièrement les capacités de la bombe il faut des avions étasuniens dotés de systèmes digitaux spéciaux : les chasseurs F-35A, que reçoit aussi l’Aéronautique italienne.
Le fait qu’à l’exercice de guerre nucléaire de l’Otan qui s’est déroulé en 2014 à Ghedi, prennent aussi part, pour la première fois, des pilotes polonais indique que les B61-12 seront aussi déployées en Pologne et dans d’autres pays de l’Est. Des chasseurs de l’Otan à double capacité conventionnelle et nucléaire sont déjà déployés dans les républiques baltes, au bord de la Russie.
En même temps les USA et l’Otan étendent sur l’Europe le “bouclier anti-missile”. En mai 2016, dans la base aérienne de Deveselu en Roumanie la Aegis Ashore, est inaugurée, première installation terrestre du système de missile Aegis Ashore des États-Unis sur le territoire européen. Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg remercie les États-Unis parce qu’avec une telle installation, « la première de son genre avec une base à terre », ils accroissent notablement la capacité de « défendre les alliés européens contre des missiles balistiques venant de l’extérieur de l’aire Euro-Atlantique ». Il annonce ensuite le début des travaux pour réaliser en Pologne, d’ici 2018, une autre « Aegis Ashore », analogue à celle qui est entrée en fonction en Roumanie. Les deux installations terrestres s’ajoutent à quatre navires de guerre dotés de radars Aegis et de missiles SM-3 lesquels, déployés par la U.S. Navy dans la base espagnole de Rota, croisent en Méditerranée, Mer Noire et Mer Baltique. La U.S. Navy a déjà environ 30 navires de ce type.
Les navires comme les installations terrestres Aegis sont dotés de lanceurs verticaux Mk41 de Lockheed Martin, c’est-à-dire des tubes verticaux d’où sont lancés les missiles intercepteurs. C’est ce qui est appelé « bouclier », dont la fonction est en réalité offensive.
Si les USA réussissaient à réaliser un système fiable capable d’intercepter les missiles balistiques, ils pourraient tenir la Russie sous la menace d’une première frappe nucléaire, en se fiant à la capacité du « bouclier » de neutraliser les effets de représailles. Les lanceurs verticaux du “bouclier”, en plus des missiles intercepteurs, peuvent lancer aussi d’autres missiles. La firme Lockheed Martin même souligne que ce système est en mesure de lancer “des missiles pour toutes les missions”, y compris” ceux pour l’attaque à longue portée”, comme “les missiles de croisière Tomahawk ». Ceux-ci peuvent être armés de tête conventionnelle (non-nucléaire) ou de tête nucléaire.
On ne peut donc pas savoir quels missiles il y a réellement dans les lanceurs verticaux des bases en Roumanie et en Pologne et dans ceux qui sont à bord des navires qui croisent à la limite des eaux territoriales russes. Ne pouvant pas contrôler, Moscou considère qu’il y a aussi des missiles d’attaque nucléaire. Le déploiement de lanceurs verticaux Mk 41 au bord du territoire russe viole ainsi le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), stipulé par les USA et l’URSS en 1987.
USA et Otan enterrent le Traité FNI avec la Russie
Les États-Unis annoncent en février 2019 la “suspension” du Traité FNI (pour le démantèlement des missiles à charge nucléaire) avec la Russie et leur intention d’en sortir définitivement dans un délai de six mois. Ils se considèrent donc libres de tester et de déployer des armes de la catégorie interdite par le Traité : missiles nucléaires à portée courte et intermédiaire (entre 500 et 5500 Km), avec base à terre. C’est à cette catégorie qu’appartenaient les Pershing 2 et les Cruise déployés par les USA dans les années Quatre-Vingt dans des pays européens de l’Otan et les SS-20 installés par l’Union Soviétique sur son propre territoire, éliminés par le Traité sur les forces intermédiaires (FNI) signé en 1987 par les présidents Gorbachev et Reagan.
Le Traité FNI est mis en question par Washington quand les États-Unis voient diminuer leur avantage stratégique sur la Russie et la Chine. En 2014, l’administration Obama accuse la Russie, sans apporter la moindre preuve, d’avoir expérimenté un missile de croisière appartenant à la catégorie interdite par le Traité et, en 2015, elle annonce que “devant la violation du Traité FNI par la Russie, les États-Unis sont en train de considérer le déploiement en Europe de missiles avec base à terre”. Le plan est confirmé par l’administration Trump : en 2018 le Congrès autorise le financement d’”un programme de recherche et de développement d’un missile de croisière lancé du sol par plate-forme mobile sur route”. De son côté Moscou nie que son missile de croisière viole le Traité et, à son tour, accuse Washington d’avoir installé en Pologne et Roumanie des rampes de lancement de missiles intercepteurs (ceux du “bouclier”), qui peuvent être utilisées pour lancer des missiles de croisière à tête nucléaire.
Il faut dans ce cadre rappeler le facteur géographique : tandis qu’un missile nucléaire étasunien à portée intermédiaire, basé en Europe, peut atteindre Moscou, un missile analogue basé par la Russie sur son propre territoire peut atteindre les capitales européennes, mais pas Washington. Si l’on renverse le scénario, c’est comme si la Russie installait au Mexique ses missiles nucléaires à portée intermédiaire.
Le plan USA d’enterrer le Traité FNI est pleinement soutenu par les alliés européens de l’Otan. Le Conseil de Atlantique-Nord déclare, en décembre 2018, que “ le Traité FNI est en danger à cause des actions de la Russie”, accusée de déployer “un système de missiles déstabilisant”. C’est le Conseil de l’Atlantique-Nord même qui déclare en février 2019 son “plein appui à l’action des États-Unis de suspendre ses obligations concernant le Traité FNI” et intime à la Russie d’“utiliser les six mois restants pour revenir à la pleine observance du Traité”.
L’enterrement du Traité FNI a reçu aussi la contribution de l’Union Européenne qui, à l’Assemblée Générale des Nations Unies, en décembre 2018, vote contre la résolution présentée par la Russie sur la “Préservation et la mise en œuvre du Traité FNI”, rejetée avec 46 votes contre 43 et 78 abstentions. L’Union européenne -dont 21 des 27 membres font partie de l’Otan (comme en fait partie la Grande-Bretagne sortant de l’UE) - s’est ainsi uniformisée totalement avec la position de l’Otan, qui à son tour s’est uniformisée avec celle des États-Unis. En substance, donc, l’Union européenne aussi a donné son feu vert à une possible installation de nouveaux missiles nucléaires US en Europe, Italie comprise.
Une fois de plus l’avertissement lancé par le Président Vladimir Poutine en février 2019 est ignoré : “La Russie sera contrainte à créer et déployer des systèmes d’arme qui peuvent être utilisés non seulement contre les territoires d’où provient cette menace directe, mais aussi contre ces territoires où sont situés certains centres décisionnels desquels peut provenir l’ordre d’utiliser ces armes contre nous”. Autrement dit, si les États-Unis déploient en Europe des missiles nucléaires à portée intermédiaire pointés sur la Russie, la Russie déploiera sur son propre territoire des missiles nucléaires pointés sur les territoires européens où sont déployés les missiles USA et, en même temps, contre les territoires étasuniens où se trouvent les centres de commandement et de contrôle de ces missiles.
L’empire Américain joue la carte de la guerre
Un arc très large de tensions et conflits croissants s’étend de l’Asie Orientale à l’Asie Centrale, du Moyen-Orient à l’Europe et de l’Afrique à l’Amérique Latine. Les “points chauds” le long de cet arc intercontinental - Péninsule Coréenne, Mer de Chine Méridionale, Afghanistan, Syrie, Irak, Iran, Ukraine, Libye, Venezuela et autres - ont des histoires et caractéristiques géopolitiques différentes, avec des facteurs socio-économiques intérieurs spécifiques, mais sont en même temps reliés à un facteur unique : la stratégie avec laquelle les États-Unis d’Amérique essaient de garder leur position de superpuissance dominante.
Les États-Unis sont encore la première puissance économique du monde, surtout grâce aux capitaux et aux mécanismes avec lesquels ils dominent le marché financier global, aux multinationales avec lesquelles ils exploitent ressources humaines et matériaux de tous les continents, aux hautes technologies et brevets correspondants en leur possession, au rôle envahissant de leurs groupes multimédias qui influencent les opinions et les goûts de milliards d’utilisateurs à l’échelle planétaire.
Mais leur suprématie est mise en danger par l’émergence de nouveaux sujets étatiques et sociaux. Ce qui est mis en question par la Russie, la Chine et autres pays n’est pas seulement le pouvoir exorbitant du pétrodollar (monnaie de réserve provenant de la vente de pétrole), mais l’hégémonie même du dollar. Sa valeur est déterminée non pas par la réelle capacité économique étasunienne, mais par le fait qu’il constitue quasiment les deux tiers des réserves monétaires mondiales et la monnaie par laquelle on établit sur les marchés mondiaux le prix du pétrole, de l’or, des autres matières premières et des marchandises en général.
Ceci permet à la Federal Reserve, la Banque Centrale (qui est une banque privée), d’imprimer des milliers de milliards de dollars avec lesquels est financée la colossale dette publique USA - environ 23 mille milliards de dollars - par l’intermédiaire d’achat d’obligations et autres titres émis par le Trésor. Dans ce cadre, la décision du Venezuela en 2017 de découpler le prix du pétrole du dollar et de le lier à celui du yuan chinois provoque une secousse qui fait trembler tout l’édifice impérial fondé sur le dollar. Si l’exemple du Venezuela se répandait, si le dollar cessait d’être la monnaie dominante du commerce et des réserves monétaires internationales, une immense quantité de dollars serait injectée sur le marché en faisant s’écrouler la valeur de la monnaie étasunienne.
Washington observe avec une préoccupation croissante surtout le partenariat russo-chinois : les échanges entre les deux pays sont en forte augmentation, accords de coopération russo-chinois dans les domaines énergétique, agricole, aéronautique, spatial et dans celui des infrastructures. La fourniture de gaz russe à la Chine à travers le nouveau gazoduc Sila Sibiri, à partir de 2019, ouvre à l’export énergétique russe la route vers l’Est pendant que les USA essaient de lui bloquer la voie à l’Ouest vers l’Europe.
Au Moyen-Orient, en plus de son intervention militaire qui bloque le plan US/Otan de démolir l’État syrien, la Russie utilise des instruments économiques, en établissant en 2017 des accords avec l’Iran pour la réalisation d’infrastructures ferroviaires et énergétiques, parmi lesquelles un gazoduc entre l’Iran et l’Inde fortement controversé par les USA. Washington répond par une manœuvre précédemment mise au point avec Israël : le président Trump attaque violemment l’Iran, en l’accusant de violer “l’esprit” de l’accord sur le nucléaire stipulé par Téhéran en 2015 avec le Groupe 5+1 (USA, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Chine et Russie). Bien que l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique même garantisse que l’Iran respecte l’accord et n’est pas en train de tenter de fabriquer des armes nucléaires, la question est artificiellement réouverte en lançant un processus périlleux à l’issue imprévisible. L’attaque de Washington est dirigée non seulement contre l’Iran mais contre la Russie qui est en train de réaffirmer sa présence au Moyen-Orient.
“Moscou - écrit le New York Times en octobre 2017 - tente, à travers la gigantesque compagnie pétrolière d’État Rosneft, de gagner en influence dans des lieux où les États-Unis ont trébuché. Le plus gros pari est le Venezuela. En trois années la Russie et Rosneft ont fourni à Caracas une assistance financière pour 10 milliards de dollars, aidant le Venezuela à éviter le défaut. La Russie utilise de plus en plus le pétrole comme instrument et défie les intérêts des États-Unis”.
Un défi croissant aux intérêts des États-Unis vient en même temps de la Chine. Premier exportateur mondial de marchandises, elle est montée, en revenu national brut, au deuxième rang mondial après les États-Unis et enregistre des taux de croissance économique supérieurs aux étasuniens. Le projet le plus ambitieux, lancé par la Chine en 2013 et partagé par la Russie, est celui d’une nouvelle Route de la Soie : un réseau routier et ferroviaire qui relie la Chine à l’Europe à travers l’Asie Centrale et Occidentale et à travers la Russie, à peu près le long du parcours de l’antique Route de la Soie. Le projet, déjà en phase de réalisation, prévoit, conjointement à la voie terrestre, une voie maritime à travers l’Océan Indien, la Mer Rouge et la Méditerranée. Pour les infrastructures routières et ferroviaires, qui devraient traverser et relier plus de 60 pays, sont prévus des investissements pour plus de 1.000 milliards de dollars. Le projet, qui n’inclut pas de composantes militaires, n’est pas simplement économique. S’il était réalisé selon l’idée originelle, il remodèlerait l’architecture géopolitique de toute l’Eurasie, créant sur la base de convenances réciproques un nouveau réseau de rapports économiques et politiques entre les États du continent.
L’élan pour remodeler l’ordre économique mondial ne vient pas que de grands sujets étatiques, comme la Chine et la Russie, qui veulent un monde non plus unipolaire mais multipolaire. Il vient aussi, en de multiples formes et degrés de conscience, d’immenses sujets sociaux, des milliards d’êtres humains qui, sur chaque continent, subissent les conséquences de l’actuel ordre économique mondial. C’est-à-dire une mondialisation économique axée sur la recherche du profit maximal laquelle, tandis qu’elle abat d’un côté les frontières pour que capitaux et productions puissent circuler librement, de l’autre érige d’autres frontières, invisibles mais non moins concrètes, qui excluent la majorité de la population mondiale des bénéfices de cette croissance économique construite avec les ressources humaines et matérielles du monde entier. Ce système crée dans le monde une polarisation croissante entre richesse et pauvreté. Plus de 85% de la richesse mondiale (en termes d’argent et de propriété) sont concentrés dans les mains de 8% de la population adulte mondiale. Les 92% restants possèdent à peine 14% de la richesse mondiale. Plus de 3 milliards et demi de personnes, qui représentent presque les trois quarts de la population adulte mondiale possèdent moins de 2,5% de la richesse mondiale.
Plus de 2 milliards de personnes en Afrique, Asie et Amérique Latine, surtout dans les zones rurales, vivent dans la pauvreté ou en tous cas dans des conditions de graves restrictions économiques. Parmi elles, environ un milliard vit dans une pauvreté extrême, c’est-à-dire dans une condition sociale caractérisée par une dénutrition chronique, une situation d’habitation et d’hygiène désastreuse, une incidence élevée de maladies infectieuses et parasitaires, une mortalité élevée surtout infantile, une brève durée moyenne de vie, un analphabétisme, un manque de pouvoir décisionnel, une dépendance, marginalisation, vulnérabilité et constante insécurité. Des villages de l’Afrique subsaharienne aux bidonvilles asiatiques et latino-américains, les pauvres vivent le même drame, provoqué par les mêmes causes de fond.
C’est là l’ordre économique global que les États-Unis essaient par tous les moyens de conserver et contrôler. Le but stratégique poursuivi par Washington est clair : se débarrasser de tout État ou mouvement politique/social qui puisse nuire aux intérêts fondamentaux politiques, économiques et militaires des États-Unis d’Amérique, et mettant en danger leur suprématie. Dans cette stratégie ils sont accompagnés par les puissances européennes de l’Otan et par d’autres, comme Israël et le Japon, lesquels, bien qu’ayant des conflits d’intérêts avec les USA, se rangent en ordre compact derrière le leadership étasunien quand il s’agit de défendre l’ordre économique et politique dominé par l’Occident. N’ayant pas la force économique de le faire, les États-Unis et leurs alliés jouent de plus en plus la carte de la guerre.
En plus des guerres proprement dites, Washington mène de façon croissante des “guerres non-conventionnelles” à travers des “opérations couvertes”, c’est-à-dire secrètes. C’est la Communauté d’intelligence qui s’en occupe, formée de 17 organisations fédérales. En plus de la CIA (Agence Centrale d’Intelligence) il y a la DIA (Agence d’Intelligence de la Défense), mais chaque secteur des Forces armées – armée de terre, aéronautique, marine, corps des marines - a son propre service secret. Comme l’ont le Département d’état et celui de la Sécurité de la patrie. Parmi ces services, en âpre compétition entre eux pour s’accaparer des appuis politiques et des fonds fédéraux, la NSA, l’Agence pour la sécurité nationale, joue un rôle capital spécialisée dans les interceptions téléphoniques et informatiques, à travers lesquelles sont espionnés non seulement les ennemis mais aussi les amis des États-Unis, comme le confirme le “datagate” suscité par les révélations de l’ex-contractuel Edward Snowden.
Les actions sur le terrain sont effectuées par l’USSOCOM, le Commandement des forces spéciales, qui dispose de dizaines de milliers de commandos des quatre secteurs des forces armées. D’après une enquête du Washington Post, les forces pour les opérations spéciales sont déployées dans 75 pays. L’USSOCOM emploie aussi des compagnies militaires privées. Dans l’aire du Commandement Central US, comprenant aussi Irak et Afghanistan, les contractor (mercenaires) du Pentagone sont plus de 150 mille. S’y ajoutent ceux embauchés par d’autres départements et par les armées alliées, dont le nombre est inconnu, mais certainement élevé. Tous appartiennent à l’armée de l’ombre privée, qui jouxte l’armée officielle.
À ceci s’ajoute l’”armée humanitaire” formée par toutes ces “organisations non-gouvernementales” qui, dotées de moyens énormes, sont utilisées par la CIA et le Département d’État pour des actions de déstabilisation interne au nom de la “défense des droits des citoyens”. Dans ce même cadre entre l’action du groupe de Bilderberg - que le magistrat Ferdinando Imposimato dénonce comme “un des responsables de la stratégie de la tension et des massacres” en Italie- et celle du groupe de l’Open Society de l’”investisseur et philanthrope George Soros”, artisan des “révolutions colorées”.
Les États-Unis -qui depuis 1945 ont provoqué par leurs guerres et leurs coups d’état, 20 à 30 millions de morts (plus des centaines de millions causés par les effets indirects de ces actions), sont prêts à tout pour conserver la supériorité militaire sur laquelle est fondé leur empire, qui est en train de s’effriter avec l’émergence d’un monde multipolaire. Dans le cadre de cette stratégie, les décisions politiques sont prises avant tout dans l’”État profond”, centre souterrain du pouvoir réel détenu par les oligarchies économiques, financières et politiques.
Le système planétaire USA/Otan
Dans la “géographie” du Pentagone, le monde se trouve divisé en “aires de responsabilité”, chacune confiée à un des six Commandements Combattants Unifiés des États-Unis : le Commandement Nord couvre l’Amérique du Nord ; le Commandement Sud, l’Amérique centrale et du sud ; le commandement Européen, la région comprenant l’Europe et toute la Russie ; le commandement Afrique, pour le continent africain (sauf l’Égypte qui entre dans l’aire du Commandement Central) ; le Commandement Central, pour le Moyen-Orient et l’Asie Centrale ; le Commandement Pacifique, pour la région Asie/Pacifique.
Chacun des Commandements Combattants Unifiés est composé des commandements des différents composantes des Forces armées US de cette aire. Par exemple, le Commandement Européen des États-Unis est formé de : Armée US en Europe, des Forces Aériennes US en Europe, des Forces Navales US en Europe, des Forces Marines US en Europe, et du Commandement des Opérations Spéciales US en Europe. Le commandement de chaque force est articulé, à son tour, à une série de sous-commandements et unités. Par exemple, l’Armée US en Europe en a 22.
Aux six commandements géographiques s’ajoutent trois opérationnels à l’échelle mondiale : le Commandement Stratégique, responsable des forces nucléaires terrestres, aériennes et navales, des opérations militaires dans l’espace et cyberespace, de l’attaque globale, de la guerre électronique et de la défense par missile ; le Commandement pour les Opérations Spéciales, avec un commandement spécifique dans chacune des six aires plus un en Corée, responsable de la guerre non-conventionnelle, des opérations de contre-insurrection, des opérations psychologiques et de toute autre mission ordonnée par le Président ou le Secrétaire à la Défense ; le Commandement pour le Transport, responsable de la mobilité des soldats et armements via terre, air et mer au niveau mondial.
Les États-Unis d’Amérique sont l’unique pays à avoir une présence militaire à l’échelle mondiale, dans tous les continents et régions du monde. Le Pentagone est directement propriétaire de plus de 4.800 bases et autres installations militaires, aux États-Unis ou à l’étranger, comprenant plus de 560.000 bâtiments et structures (type voies ferrées, oléoducs et pistes aéroportuaires). Les États-Unis ont, d’après les données officielles du Pentagone, environ 800 bases et autres installations militaires dans plus de 70 pays, surtout autour de la Russie et de la Chine, plus de nombreuses autres en fonction ou secrètes. Ces bases servent à une rotation continue de forces, qui peuvent être rapidement augmentées avec celles transférées des bases aux États-Unis pour les concentrer dans des théâtres de guerre déterminés. Les pays où sont déployés des troupes étasuniennes, y compris ceux où les USA n’ont pas de bases militaires, sont plus de 170. En termes de comparaison, la Russie n’a qu’une dizaine de bases militaires à l’étranger, dans les ex-républiques soviétiques ; la Chine en a une à Djibouti, où font escale ses navires militaires et civils.
Dans le sillage des États-Unis opère l’Otan, l’alliance sous commandement US qui désormais n’a plus de frontières. En Europe - après s’être étendue dans l’aire de l’ex-Pacte de Varsovie, de l’ex-URSS et de l’ex-Yougoslavie - elle est de fait en train d’incorporer l’Ukraine. En Asie Centrale l’Otan est en train d’incorporer la Géorgie qui, déjà intégrée dans ses opérations, est candidate à devenir complètement membre de l’Alliance. L’Otan continue en outre à “approfondir la coopération” avec les Kazakstan, Kirghizistan, Tajikistan, Turkmenistan et Ouzbekistan, pour faire opposition à l’Union Économique Eurasiatique (comprenant Russie, Biélorussie, Kazakstan, Arménie et Kirghizistan). Elle est en outre engagée en Afghanistan, pays de grande importance géostratégique à l’égard de la Russie et de la Chine.
En Asie Occidentale, l’Otan poursuit l’opération militaire secrète contre la Syrie et en prépare d’autres (l’Iran est toujours dans le viseur). En même temps elle renforce son partenariat (qui a fait ses preuves dans la guerre contre la Libye) avec quatre monarchies du Golfe - Bahrein, Émirats Arabes Unis, Koweit, Qatar - et la coopération militaire avec l’Arabie Saoudite qui commet des massacres au Yemen avec des bombes à fragmentation fournies par les USA. En Asie Orientale, l’Otan a conclu avec le Japon un accord stratégique qui “élargit et approfondit le long partenariat”, auquel se joint un accord analogue avec l’Australie, dans une fonction anti-russe et antichinoise. Dans le même objectif les plus grands pays de l’Otan (dont l’Italie) participent tous les deux ans, dans le Pacifique, à ce que le commandement de la Flotte US définit comme “le plus grand exercice maritime du monde”.
En Afrique, après avoir démoli la Libye, l’Otan est en train d’augmenter l’assistance militaire à l’Union africaine, à qui elle fournit aussi “planification et transport aéronaval”, dans le cadre stratégique du Commandement Afrique, des États-Unis. En Amérique Latine, l’Otan a stipulé un “Accord sur la sécurité” avec la Colombie qui, déjà engagée dans des programmes militaires de l’Alliance (parmi lesquels la formation de forces spéciales), est devenue ”le premier partenaire de l’Otan en Amérique Latine”. L’Otan est donc à l’œuvre dans le plan de subversion contre la République Bolivarienne du Venezuela.
Pour sortir du système de guerre : sortir de l’Otan
L’accélération des conflits fait augmenter le risque d’une grande guerre qui, avec l’emploi des armes nucléaires et autres armes de destruction de masse, mettrait en péril l’existence même de l’Humanité et de la Planète Terre. Il est d’une importance vitale de multiplier les efforts pour sortir du système de guerre. Ceci pose la question de l’appartenance de l’Italie à l’Otan.
Certains prétendent qu’on peut rester dans l’Otan en conservant sa propre autonomie de choix, c’est-à-dire en ayant la possibilité de décider d’une fois sur l’autre au parlement national de participer ou pas à une initiative particulière de l’Alliance Atlantique. Illusion ou pire. Dans le Conseil de l’Atlantique-nord, les règles de l’Otan stipulent que les décisions sont prises à « l’unanimité et d’un commun accord”, c’est-à-dire accord avec les États-Unis d’Amérique à qui reviennent de droit la charge de Commandant Suprême Allié en Europe et les autres commandements clés, y compris celui du Groupe de planification nucléaire.
Dans le grand spectacle médiatique de la politique, illusionnistes et funambules lancent des appels pour un monde sans armes nucléaires : c’est-à-dire pour quelque chose qui est actuellement impossible, mais ils ne font rien pour réaliser ce qui par contre serait aujourd’hui possible : une bataille résolue pour libérer l’Italie des armes nucléaires, qui ne servent pas à notre sécurité mais nous exposent à des risques croissants. C’est la seule façon par laquelle, en Italie, on peut réellement contribuer à désamorcer l’escalade qui nous amène à la guerre nucléaire, en accomplissant un réel pas en avant vers l’élimination complète des armes nucléaires.
Pour cela, il faut se battre à découvert pour que l’Italie cesse de violer le Traité de non-prolifération qu’elle a ratifié, en imposant aux États-Unis de retirer immédiatement leurs armes nucléaires de notre territoire national, et en même temps pour que l’Italie, en s’en libérant, adhère au Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires.
Les principes de notre Constitution et les réels intérêts nationaux rendent en même temps indispensable le retrait de notre territoire national, non seulement des armes nucléaires, mais des bases US et de celles de l’Otan sous commandement US. Autrement dit, il faut briser le Grand Tabou qui domine le monde politique et institutionnel, en indiquant clairement l’objectif à atteindre : la sortie de l’Italie de l’Otan et de l’Otan de l’Italie, pour contribuer à la dissolution de l’Alliance Atlantique et de toute autre alliance militaire.
Objectif considéré comme fou pour qui voit l’Alliance Atlantique comme quelque chose de sacré et intouchable ; considéré comme dangereux par ceux qui savent qu’en s’opposant à l’Otan, ils mettent en péril leur carrière politique ; considéré comme impossible par ceux qui pensent qu’une Italie souveraine et neutre ne peut pas exister.
Les obstacles qui entravent la voie vers cet objectif sont gigantesques. Le Pouvoir dominant fonde sa force non seulement sur des instruments politiques, économiques et militaires, mais sur le contrôle des esprits, rendu possible par un appareil médiatique omniprésent qui, surtout à travers la télévision, induit à croire que n’existe que ce qui se voit, et que ce qui ne se voit pas n’existe pas. Le contrôle des esprits à travers l’appareil médiatique permet, d’une part, de tranquilliser l’opinion publique en cachant les menaces réelles, d’autre part de l’alarmer en faisant apparaître à tour de rôle des hologrammes de dangereux ennemis, afin de justifier les politiques de réarmement, opérations militaires et guerres. En justifiant en même temps une dépense militaire qui en Italie se monte à environ 70 millions d’euros par jour et, selon les engagements pris dans l’Otan, devra aller jusqu’à 100 millions d’euros par jour. Et, toujours dans le but de contrôler les esprits, on crée le spectacle : ceux qui ont soutenu les guerres démolissant des États entiers (en dernier, l’État libyen), et provoquant de dramatiques exodes de masse, sont aujourd’hui au premier rang pour accueillir à bras ouverts les victimes de ces mêmes guerres.
L’écrasante majorité des gens ne sait donc rien ou presque rien des mécanismes qui déterminent l’escalade guerrière de plus en plus rapide, rendant toujours plus réel le scénario de la troisième (et ultime) guerre mondiale : la guerre thermonucléaire. On en parle dans des cercles restreints de “spécialistes”, dans des “salons gris” (par référence à la couleur des cheveux) desquels les jeunes sont largement absents. Il s’agit de sortir du huis clos, en trouvant les moyens et langages pour faire comprendre aux gens que le temps presse, qu’il faut absolument agir alors qu’il en est encore temps. Que faire est dans les mains de chacun de nous.
Face au danger qui menace, nous devons montrer qu’existe encore une Italie qui se souvient, pas seulement en paroles, de sa Constitution ; une Italie pour laquelle le mot “souveraineté” n’est pas qu’un terme d’usage politique à court terme ; une Italie capable de sortir de l’antihistorique vision d’un Occident retranché dans la défense de sa suprématie ; une Italie capable de jouer un rôle actif dans la construction d’un monde multipolaire dans lequel se réalisent les aspirations des peuples à la liberté et à la justice sociale sur la base de la Déclaration Universelle des Droits Humains.
Le Groupe de Travail :
Francesco Cappello, Giulietto Chiesa, Franco Dinelli, Manlio Dinucci, Berenice Galli, Germana Leoni von Dohnanyi, Jeff Hoffman, Giuseppe Padovano, Marie-Ange Patrizio, Jean Toschi M. Visconti, Luisa Vasconcelos, Fernando Zolli