L’administration Biden pensait qu’elle pourrait s’en sortir avec les platitudes pro-israéliennes habituelles, mais la prise de conscience croissante de l’apartheid israélien rend cela impossible.
Alors, quelle est la politique de l’administration Biden envers Israël ? Pourquoi Biden a-t-il mis autant de temps à réagir à la violence alors qu’elle devenait hors de contrôle à Jérusalem et à Gaza ? Pourquoi les litanies répétées de Biden « Israël a le droit à l’autodéfense » correspondent-elles si étroitement aux positions de son prédécesseur, malgré la grande disparité entre les politiques de Biden et de Trump sur tant d’autres questions ?
Tout au long de sa campagne et des premiers mois au pouvoir, le président Biden a clairement indiqué ses principales priorités : la pandémie et la crise économique qu’elle a créée. Les gens à travers les États-Unis souffrent, et la première urgence de Biden a été de faire face à ces crises qui se croisent.
C’est très logique - mais il y a des conséquences. La politique étrangère, pour l’instant, n’a pratiquement aucune priorité. Et transformer la politique américaine envers Israël et la Palestine ? Pas du tout à l’ordre du jour. Biden n’a même pas encore nommé un ambassadeur en Israël, et a attendu près d’une semaine dans la crise actuelle pour envoyer un envoyé spécial.
Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de changements significatifs dans cette politique - seulement quelques efforts pour supplanter le langage de Trump. Même alors, l’équipe de Biden n’a commencé à réagir que lentement, voire à contrecœur, face à la violente escalade contre des Palestiniens par Israël, à Jérusalem-Est occupée et en Cisjordanie, à l’intérieur de l’Israël d’avant 1967, et en particulier dans sa guerre aérienne contre la bande de Gaza.
L’administration semblait vouloir conserver sa position opérationnelle selon qui « il suffit d’attendre ». Jusqu’à ce que tout à coup, elle ne pouvait pas attendre, parce que l’escalade de la violence a dégénéré, hors de contrôle.
La réalité depuis longtemps des Palestiniens confrontés à la violence et à l’expulsion, vivant sous occupation et sous blocus, est qu’ils n’ont pas le droit de se déplacer, mais qu’ils peuvent être tués par les colons israéliens, la police et les forces militaires - tout cela étant considéré comme normal par Washington. Mais quand les Israéliens ont été soudainement menacés par les roquettes sommaires de Gaza, cela est devenu une crise.
Lors d’un briefing dans les premiers jours de la crise, les journalistes ont réagi contre la déclaration familière de l’attachée de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, selon laquelle Israël a « le droit à l’autodéfense ». Ils ont demandé si les Palestiniens avaient également le même droit. Mais alors qu’elle avait déclaré dans d’autres circonstances que « les Palestiniens et les Israéliens méritaient des mesures égales de liberté, de sécurité, de dignité et de prospérité », elle a dû se mordre la langue pour éviter de dire les mots dont elle avait clairement reçu l’ordre de ne pas dire - que les Palestiniens ont également le droit à la légitime défense.
Mais au milieu de l’opposition croissante à ce soutien sans critique d’Israël au sein même du parti de Biden, cette ligne n’était plus possible. Biden lui-même a évité largement la plupart des commentaires publics sur la question. Mais maintenant, d’autres membres de son administration utilisent un langage plus direct contre les actions israéliennes envers le Hamas.
Lorsque l’ambassadrice de M. Biden à l’ONU, Linda Thomas Greenfield, a convié « toutes les parties à protéger les installations médicales et autres installations humanitaires, ainsi que les journalistes et les organisations médiatiques », elle parlait à Israël, et non au Hamas. Les États-Unis sont « particulièrement préoccupés par la protection des installations de l’ONU alors que les civils cherchent refuge dans une vingtaine d’entre eux », a-t-elle ajouté. Les frappes aériennes israéliennes ont touché les installations médicales, de la presse et de l’ONU.
De même, lorsque Greenfield a exhorté toutes les parties à éviter les « expulsions - y compris à Jérusalem Est - les démolitions et la construction de colonies à l’Est des lignes de 1967 », elle parlait des expulsions prononcées par Israël menaçant des familles palestiniennes de Sheikh jarrah de remettre leurs maisons aux colons juifs.
Greenfield a également appelé à la fin des démolitions de maisons et l’expansion de colonies qui sont en cours à Jérusalem-Est occupée et en Cisjordanie depuis plus de 50 ans. Cela ne concerne qu’Israël et non les Palestiniens qui ne dépossèdent pas les familles juives de leurs maisons.
Le discours change donc. Mais le défi fondamental est de savoir quand et comment la politique changera-t-elle ? Malgré les allusions et les affirmations contraires, l’administration Biden a une politique en place sur Israël-Palestine. Biden a fini par affirmer son soutien à la « solution à deux États » largement discréditée et que Trump avait rejeté. Mais le reste de sa politique a préservé jusqu’à présent le maintien de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, en violation du droit international et des résolutions de l’ONU.
Et il maintient la fausse affirmation selon laquelle les colonies ne sont pas illégales, ouvrant la voie à l’annexion par Israël d’immenses pans du territoire de Cisjordanie. L’administration Biden n’a pas non plus émis un mot de critique s’agissant de la loi « sur l’Etat-nation » promulguée par Israël en 2018 ne s’appliquant qu’aux seuls Juifs ; aucun autre citoyen d’Israël, n’a le droit à l’autodétermination en Israël.
Ces politiques semblent assez extrêmes - et elles le sont. Elles violent le droit international, elles défient la pratique diplomatique américaine de longue date (qui était déjà massivement pro-israélienne), et garantissent l’oppression permanente des Palestiniens.
Joe Biden et ses principaux conseillers politiques croient-ils vraiment en tout cela ? Probablement pas. Mais ce sont les composantes de la politique que Biden a hérité de Trump. Et aussi extrêmes soient-elles, elles resteront la politique de Biden tant qu’il ne changera pas de rhétorique ou de politique.
Au-delà de contribuer à mettre fin à la dévastation en cours à Gaza, M. Biden pourrait, en une minute, transformer la politique américaine envers Israël et les Palestiniens en une politique qui reflète réellement les droits de l’homme qu’il prétend être au cœur de sa politique étrangère.
Il pourrait annoncer que l’ambassade américaine quitte Jérusalem pour retourner à Tel Aviv.
Il pourrait reconnaître la réalité que les colonies sont illégales et que l’annexion est un acte inacceptable de poursuite de l’expropriation coloniale.
Et Biden pourrait affirmer sans équivoque que, la politique des États-Unis à l’égard d’Israël et envers les Palestiniens à partir de maintenant, sera fondée sur les droits de l’homme et l’égalité pour tous - du fleuve à la mer.
S’il examine attentivement l’opposition des États-Unis aux politiques d’apartheid d’Israël - qui s’élève maintenant chez les jeunes, les démocrates, les Afro-Américains, les Juifs et tant d’autres à travers le pays, ainsi que dans les médias et même au Congrès - il se rendra compte que changer sa propre politique n’est tout simplement pas si difficile.
L’égalité pour tous - il s’avère qu’elle est assez populaire dans ce pays aussi.
24 mai 2021, fpif.org