En France, rien de nouveau. Macron soliloque du haut de son palais et surtout en ce moment en direction des jeunes à l’aide de « Rappeurs » style « gansta », ou « d’Influenceurs youtuber », style « combien pèse un kilo de plumes ? ». Il semblerait que les jeunes de 24/35 ans aient une préférence pour Le Pen. En fait, Macron entre en campagne électorale, non seulement, pour les élections régionales en Juin 2021, mais surtout pour l’élection Présidentielle de 2022. Il vient même de commencer un « tour de France des communes ». L’une de ses premières visites va le conduire dans l’un des plus beaux villages de France (dans le Lot) où il a recueilli plus de 70% de voix en 2017. Il se rendra ensuite dans sa bonne ville d’Amiens, 72% de voix en 2017. Une sélection de villes amicales pour lui redonner le moral ?
A première vue un « tour de France » pépère, pour alimenter les médias, presse et télévisions comprises avec sa pensée élyséenne. Macron qui se présentait comme un intellectuel, philosophe, avec une vocation d'écrivain et fin stratège politique, n'est en fait qu'un bonimenteur qui fait des coups. Un coup à droite, un coup à gauche, oui, mais il a échoué à faire de La République en Marche, LaRem, un parti puissant, structuré, ouvert au débat démocratique.
On assiste en fait à un retour d’une gestion technocratique, sans transparence, taisant les objectifs et les sacrifices qui les accompagnent, ignorant les conseils des uns et des autres en matière de santé comme d’économie. D’abord la parole du chef, pour se dire ou se contredire.
Car Macron aime se voir à la télé. Il parle beaucoup, intervient sur tout. Il parle en disant le contraire de ce que vient d’affirmer l’un ou l’autre de ses ministres. Un exemple : le Ministre de l’éducation veut assurer la prévalence de l’enseignement du Français sur les langues régionales dans l’enseignement primaire. Macron aussitôt rassure les locuteurs Bretons, Basques, Alsaciens, etc., en soulignant l’importance de l’apprentissage des langues régionales. Ou encore, Macron décide seul du calendrier de la vaccination et décrète que le confinement prendra fin pour le 30 juin. On finit par se demander où est passé le Ministre de la santé ?
Macron a le pouvoir de faire et défaire ses Ministres, comme bon lui semble. Une tactique héritée de son passage dans une entreprise bancaire où ce genre de manipulation, de « management », est courante : exacerber la rivalité entre les prétendants les plus qualifiés – ou les plus serviles - d’entre eux.
Par contre le Ministre de l’intérieur, Darmanin, (qui vient de la droite dure des Républicains LR) semble avoir tous les droits.
Macron, comme ses prédécesseurs est tombé dans le piège de la politique sécuritaire, le thème certainement principal pour l’élection présidentielle de 2022 ; une question récurrente insoluble, débattue depuis plus de 30 ans. Parce que l’on s’occupe plus des beaux quartiers que des quartiers populaires, ou de la « Banlieue » qui concentre tous les « maux » de la République, même si de petits efforts ont été réalisés : immigration, chômage, problèmes scolaires, drogue, violence, « islamisme » etc. Certains territoires de la République sont livrés à eux-mêmes.
Celui, par exemple, de manifester avec les policiers devant l’Assemblée nationale ! Imaginez la scène : des salariés font grève devant le siège de leur entreprise pour leurs revendications et voient leur patron leur dire « Ok, les gars, je viens manifester avec vous », contre lui-même ? Au pays d’Ubu, tout est possible !
Or dans cette manifestation, un représentant syndical de policiers a déclaré « le problème de la Police c’est, la Justice ». Le Ministre de la justice a répliqué « que la Justice assumait son rôle ». Bref, une crise de Palais ? Le lendemain, copain/copain, ils se sont montrés travaillant ensemble, mais sans se regarder. Ou le symptôme d’un danger plus sérieux ?
Cette manifestation intempestive touche deux institutions piliers de la République. Une situation pour le moins malsaine, qui renvoie à l’affaiblissement du pouvoir régalien. Pour l’instant si Darmanin a l’oreille du Président, et il veut montrer la fermeté de l’Etat face à l’insécurité, eh bien, c’est raté !
La Police n’est pas sortie la tête haute de cet affrontement. La gauche, non plus.
En voulant s’affirmer conscients du problème de la sécurité, mais aussi qu’il existe tout un panel d’autres réponses à la question « sécuritaire » : une politique sociale, et qu’il s’agit surtout de manque de moyens, les premières têtes de la « gauche » ont décidé de défiler avec la police et le Ministre Darmanin : l’écologiste Yannick Jadot, les socialistes Anne Hidalgo et Olivier Faure, et le candidat du PCF à la présidentielle 2022, Roussel. Un choix erroné, peu compris, et un nouveau déchirement pour la gauche qui en comptent trop.
Pour une fois, seul JL Mélenchon a eu une attitude sensée de ne pas participer à ce qu’il a décrit comme « un rassemblement factieux ». Surtout après la déferlante d’appels dans les médias « au Peuple Français », qui affirmaient que « la démocratie française et la République sont en danger, face au laxisme du pouvoir » et signés par quelques généraux en retraite et des milliers de soldats en réserve ou en active, ou encore celui de 25000 policiers, sur les mêmes thèmes, tous ces appels soutenus immédiatement par Marine Le Pen !
Lors d’une cérémonie officielle, le 8 mai, on a vu Macron s’entretenir avec les chefs d’Etat major. Y avait-il un réel danger d’une sorte de putsch militaire par des groupes dont certains ont participé et gardent le souvenir du putsch d’Alger en 1961 ? On ne le saura jamais, mais la France est en tension. C’est une sérieuse annonce, le signe d’une République qui se délite et ne sait plus faire respecter le Droit.
Alors, fallait-il que « la gauche » manifeste avec les policiers ? Quand la police veut s'occuper de « justice », ce n’est pas innocent. C'est peut-être le début de la fin d'une société démocratique. Ce n'était pas simplement une manifestation syndicale. Les représentants politiques (y compris de droite), qui y ont participé, ont fait une grave erreur politique et viennent de créer une confusion terrible.
Et à chaque incident, plus ou moins grave, Le Pen enregistre de nouveaux adeptes.
Vient le temps des élections régionales et départementales. Passés 17 mois de pandémie, d’aller et retour sar la gestion des masques, des vaccins, de confinement ou de décroissance – ou non - du nombre d’infectés et de morts, la France n’a qu’une envie : se faire vacciner pour pouvoir partir en vacances et voyager.
Cela tombe mal pour Macron. C’est que fin Juin, les Français doivent aller aux urnes. Le score des abstentions sera-t-il plus important que lors des votes précédents ? Pas impossible.
Mauvaise nouvelle pour Macron, la faiblesse de l’implantation de LaRem sur le territoire est devenue patente. Les candidats ne se bousculent pas pour relayer le discours de Macron. Alors Macron tente de faire une OPA sur les candidats des LR.
Comme dans la région PACA où le candidat des Républicains LR, étant sortant et donc en bonne position de réélection, fusionne sa liste avec LaRem, et risque de payer cette alliance. Car son challenger du Rassemblement National de Le Pen - Mariani ancien Ministre de Sarkozy – populaire, est donné en première position dans les sondages. Qui va l’emporter ?
Dans la Région des Hauts de France, Macron adopte la même tactique, face à une alliance – l’une des rares à « gauche » pouvant l’emporter - entre Martine Aubry (autrefois Ministre du Travail, PS), les écologistes et la France Insoumise - et surtout contre un candidat potentiel déclaré pour la présidentielle : Xavier Bertrand, lui aussi ex LR et ancien Ministre de Sarkozy, que Macron tente de réduire à néant, en envoyant dans cette région plusieurs membres de son gouvernement, dont le Ministre de la Justice. Le résultat de la liste unitaire de « gauche » sera intéressant. La « gauche unie » va-t-elle enfin sortir de son purgatoire ?
Après avoir ramassé quelques transfuges de la gauche désunie, c’est au tour de la droite des Républicains, eux-mêmes divisés en plusieurs fractions et sans figure marquante, d’être piégée et aspirée par Macron.
Cette tactique de Macron a son revers, car il permet ainsi à Le Pen d’être considérée comme sa seule opposante. Des « coups » sans effets réels : des sondages indiquent plus généralement que 60% des électeurs de la droite pourraient voter pour le rassemblement National !
Le Pen cherche, elle aussi, à recruter chez les Républicains LR. Elle a porté son parti è un tel niveau de popularité qu’il navigue en tête des sondages. Une force installée en France depuis près de 30 ans et qui n’a cessé de se renforcer. Tout d’abord vote de protestation, aujourd’hui vote d’adhésion, même si une partie de ces Français ne pensent pas que M. Le Pen puisse parvenir un jour à la responsabilité suprême. Quoi qu’il en soit elle domine la vie politique française.
Les résultats du RN de Le Pen à cette élection dans certaines régions sont donc très attendus : « Toutes les élections sont un tremplin, le RN devrait gagner une ou plusieurs régions pour montrer de quoi il est capable », a déclaré Fabien Engelmann, maire de Hayange (Moselle) depuis 2014, et conseiller régional RN pour la région Grand-Est ». D’autre part, « le RN est devenu le premier parti en termes de popularité chez les 25-34 ans » (Le Monde du 5 avril 2021). D’où le « jeunisme de Macron » pour concurrencer cette influence de Le Pen, chez les jeunes, qui ne se voient pas d’avenir.
Cette élection révèle la faiblesse de l’implantation de LaRem dans le pays, après 3 ans d’exercice du pouvoir. Elle est telle que Macron a envoyé une quinzaine de ses Ministres défendre ses couleurs pour, surtout, jouer contre les candidats des républicains LR. Cela dit, quoique fasse Macron, les élections régionales et départementales n’ont jamais poussé les bataillons de votants aux urnes. D’autant que dans quelques mois, il va y avoir la Présidentielle. Et ça c’est beaucoup plus sérieux.
Mais là encore, sauf évènements extraordinaires, on risque de revoir en finale, le duo Le Pen/Macron.
Dans toutes les configurations possibles, avec un candidat des LR (par exemple X. Bertrand) ou non, Marine Le Pen est donnée gagnante au premier tour.
La droite jusqu’à présent n’a pas trouvé son candidat unique. La gauche qui s’est rassemblée après deux réunions communes, n’a pas eu le courage de faire un front commun, même sur un programme minimum. Le problème de la gauche c’est qu’elle n’est plus capable de penser le futur, ni même le présent. Seul JL Mélenchon tient « sa » route, envers et contre tous, dans un splendide isolement et persiste à vouloir représenter « seul » la « gauche » à la Présidentielle.
Après les résultats à Madrid de Podemos et l’échec de sa politique sectaire refusant toute alliance avec le Ps espagnol – ce qui a conduit à la démission de Pablo Iglesias – s’ajoutant à la déroute des gauches en Europe, quelle peut-être donc l’analyse de JL Mélenchon ?
Si l’on peut dire que la famille Le Pen fait les présidents de France depuis Chirac en 2002, grâce au sursaut dit « républicain » au deuxième tour qui rassemble toutes les forces politiques hostiles aux thèses du RN, ne pourrait-on dire de JL Mélenchon, qu’il bloque tout processus de rassemblement de « gauche » ? Rassemblement qui ne pourra pas vaincre, tout de suite, certes, mais qui ouvrira une possibilité réelle – à partir de comités unitaires de citoyens – de sortir de cette impasse qui dure depuis trop longtemps.
Pendant ce temps-là, Macron reprend le train de « ses réformes » : modification du régime de l’assurance chômage qui se traduit par une perte de revenus pour les chômeurs, remise sur le tapis de la énième réforme des retraites, etc., sans parler du coût de la pandémie qui a déjà bouleversé le tissu économique de la France, le mode de travail avec le travail à domicile, la fermeture de commerces, générant de nouvelles précarités, etc. Mais, dira-t-on, il y a les milliards qui viennent du « Plan de relance européen » : oui, mais Macron a annoncé que les entreprises en seraient les principales bénéficiaires.
Il est fort probable que la violence sociale éclatera à nouveau à un moment ou un autre, sans prévenir les « élites politiques » de « gauche » ou de droite, ni même les écolos qui se pensent promis à un grand avenir. Mais ce n’est qu’un capitalisme « vert » qu’ils ont l’ambition de construire. En Allemagne la nouvelle dirigeante des Verts : Annalena Baerbock, une vraie bombe libérale pro atlantiste. (cf, le dossier sur les élections fédérales allemandes). Or l’écologie sans le social, comme le disait la pancarte d’une manifestante « c’est du jardinage » !
Sans « gauche » rassemblée autour d’une même critique du libéralisme et de l’impérialisme de la finance, sans syndicats puissants, sans comités de citoyens unitaires à la base, sans travail politique auprès des citoyens, sans une nouvelle constituante, le risque est grand pour la France de revoir des mouvements de Gilets Jaunes, ou d’autres couleurs plus ou moins violentes, plus ou moins dangereuses.
Pendant ce temps, la gauche et l’extrême gauche américaines reprennent l’espoir que les mobilisations ne vont pas faiblir et que la lutte de classe peut être payante.
1er Juin 2021