Le camarade Michel Fiant membre des « Alternatifs », qui résidait dans le Var, est décédé à l'hôpital de Toulon, mercredi 19 septembre 2007, des suites d'un cancer qu'il avait maîtrisé il y a dix ans et qu'il a combattu courageusement après une reprise ces dernières années.
Nous avons milité très longtemps ensemble dans le courant trotskiste dit «pabliste» de 1950 à 1981. Nous avions opté l'un et l'autre pour les thèses de Michel Raptis qui défendait l'idée selon laquelle, quelles que soient les conditions dans lesquelles avaient surgi les nouveaux États à l'Est de l'Europe, sous des directions politiques inféodées à la bureaucratie stalinienne, leur nature anti-impérialiste et anticapitaliste, les plaçaient à la suite de la victoire sur l'Allemagne nazie dans le nouveau rapport de force révolutionnaire mondial. De cette analyse découlait pour les trotskistes la nécessité, autre que la propagande révolutionnaire, de se lier avec les militants communistes, non seulement au sein des syndicats mais aussi de leur parti afin d'y dégager un courant, une tendance marxiste révolutionnaire. Cette politique fut dite « entriste » au sein des partis majoritaires de la classe ouvrière.
Michel Fiant, fut de ceux-là. Il devint secrétaire du Comité d'entreprise Dervaux, dans la région parisienne. Il mena la bataille contre la fermeture de l'entreprise, pendant de longs mois avec des hauts et des bas, avant sa liquidation à la fin des années cinquante.
Lorsque le travail entriste commença à donner des résultats ; en particulier du fait de la résistance du PC yougoslave aux diktats staliniens et de la contagion de son exemple, en Pologne et en Tchécoslovaquie, nous décidâmes de publier un organe d'opposition au sein du PCF, avec le renfort d'un recrutement modeste mais significatif d'un changement de climat en faveur de nos thèses. Nous l'appelâmes Tribune de discussion. Pour son lancement nous désignâmes le camarade Fiant, pour se présenter comme l'initiateur de ce bulletin d'opposition devant l'assemblée des opposants qui décidèrent de se structurer. L'exposé de cet « inconnu » (Michel) obtint un certain succès qui renforça le côté sérieux de ces « opposants ». Nous comptâmes des militants syndicaux, des étudiants et quelques intellectuels de renom comme Henri Lefevre, qui vint à Clamart tourner la ronéo avec Guy Leclerc, journaliste à L'Humanité. Nos meilleurs succès venaient des milieux jeunes, des étudiants communistes,- d'autant plus que le vote des « pouvoirs spéciaux » de Guy Mollet, contre la révolution algérienne, décidé par Maurice Thorez avait soulevé l'indignation des « rappelés ». Denis Berger assura la coordination du travail. Il y eut quelque temps plus tard la fusion de Tribune de discussion avec L'étincelle qui regroupait des intellectuels avec à leur tête Victor Leduc, accompagné de Je Pierre Vernant et du docteur Cachin.
La révolution algérienne prit une importance centrale dans la vie politique Michel Fiant s'engagea, comme nombre d'entre nous, dans le travail de sont clandestin au FLN. Outre son activité syndicale il prit en charge une épicerie tenant boutique de « distributions de tracts ». Il fut inquiété, arrêté et relâché, fa de preuves, pendant cette période. « Après avoir été questionné toute une journée on m'a confronté avec un mouchard, sans doute que son odeur m'a inconsciemment, révulsé car j'ai été incapable de le reconnaître et je n'ai pas eu grand mérite a avoir un accent de sincérité devant ce traître. On m'a relâché... » Disait-il, plus tard, riant.
Membre du Bureau politique du PC Internationaliste et membre du Coin exécutif de la iv' internationale. En 1965, favorable à l'orientation de Michel Pal donnant la priorité politique dans la conjoncture internationale à la « révolution coloniale » , il fut exclu, comme ses camarades «pablistes » par la fraction Pierre Frank-Lequenne-Krivine lors d'un dit « congrès », fractionniste, convoqué clandestinement et scissionniste dont cette tendance n'osa jamais se réclamer dans son histoire... dont elle n'est pas sortie grandie. Cet épisode d'exclusion des «pablistes » ne figure ni dans Les trotskistes de Daniel Bensaïd, ni dans passera avec l'âge d'Alain Divine - dans lequel livre il reconnaît incidemment forte impression que Michel Fiant fit sur lui lors de son engagement dans jet, Résistance - ni dans L'histoire sans fard de Michel Lequenne, caricature au, pabliste.
Responsable au sein du BP de l'AMR (Alliance marxiste révolutionnaire), du travail en direction de la jeunesse, il gagna à notre cause Maurice Najman et nombre d'autres militants de qualité, et poussa après l'expérience des Comités Vietnam lycéens à la formation des Comités lycéens qui jouèrent un rôle important dans les prémices de mai 68.
Dans le regroupement des partisans de l'autogestion au sein du PSU, il fut désigné membre du Bureau national de cette organisation. Ce regroupement dé( et aboutit au final à son éclatement. Après la fondation des Comités communistes pour l'autogestion (CCA), cependant des désaccords conjoncturels suite à montée de l'Union de la gauche nous divisèrent jusqu'au regroupement autour de candidature de Pierre Juquin, il fut, avec ce dernier, un des responsables politiques qui créèrent l'Alternative rouge et verte, qui se transforma en « Alternatifs ».
Jusqu'à succomber, il n'épargna jamais ses efforts, au service de l'idéal socialiste pour l'émancipation sociale, politique et culturelle de l'humanité. Dans cette v( il s'attacha à travailler et à défendre le concept d'autogestion, comme conte véritable du socialisme. Sa bibliothèque est certainement une des plus riches do ce domaine où le social se confond avec la sociologie.
Que le camarade et responsable politique, qui fut aussi Michel mon beau-frère reçoive ici notre hommage militant et fraternel à son souvenir. Que nos camarades des «Alternatifs» trouvent ici notre solidarité et notre amitié.