Né à Buenos Aires en 1928, Guillermo Almeyra a milité dans la gauche argentine politique et syndicale, avant de trouver asile politique en Italie, puis au Mexique, où il est journaliste éditorialiste au principal quotidien de gauche La Jornada. Titulaire d'un doctorat en sciences politiques, il enseigne à l'Université nationale autonome du Mexique la politique contemporaine 

Ces trois articles de Guillermo Almeyra à partir d’évènements survenus récemment sur le continent Sud américain décrivent une évolution démocratique difficile et contrastée. L’Amérique du Sud parviendra-t-elle à se débarrasser de « l’ombre tutélaire » des États-Unis dont la présence est devenue plus discrète mais qui n’en est pas moins agissante ? Le retour au passé, révolutionnaire pour le Mexique ou péroniste pour l’Argentine, n’est-ce pas une dangereuse illusion ?

 - Mexique : 1988, 2006, 2012, N’est-ce pas suffisant ?

- Argentine : premières impressions sur la grève des camionneurs.

- Paraguay: le Paraguay, un autre Honduras?

 

 

Mexique : 1988, 2006, 2012, N'est-ce pas suffisant ? 

Ce ne sont pas de vraies élections, mais plutôt une imposture. Une fraude, comme en 1988 contre Cuauhtémoc Cardenas et en 2006 contre Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO).

Une fraude massive préparée et affinée depuis 2006 qui utilise, là, la méthode ad excludendum (locution latine et pratique italienne qui caractérise un accord explicite entre divers participants se terminant par l’exclusion de l’une des parties). AMLO en conteste le résultat. Oh surprise!, lors du recomptage, certains chiffres ont du été revus, mais l'IFE (Institut Fédéral Electoral) a rapidement déclaré à Morena (qui soutient AMLO) « Ils gagnent avec une petite avance, désolé Margarito! ».

Après toutes ces luttes pendant six longues années pour canaliser la bataille sur le chemin des élections et des institutions, alors que beaucoup de militants jugeaient cette politique suicidaire; après avoir adopté un profil conservateur et modéré dans les débats, les déclarations, et dan l'activité; après avoir signé des pactes avec ces criminels barbares connus comme tels, comment un groupe dirigeant peut-il se tirer une telle balle dans le pied pendant des années tout en appelant à une résistance civile pacifique dans laquelle il n’a jamais cru, qu’il n’a pas préparé, alternative qui reste cependant, la seule possible?

Si l’on tient compte de l'environnement politique mexicain, il aurait été facile de comprendre que, (comme nous n’avons cessé de l’écrire), avec ses ressources, ses 3 000 kilomètres de frontières, ses millions de citoyens présents dans le ventre du monstre, le Mexique est un problème interne aux États-Unis, comme la politique américaine est un élément essentiel de la politique intérieure mexicaine. Comment ces fameux  stratèges n’on-ils pas vu ce qui est l'ABC de la politique dans notre pays? Comment n’ont-ils pas vu que les interventions de Washington au Honduras ou au Paraguay  sont des coups d’État sous une apparence légale, respectueuse de la Constitution et du régime parlementaire ? Et qu’au Mexique le coup d'État consiste précisément à faire élire des fonctionnaires, des hommes du Oui, grâce à l'ad excludendum (comme Washington l’a fait pendant des décennies en Italie avant que le Parti communiste ne se soit suicidé pour avoir été incapable de renouveler ses idées et de comprendre les changements sociaux de la période guerre)?

Comment ne pas voir que l'on ne pouvait plus simplement proposer à nouveau un programme nationaliste révolutionnaire que la mondialisation a déjà enterré à la fin des années 1970, mais qu’il fallait répondre aux nouvelles classes moyennes urbaines et aux mouvements populaires issus de la concentration de la population dans les villes, de l’exode des campagnes, d’une émigration massive, des changements culturels introduits par l’américanisation de la société et de la culture, des changements internes dans les classes et de leurs interactions, et la transformation des couches dominantes ?

Aujourd'hui, c’est non seulement l’ancien PRI, le dinosaure, qui arrive au pouvoir, mais aussi le groupe moderne et délictueux d’Atlacomulco, liée au capital financier, qui avance sous le drapeau d’un capitalisme de choc, dont l’extrémité désigne Pemex (les Pétroles mexicains, société nationale le plus grand employeur du pays), et qui veut obtenir la modification de la loi fédérale du travail afin de réduire encore plus les salaires réels, et transformer la terre en une marchandise.

La troisième défaite passive de ce qui reste du nationalisme révolutionnaire après tous ces changements est un coup dur pour l’avenir d’AMLO en tant que

Leader politique. Non seulement parce qu'il n’est plus crédible, mais surtout parce que le temps des leaders est passé, et que c’est au contraire le temps des mouvements de masse auto organisés comme celui de la Bola dans le passé ou aujourd’hui le mouvement étudiant anti néolibéral « Movimiento Yosoy 132 ».

Ces mouvements, sont plus sains, propres, pluralistes, crédibles, perfectibles et dont l'immaturité se corrigera dans les luttes théoriques et tactiques lancées par leurs dirigeants. AMLO, cependant, devra compter avec les baisers des Caïns et des Judas qui l'ont soutenu surtout pour devenir parlementaires ou  gouverneurs,  mais aussi pour le contrôler et le mener à l'échec, de manière à ce qu’il leur laisse le chemin libre. Les politiciens comme Ebrard ou Camacho ou les Chuchos ne vont pas disparaître, mais ce qui est terminé, c'est la possibilité d'un nouveau bloc nationaliste révolutionnaire à l’ancienne, comme celui qui gouverna le pays de 1920 à 1980. Un mouvement populaire avec des inclinaisons nationalistes, qui tirait sa légitimité historique d’un pacte entre les paysans, les travailleurs et l'État, pour mettre à la place des dirigeants usurpant ceux là mêmes qui conduisaient la révolution.

Aujourd'hui, le Mexique s’est « latino américanisé » et a perdu sa particularité, celle de sa révolution sociale de masse du XXe siècle et son Etat qui légitimaient une grande partie de sa force. Le mouvement populaire, qui avec Villa et Zapata avait infligé une défaite à l'oligarchie liée au capital financier international, doit affronter aujourd'hui la reconstruction de cet État, alors que les États-Unis ont pris un poids énorme qu’ils n’avaient pas auparavant, alors que les classes dirigeantes mexicaines sont partie de l’establishment étasunien, alors que l’idée du socialisme a disparu et que les travailleurs sont profondément affaiblis. La tâche est tellement immense, qu’il n’y a pas d’autre moyen pour le Mexique profond de s’en sortir autrement que par une  résistance populaire pacifique, durable et massive.

La bourgeoisie est divisée parce qu’elle est menacée par la corruption et le trafic de drogue et c’est pour cela qu’elle a soutenu AMLO. Les classes moyennes aussi, parce que personne ne peu penser que son enfant va faire carrière dans un pays qui décline. Le problème concerne tout autant les familles des militaires honnêtes. L'État, avec sa corruption et ses fraudes électorales, n'a aucune légitimité ni le monopole du pouvoir sur les armées. Si AMLO déclare la nullité des élections, sauf dans la ville de Mexico et de Morelos, où la fraude a été nettement moins importante, et s’il lance une campagne auto organisée pour la résistance civile avec une grève nationale, le Mexique peut encore changer. Il est temps de franchir le Rubicon

Article publié dans La Jornada

8 juillet 2012

Argentine :

Premières impressions sur la manifestation des camionneurs

 Cessons de parler du folklore péroniste ou argentin. Prenons plutôt au sérieux les manœuvres qui agitent dans cette guerre de position deux secteurs bureaucratiques de l’l'État.

 La manifestation qui a eu lieu sur la Place de Mai, organisée par le syndicat des camionneurs, avec le soutien et la solidarité d'un peu moins de la moitié des syndicats CGT, était une manifestation massive pour demander principalement l’arrêt des condamnations faîtes contre les militants des luttes sociales, la nationalisation de la Banque hypothécaire et un plan national pour l’emploi avec la construction massive de logements dans tout le pays (et non simplement une aide sociale pour les chômeurs, précaires et travailleurs à temps partiel), un travail décent, la fin de la sous-traitance, du travail au noir et l'indépendance des syndicats par rapport à l'appareil de l'Etat (la bureaucratie syndicale y étant intégrée et dont elle est le socle).

La manifestation est donc sous l’apparence d'un conflit entre une partie de la bureaucratie syndicale (c.-à-d. du secteur qui exprime l'influence bourgeoise dans le mouvement ouvrier et qui cherche un consensus avec le gouvernement de l'État capitaliste) un conflit indirect entre les travailleurs d’un côté, et de l’autre l’appareil étatique allié aux patrons.

Il s’agit en fait d’une rupture avec le péronisme classique, dans lequel le président est par nature le chef tout puissant, selon le style mussolinien, et le mouvement ouvrier un simple instrument loyal à l’autorité suprême (une caricature de parti : des hiérarques, des barons institutionnels, des gouverneurs sans autonomie).

Maintenant que Moyano, s’est éloigné du secteur stratégique du mouvement travailliste péroniste, en démissionnant de sa direction en décembre 2011, alors qu’il va assumer à partir du 12 juillet, le poste de Secrétaire national de la CGT, il est certain que le gouvernement va créer une deuxième CGT, celle des « gros » et des « indépendants » (qui en fait seront dépendants du gouvernement et les meilleurs clients des patrons proches de la Casa Rosada) et qui fonctionnera sous la tutelle de l'État (« un ministère », a déclaré Moyano).

Cela veut dire que Moyano et le syndicat des camionneurs acceptent de fait le rôle d’opposition ouvrière entraînant derrière eux « le » courant de la CTA – Confédération des Travailleurs de l’Argentine non péroniste- (secrétaire Michelli), comme les « gros » tirent la CTA pro gouvernementale d’Hugo Yaski.

Ce nouveau pluralisme était présent lors de la manifestation, il y avait l’ATE dirigée par Victor De Gennaro, très lié à l'Église catholique, ainsi que l'actuel Courant Classiste et Combatif (CCC) maoïste ex-Kirchnériste qui, comme le Parti communiste révolutionnaire, lui aussi maoïste ou le MST (Mouvement Socialiste des Travailleurs), n'avaient aucun scrupule à rejoindre la société rurale dans sa lutte contre l’emprisonnement des producteurs de soja. Il y a également de forts contingents de syndicalistes démocratiques et de classe influencés par la FIT (Fédération internationale du travail) et, dans une moindre mesure, des militants de plusieurs organisations de gauche d'origine péroniste comme ceux de la gauche anticapitaliste et  non affiliés à un parti.

La participation commune à une manifestation et la lutte  de ces secteurs du moyanisme avec des objectifs communs devrait aider la FIT ou son courant le moins sectaire (le PTS, parti des travailleurs socialistes), à briser ses préjugés anti péronistes et à être encore plus efficace dans son travail syndical démocratique aux côtés des tendances combatives non socialistes, comme la Jeunesse Syndicale qui se trouve notamment dans les syndicats des « Gros » et des « indépendants » mais dont les directions s’identifieront au gouvernement pour les  réprimer (de la FIT aux moyanistes sans distinction).

La différence entre Facundo Moyano, secrétaire la Jeunesse Syndicaliste, et son frère Pablo, du syndicat des camionneurs et la différence politique entre ce premier et Hugo Moyano (dans le programme de lutte et sur la nécessité de ne pas mettre une barrière contre les jeunes favorables à Cristina pour les organiser contre l’oligarchie), obligera la gauche socialiste à ne pas mettre tous les « péronistes » dans un même sac car, en premier lieu, si le «Kirchnérisme » n’est plus le péronisme de Perón, pour des raisons sociologiques et idéologiques, le « pro-Cristina », qui est dispensé par la CGT, et le PJ(Parti Justicialiste) - apporte encore plus de contradictions et de failles dans l'appareil dirigeant dont il faudra savoir politiquement profiter.

La gauche socialiste, qui méprise les programmes « de Huerta Grande et de La Falda » et veut les remplacer par le programme de transition trotskiste de 1938, pourrait apprendre à rompre avec la dichotomie actuelle de son action entre son ouvriérisme et le syndicalisme de classe d'une part et sa propagande socialiste révolutionnaire abstraite d'autre part, pour revenir sur terre avec des revendications transitoires, nationales et démocratiques, capables de contribuer à la création d’une pensée de classe, solidaire, anticapitaliste et révolutionnaire. Il est possible d’agir avec Facundo Moyano et la Jeunesse Syndicale tant dépréciée aujourd’hui comme elle-même l’a fait en direction d’Hugo Moyano.

Il est indubitable d’autre part que les revendications de la manifestation bien que correctes, sont insuffisantes. Il faut renforcer la lutte pour élever le niveau de vie de ces 80% de travailleurs qui ne peuvent payer d’impôt parce qu’ils ne gagnent moins que l’assiette fiscale, selon la Présidente elle-même. Il faut, en effet, réduire l’éventail salarial, non pas en abaissant le salaire des  « ouvriers riches» mais en relevant les bas salaires, afin de réduire l'écart de salaire entre les travailleurs qualifiés et les autres. Il faut aussi mettre un terme aux impôts indirects et imposer le revenu à la source celui des grandes entreprises, des producteurs de sojas et des banques. Il faut un plan national directeur pour l’emploi afin de répondre à la crise mondiale et défendre le marché intérieur.

En fait, toutes ces questions vont se poser dans les usines à la fin de la manifestation du 27 juin, et des conflits vont se faire jour parce que le gouvernement, les gens du Duhaldo, de Menem, d’Alsogaray et d’autres, a vu son prestige fortement atteint ainsi que sa capacité d'initiative, il a été contesté par le front ouvrier sans que la droite oligarchique puisse en tirer un bénéfice, et il est apparu affaibli aux yeux des gouverneurs et des édiles pour avoir perdu le soutien syndical alors qu’ils s’inclinent toujours devant celui qui leur donnera le plus d'avantages.

Moyano peut difficilement espérer un accord durable avec le gouverneur Scioli et d’autres péronistes de droite et, en même temps, radicaliser sa politique ouvrière pour résister au gouvernement. Il ne peut pas courir deux lièvres à la fois.

C’est donc un processus de crise qui s’ouvre autant pour le «  Cristinisme » que dans les alliances moyanistes actuelles. Nous verrons donc toutes sortes de ralliements politiques divers instables.

Enfin, si le leader des camionneurs a appelé à une manifestation massive contre le gouvernement, il a fini par demandé à être reçu pour en discuter. C’est pourquoi il y a une marge pour une réconciliation. Tout dépendra de la peur qu’en aura la Présidente.

Comme l’a dit le grand timonier, qui n'était pas, ni grand ni timonier, « il y a grande confusion sous le ciel. La situation est excellente. » 

28 juin 2012

  

Le Paraguay, un autre Honduras?

 Le complot contre le Président paraguayen, l’ancien évêque Fernando Lugo, a commencé le même jour où il a triomphé lors des élections présidentielles. Il était le seul à pouvoir assumer cette charge, soutenu par la mobilisation populaire, sans parti propre, sans l’appui d’une base parlementaire mais avec le large soutien de la paysannerie bien que dispersée et désorganisée, tout en étant contraint à faire face à l'opposition de la hiérarchie de sa propre église et dépendant toujours de sa fragile alliance avec le parti du Vice Président Federico Franco, le Parti libéral Radical, qui est extrêmement conservateur et qui représente un secteur des propriétaires fonciers.

Les partisans de la dictature de Stroessner pendant ce temps suivaient et continueront de suivre ceux qui sont enkystés dans l'administration publique, les forces répressives et la soi-disant Justice et la Cour suprême.

Lugo a tenté tardivement de créer un regroupement de forces politiques, le Front Guasu (Grand, en guarani) qui fait ses premiers pas et qui est loin d'être homogène. Mais toutes les droites paraguayennes, étaient soutenues discrètement par les États-Unis, qui n’ont pas voulu attendre la dizaine de mois à la fin desquels que le mandat de Lugo se terminait alors qu’auraient lieu de nouvelles élections, dans lesquelles le président ne pouvait pas se représenter. Ils ne voulaient laisser aucune chance, aucune possibilité au centre gauche de s’organiser ni au gouvernement de se maintenir.

Sous la baguette de Horacio Cardes, propriétaire terrien ultraconservateur du parti Colorado, également lié au trafic de la drogue, elles ont organisé la parodie d'un procès politique qui a duré une journée et qui reposait sur l’accusation sans preuves que Lugo avait encouragé les paysans à occuper des terres et qu’il n’aurait pas combattu ou mollement contre la petite guérilla des paysans qui se tient dans le département où se trouve son diocèse.

Cardes, allié aux Oviedistes, au Parti conservateur « Patria Querida » et aux libéraux, à fait un coup d'État « blanc » de la même manière que ses collègues parlementaires honduriens, mais sans utiliser les armes ni séquestrer le Président ni l’expulser du pays en sous-vêtements, puisque Lugo pouvait certainement trouver refuge auprès de l'ambassade de l'Équateur.

Le prétexte pour accélérer l’opération a été le meurtre de Curuguaty,  qui a eu lieu la semaine où les forces armées ont agressé les paysans qui se sont défendus, dont le bilan est de 17 morts chez la police et les paysans, 80 blessés et des dizaines de prisonniers. La destitution de Lugo par le parlement a été déjouée par les manifestants qui se sont rassemblés spontanément devant le Congrès, par les paysans qui ont bloqué les routes dans tout le pays et par les migrants paraguayens présents en Argentine qui sont retournés par milliers au Paraguay pour empêcher le coup d'État et qui ont organisé une manifestation au pied de l'obélisque de Buenos Aires.

Au Sénat, seuls quatre sénateurs ont défendu  Lugo. Il n’a eu aucun soutien dans la capitale où se trouve la majorité de la classe moyenne, des fonctionnaires et des militants du parti Colorado, mais essentiellement dans les provinces rurales de l'intérieur, où la résistance sera longue et difficile.

Comme Fernando Lugo, était aussi le Président temporaire du Sénat de l'UNASUR, le coup d'État contre lui représente par conséquent un nouveau coup d'État de la droite paraguayenne contre l'intégration Sud américaine, après le refus du Congrès paraguayen d’accepter le Venezuela dans le Mercosur et sa résistance à intégrer la Bancosur. Les conseillers de l'UNASUR, qui voyageaient à Asunción pour essayer de dissuader les putschistes n’ont pas pu empêcher cette parodie de coup d'État, comme l'OEA n’a pu empêcher la dictature de Micheletti au Honduras lorsque le Parlement de ce pays a illégalement rejeté le Président constitutionnel, Manuel Zelaya, trois ans auparavant, en Juin.

Derrière ces deux coups de force - comme  cela a été amplement démontré et documenté dans le cas de Honduras – il y a les États-Unis.

Le Paraguay est la clé d’accès qui contrôle la plus grande réserve d’eau du monde qui se trouve dans le pays guarani, couvrant leur territoire étalé sur le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay. Dans le Paraguay la base militaire américaine d’Estigarribia contrôle la zone dite de la « triple frontière » : Argentine – Brésil – Paraguay. Dans la Province argentine du Chaco, près du Paraguay, les États-Unis voulaient également installer une autre base plus petite, avec l'appui du gouverneur pro-Kirchner, Capitanich, celui-là même qui a déclaré que les camionneurs en grève étaient des traîtres. Toutefois la protestation populaire a empêché cette violation de la souveraineté du territoire argentin, au moment même ou la présidente Cristina Fernandez déclarait vouloir reprendre la souveraineté sur les îles Malouines.

Un gouvernement paraguayen lié à l'UNASUR et, en particulier, influencé par l'axe Brésil-Argentine serait contraire aux intérêts des États-Unis. Le feu vert pour un coup d'État a donc été certainement discuté et mis en place avec les diplomates américains en poste à Asunción car il reprend les méthodes quelque peu améliorées récemment au Honduras, un autre pays pauvre et faible et un président vacillant.

Les pays de l'UNASUR pourraient maintenant isoler économiquement le Paraguay, qui n'a aucun accès à la mer, et supprimer leur appui économique; ils pourraient également ne pas reconnaître la marionnette du gouvernement fantoche de Franco qui ne durera que le temps nécessaire pour arriver aux élections présidentielles anticipées ou qui attendra 2013, ouvrant le chemine pour les Colorados. Mais les paysans n’attendront pas les pressions diplomatiques. Ils réagiront par l’occupation des terres, avec des barrages routiers, la mise en place de pouvoirs locaux et, éventuellement, compte tenu de leurs traditions, le recours aux armes de la guérilla qui pourrait compter sur la bienveillance des gouvernements de la Bolivie, de l’Argentine et du Brésil qui ne peuvent pas accepter ce coup de couteau à l'UNASUR.

Les putschistes ont pu destituer un Lugo affaibli sans tirer un coup de fusil, mais ils vont être confrontés rapidement à une recrudescence de manifestations sociales alimentées  par la colère de tous les mouvements sociaux et paysans du continent devant cette répétition flagrante de l'aventure hondurienne. 

23 juin 2012