Ancien Président de la Fondation Bertrand-Russel, il fut député travailliste au Parlement européen de 1989 à 1999)

Bien que cela ait été de plus en plus perceptible ces dernières années, il y a, maintenant, un soudain éclair de lucidité générale : Mme Thatcher continue encore et encore. Maintenant, c'est clair comme du cristal. Beaucoup pensaient depuis longtemps que Tony Blair, en plus impitoyable et, si cela est possible, en moins sentimental, était la continuation de tous les principes fondamentaux du thatchérisme. De fait, cette prise de conscience est devenue inévitable parce qu'il est désormais clair comme du cristal que Gordon Brown sort exactement du même moule.

Pourtant, ces dernières années, ses manœuvres pour prendre l'avantage affichaient parfois une différence avec le « blatchérisme ». Ainsi il a prononcé plusieurs discours au congrès travailliste paraissant encore sensible à divers aspects de leur vieille rhétorique. Néanmoins, en le voyant apparaître au congrès des syndicats en 2007, et expédier résolument le cas des travailleurs à faible revenu du secteur public avec un accord unilatéral maintenant leurs salaires en dessous de l'inflation, on n'a pu que reconnaître sa sympathie prioritaire envers les bonus des directeurs des grandes sociétés. L'égalité à terme n'est évoquée nulle part.

La désintégration rampante

Aujourd'hui, la moitié de la population de Grande-Bretagne, prise dans son ensemble, ne gagne qu'un tiers de la totalité des revenus de trois pour cent de nos plus gros nantis.

Évidemment, l'ère Thatcher aura une fin un jour, et il se peut que cela soit pour bientôt. Qui peut encore oser la défendre au sein du peuple? Elle n'est supportée que parce que la classe politique toute entière a été corrompue sous son règne. Le résultat de cette corruption se manifeste à travers divers éclatements. En Angleterre, la désintégration la plus visible affecte le tissu social. Elle se manifeste dans le secteur même du sous-prolétariat par des fusillades sauvages entre clans rivaux et d'enfants qui se donnent des coups de couteau à l'école. La guerre des gangs éclate dans nos villes, tandis que les seigneurs de la drogue imposent leur règle à des territoires entiers. La désintégration sociale s'accroît dans nos villes, l'étendue de quartiers inhabitables s'étend pour le pauvre respectable dont le salaire est gelé alors que ses problèmes s'accentuent.

Les choses sont apparemment différentes en Écosse où un authentique social-démocrate est parvenu à la tête du gouvernement parce que les nationalistes écossais ont laissé un espace, même réduit, de véritable choix à un peuple encore plus affecté par les indignités du blatchérisme. La haine justifiée de Thatcher dans les bassins houillers d'Écosse posera encore longtemps des problèmes au nouvel hôte de Downing Street, dont l'électorat a sérieusement souffert des ravages de celle-ci.

Avant la chute de Tony Blair, Richard Brooks, directeur de la Fabian Research, demandait s'il était temps d'aller plus loin dans la révision de la constitution du Parti travailliste, en rectifiant la nouvelle clause IV. Cela consiste en un tel blablabla anesthésiant qu'il est peu probable qu'un homme politique quel qu'il soit veuille la transformer, prenant le risque de s'engager réellement, par mégarde, à faire quelque chose ou à aller quelque part.

Suite dans notre revue Utopie Critique N° 43