Paul Ariès est co-organisateur du contre-Grenelle de Lyon du 6 octobre 2007, auteur de La Décroissance : un nouveau projet politique (Golias, octobre 2007), Le Mésusage. Essai sur l'hyper-capitalisme (Parangon, 2007), Misère du sarkozysme (Parangon, 2006), rédacteur au journal La Décroissance, directeur du journal d'analyse politique Le Sarkophage, « contre tous les sarkozysmes » (en kiosque).

 

L'Organisation d'un contre-Grenelle de l'écologie le 6 octobre 2007 à Lyon fut une réponse à la convocation par Sarkozy de son Grenelle de l'environnement. Le Grenelle officiel n'apportera pas de réponses à la crise écologique mais confortera la stratégie de Sarkozy qui s'est servi de cette opération médiatique pour diviser et casser l'écologie politique et pour développer les fondements d'une politique visant à faire payer la crise écologique aux plus pauvres. Le refus de prononcer un moratoire sur les agrocarburants et le choix du tout nucléaire en Europe sont autant d'indices que ce Grenelle était un marché de dupes. Le contre-Grenelle entendait donc faire dissensus au moment où le pouvoir voudrait faire croire qu'il pourrait exister des remèdes gagnant/gagnant, bref qu'il serait possible d'avoir des solutions écologique profitables aux pauvres et aux riches. Que cette première grande opération idéologique après la victoire du sarkozysme ait concerné l'écologie montre bien que la question environnementale va être l'une des grandes affaires du XXI siècle. Que le contre-Grenelle ait été lancé par des objecteurs de croissance, pour être reprise par d'autres milieux, prouve aussi que la décroissance a désormais la capacité de peser dans les débats et les résistances.

Un Grenelle sarko-compatible

Nicolas Sarkozy est partout. Il voit tout. Il sait tout. Il supervise tout... Cette toute-puissance prêtée à notre Président omniprésent nous interdisait de croire que le Grenelle puisse être autre chose que celui de Nicolas Sarkozy. La grande question est donc de savoir si le sarkozysme peut être, lui, écolo compatible.

Le Conducator de la France est certes suffisamment fin tacticien pour que l'opération politico médiatique accouche aussi de quelques gadgets donnant ainsi l'illusion que le jeu était ouvert, que les décisions qui seront prises finalement par le pouvoir (et lui seul) étaient les meilleures (voir les seules possibles) et qu'elles feraient consensus parmi les gens sérieux et réalistes. Le réquisitoire du procureur Borloo est d'ailleurs prêt : ceux qui ne communient pas dans l'Union sacrée autour de Sarkozy, sous prétexte d'environnement, seraient des adeptes du retour à la bougie et des ennemis des pauvres... puisque seul davantage de croissance économique pourrait résoudre les inégalités sociales. Ce n'est pourtant pas par sectarisme ou jusqu'au-boutisme que nous avons condamné cette mascarade verte mais parce que le sarkozysme ne peut qu'accoucher pour des raisons politiques d'une écologie socialement indigeste... Ce Grenelle constitue une OPA de la droite, des milieux d'affaires et techno-scientistes sur les questions environnementales et les milieux écologistes.

 La première victoire de Sarkozy est d'être parvenu à déplacer la ligne de fracture en opposant ceux qui étaient au Grenelle (comme l'Alliance pour la planète) et ceux qui n'y étaient pas : parce que non convoqués (objecteurs de croissance) ou refusant d'y être associé (réseau sortir du nucléaire), c'est pourquoi le contre-Grenelle a voulu rapprocher les opposants de l'extérieur (comme les journaux La décroissance ou Le sarkophage) et les dissidents de l'intérieur (comme la Confédération paysanne, Action-Consommation, certains groupes d'Attac) qui sont pourtant sans aucune illusion sur le caractère potentiellement « écolo-compatible » et « socialement-compatible » du sarkozysme.

La deuxième victoire de Sarkozy est d'avoir fait croire à l'opinion publique (et plus grave à une partie des mouvements environnementalistes) que l'on pourrait faire de l'écologie en dehors de toute mobilisation sociale et de toute politique. Croire que l'effet médiatique du Pacte Hulot ou de Yann Arthus Bertrand puisse en tenir lieu est une supercherie car eux-mêmes contribuent à dépolitiser l'écologie. Ce Grenelle officiel ne pouvait donc qu'être un marché de dupes car, pas plus dans le domaine environnemental que social, on ne négocie à froid, c'est-à-dire sans construire préalablement un véritable rapport de force. Laisser croire qu'on puisse s'entendre avec le Medef, la FNSEA et les adeptes du « travailler plus pour gagner plus » est donc politiquement dangereux. On constate d'ailleurs que ce Grenelle a réduit au silence les mouvements de défense de l'environnement et les a conduit à multiplier les signes de ralliement.

Un sarkozysme non écolo compatible

Le sarkozysme est l'importation de la révolution conservatrice mondiale il ne peut donc être « écolo compatible » ni « socialement compatible ».

Le sarkozysme ou la religion de la croissance

Le sarkozysme n'est pas écolo-compatible puisqu'il est la poursuite de la religion de la croissance et la réhabilitation comme jamais du culte du travail comme fondement de la vie. Or les Français appartiennent majoritairement aux 20 % d'humains qui s'approprient 86 % des ressources planétaires alors qu'aucun rattrapage n'est possible, puisque, si six milliards d'humains devaient partager notre mode de vie, une seule planète Terre ne suffirait pas... La croissance économique n'est donc pas la solution contrairement aux déclarations de J. Attali. Laisser croire qu'une croissance infinie puisse être possible ou nécessaire dans ce monde fini, c'est donc accepter que le capitalisme et plus largement la société de consommation perdurent et qu'ils déploient toujours plus leur logique mortifère jusqu'à la privatisation totale du vivant. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » est le summum de l'amiécologisme puisqu'il enferme chacun dans son rôle de forçat du travail et de la consommation. Il inverse ce qui est de l'ordre des moyens (l'économie) et des buts (le faire société). « Travailler plus pour gagner plus » c'est toujours plus de production, toujours plus de consommation, toujours plus de destruction de la planète, pour toujours plus de profit pour les riches et de misère pour les pauvres.

Suite dans notre revue Utopie Critique N°43