Le populisme : désigne d’abord tous ces « Affreux, sales et méchants » (film d’Ettore Scola, 1976), qui ont perdu leur emploi, sont au chômage, ou n’ont jamais travaillé faute de qualification professionnelle, enchaînent les « petits boulots » 3h par ci, une journée par-là, 1 à 3 mois puis rien, survivent comme ils le peuvent avec le RSA et autres chiches allocations, vont chercher leur nourriture aux restos du cœur et dorment dans la rue, leur vieille voiture ou un garage. Ils ne sont pas organisés, sauf très peu par quelques syndicats ouvriers. Ils ont une conscience de classe très fluctuante ; ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales, en majorité ils s’abstiennent, ou au pire ils votent en faveur d’imprécateurs haineux.
Les « couches moyennes » les regardent avec un certain mépris moralisateur – au nom de la « responsabilité individuelle : s’ils en sont là c’est qu’ils sont responsables de leur situation - mais aussi une certaine angoisse : « Cela va-t-il nous arriver ? ». Elles, le substrat des politiques de la social-démocratie (ou des démocrates Us), se tournent, au cours de ces trente années, vers le mieux disant à droite pour défendre politiquement et socialement leur place et leur ascension dans la société, une droite qui devient de plus en plus conservatrice et autoritaire.
Les couches « globalisées », dont on peut dire qu’elles ont une vraie conscience de classe, sont impatientes d’abolir toutes les règles (droit du travail, frontières, charges sociales, redistribution, etc.), rêvent d’une ubérisation totale de la société et jouent avec le ni-ni d’un Macron, comme en France.
Seules quelques dizaines de milliers de militants syndicaux ou politiques et de citoyens conscients, ne renoncent pas.
C’est ainsi, qu’une une part non négligeable des victimes de la globalisation financière, de la dérégulation du travail et du dumping social, délaissée par les partis de « gauche » reprenant à leur compte le jeu du moins disant social, a fini par être sensible aux thèmes de l’«América first » de Trump (un Berlusconi/Bernard Tapie/et père de la famille Kennedy à lui tout seul) ; du « Brexit » de l’Ukip de Niguel Farage –dont on peut noter ici l’inconsistance politique lorsqu’il démissionna après avoir gagné ! tout comme celle des « élites » politiques britanniques qui se sont avant tout demandées « comment annuler ce vote » ; aux insultes de Beppe Grillo contre la « Casta » et plus largement la politique ; aux sirènes xénophobes et racistes du Front National, en France. Sans parler des dérives anti démocratiques de l’Autriche, des Pays Bas, de la Pologne, de la Hongrie, etc.
Ou révolte ? : elle peut prendre divers chemins, et s’exprimer dans des votes « inattendus ».
C’est ainsi que les dirigeants de l’establishment Londonien n’ont pas vu venir la rupture avec l’Union européenne. Eux, les théoriciens du libre-échange et de la finance globale, du : « There Is no alternative » de Margaret Tatcher, (auquel s’opposa le réalisme des Punks, comme les Sex Pistols, avec leur : « No future ») sont aujourd’hui contraints de quitter l’Union européenne, un golem qu’ils ont façonné à leur image et qui ruine les peuples européens.
Et, contre tous les pronostics, c’est Donald Trump le nouveau président des Usa, au style proche du docteur « Folamour » (réalisé par Stanley Kubrick en 1964), qui veut détricoter non seulement les politiques de son prédécesseur, mais aussi plus de 70 ans de règles des Institutions internationales issues de la deuxième guerre mondiale (pour pérenniser à tout jamais la Paix, en principe), dont les Usa étaient la colonne vertébrale et le dominant absolu. Il menace de se retirer de l’Onu (en diminuant sa participation de 40%), de l’Otan (ou en réduire la voilure), de l’OMC, etc. Et il s’empresse de signer l’acte de retrait des Etats-Unis du traité de Libre-échange avec le Pacifique, mis en place par l’administration Obama, « une bonne chose pour le travailleur américain » comme il l’a dit !
Bref le monde à l’envers ? D’une certaine manière, oui, car la Chine s’est immédiatement posée en défense de l’OMC, et en leader du libre-échange mondial !
Pire, aux yeux des démocrates, il traite Vladimir Poutine comme « son ami ». Certes cette nouvelle affection n’est pas sans calcul politique : peut-être isoler une Chine devenue dangereuse pour le « monde libre », comme le souhaitait Obama lui-même. En fait, il peut y avoir une vraie rencontre entre eux deux, car Trump, comme Poutine ont, si ce n’est le même caractère autoritaire, le même projet : faire en sorte que leurs pays retrouvent leur « grandeur ».
Parenthèse, quelques réflexions.
Certes le personnage est plutôt ahurissant et ne manquera pas de surprendre et on ne peut encore mesurer l’incidence réelle qu’il aura sur la marche du monde. C’est un pur produit du capitalisme triomphant, brutal, machiste, etc. Cependant pourquoi ne pas prendre au sérieux ses propos sur la Russie et l’Otan ?
L’Otan a été créée dans le cadre de la guerre froide contre l’Urss. Alors que l’Urss s’effondrait, le maintien de l’Otan n’avait plus lieu d’être. Décider de son maintien et de son élargissement aux pays de l’ex « bloc soviétique », alors que la promesse avait été faites à Gorbatchev d’une non intervention des « Occidentaux » aux « marches » de l’Urss, ne pouvait qu’ouvrir une période de nouveaux conflits. Ce fut la ligne majeure de la politique extérieure de l’administration américaine, des Républicains aux Démocrates, tout comme celle de la belliqueuse Hillary Clinton. Politique dont l’Europe, une fois de plus, pouvait être la première victime en cas d’affrontement avec la Russie.
Les Européens n’auraient-ils pas, en se dégageant de la tutelle de l’Otan, intérêt à dialoguer avec Poutine, en finir avec les sanctions, qui bloquent les échanges avec cette autre partie du continent européen ? Construire une relation stable avec un voisin qui ne manque pas de ressources (un peu comme dans le cadre de la coopération spatiale) ? Quel intérêt la Russie aurait-elle d’une guerre avec l’U.E ? Et l’U.E avec la Russie ?
La Russie est « agressive » ? Hélas, ce n’est pas un pays de bisounours gentils, mais il vient du côté « Occidental » une volonté réelle de réduire son influence et son territoire à une portion congrue, comme au bon vieux temps de la guerre froide.
La mini guerre de la Géorgie (en fait, entre Washington et la Russie par l’intermédiaire de son Président Mikheil Saakachvili sous contrôle Us) ; la confrontation en Ukraine (où la majorité de la population du Donbass russophone fit sécession contre la politique russophobe de Kiev, pour s’organiser en Républiques qui réclament une autonomie régionale) ; comme en Crimée (la Tauride de Catherine II de Russie) qui vota de même pour une république autonome déterminée à rejoindre la fédération russe, sont des avatars de la politique de Eltsine et celle de l’Otan. Sous tutelle des « spin doctors » américains, Eltsine a laissé l’Urss imploser sans aucun débat sur l’avenir des relations entre le centre et la périphérie.
Ces guerres ne sont pas dirigées contre l’Union européenne. Ni l’intervention russe en Syrie. C’est devant la tiédeur de la coalition et d’Obama, que Poutine a compris qu’il avait en mains les cartes pour reprendre la mise au plan international en montrant sa détermination à lutter contre l’E.I. (et à garder son unique base navale en Méditerranée). Un avertissement pour un Caucase toujours plus ou moins secoué par la question de l’Islam radical.
Accepterions-nous que notre territoire soit encerclé par des missiles et des moyens d’écoutes les plus sensibles ?
« Poutine veut rétablir l’Empire », peut-être que les Russes ont moins besoin d’un Empire que de relations amicales (sans naïveté), qui les aident à retrouver le chemin d’un développement politique, économique, et social qui leur appartienne en propre.
Les Usa ne sont-ils pas « agressifs », eux qui ont mis en danger la « Paix mondiale » dès la fin de la deuxième guerre mondiale, contre le processus des guerres de libération anti coloniales ou anti impérialistes (Corée, Vietnam, Amérique Latine, Cuba, etc.), leur soutien des dictatures, et enfin les « guerres » du pétrole qui ravagent le Moyen Orient depuis 20 ans ?
Trump affirme que les Usa n’ont plus vocation à être les « gendarmes du monde » ? Soit prenons-le au mot, sans cesser de prendre garde à son côté « Folamour ». L’Union européenne est en « crise » mais la véritable Europe, celle des peuples, a toute la capacité de se faire entendre si elle veut peser pour la paix et contre les guerres.
Il prétend « éradiquer » l’E.I, comment ? En utilisant quelles forces ? Il dénonce le pacte conclu avec l’Iran sur le nucléaire, et assure Israël de son soutien, y compris sa politique de colonisation des terres en Cisjordanie ?
Son ennemi principal semble être la Chine. Va-t-il intensifier la politique d’encerclement militaire établie par l’administration Obama et aller jusqu’à proposer l’armement nucléaire au Japon ? Devant la menace du nucléaire, que vont faire les pays de la zone pacifique dont certains se souviennent de l’occupation japonaise ? Quelques-uns semblent déjà l’avoir réalisé : établir de meilleures relations avec la Chine, comme l’Australie.
Il faut dire à Trump et sa nouvelle administration, que ses propos sur la Chine – dont il ne doit pas oublier par ailleurs qu’elle a accumulé d’importants moyens de défense sophistiqués et qui est dans une phase d’expansion internationale - sont lourds pour l’avenir de la planète. Les Usa étant toujours, et de loin, la première puissance militaire, ils ont encore une énorme responsabilité sur l’équilibre du monde.
Et surtout nous aurons à agir contre certaines de ses intentions : sa politique envers le Mexique et l’Amérique latine, les pays arabes et la Palestine, l'environnement, les femmes, l’avortement, etc.
Son entourage d’hommes d’extrême droite, de militaires interventionnistes, de businessmen sans principes, de fondamentalistes religieux est une menace potentielle. On ne sait vraiment comment sur le long terme de ces 4 années à venir, les citoyens attachés à la démocratie vont réagir politiquement face à un président qui veut les diriger comme un patron de droit divin dirige son entreprise, en jugulant toute contestation, mais on sait comment en périodes d’incertitudes les risques de conflits peuvent s’accumuler.
« La gauche » et l’Union européenne ?
Dans l’U.E, il revendrait à la « gauche » d’être vigilante si elle n’était pas sous forte influence social-démocrate totalement inféodée à l’Otan, et affaiblie par une crise idéologique fondamentale.
Sur de courtes périodes les sociaux-démocrates ont eu une influence réelle pour quelques améliorations sociales dans l’U.E. Mais assez vite, ils se sont convertis au libéralisme économique et politique tout d’abord de J. Delors, l’homme de la dérégulation bancaire, puis ensuite de la « troisième voie » de Tony Blair, ce qui a conduit son pays 20 ans plus tard au Brexit.
La social-démocratie européenne a renoncé à son engagement contre « l’injustice sociale » et pour « la redistribution des richesses produites par le travail » en se pliant aux politiques de « réformes » à la Schroeder. D’autre part elle est dominée par la social-démocratie allemande elle-même diluée dans un engagement de grande coalition avec la Cdu de Merkel depuis plus de 10 ans. Et c’est Merkel qui donne le tempo et encore pour les 4 ans à venir si elle est reconduite dans ses fonctions. La social-démocratie est devenue respectueuse des lobbies du « marché », de la finance internationale dérégulée, des entreprises multinationales.
Les Entreprises sont satisfaites, elles ont obtenu que cette « gauche » suicidaire revendique une politique de « baisse du coût du travail » sans aucun état d’âme.
Aujourd’hui l’Europe sociale, si tant est qu’elle puisse avoir existé, se meurt, ouvrant le terrain aux droites réactionnaires et aux extrêmes droites.
Et ce n’est pas le Parti démocrate Italien, avec sa mortelle dérive centriste, ou le PS en France avec la fin guignolesque de la mandature Hollande qui peuvent être à la base d’une nouvelle gauche socialiste autogestionnaire.
Pour comprendre sa rupture avec le peuple français, il faut relire son discours de campagne en 2012, dans lequel « la finance » était son « ennemie principal ». Un discours qui voulait obliger Merkel à revenir sur la règle des déficits, à opposer « des investissements créateurs d’emplois » contre « l’austérité ». Voir comment il a fini dans le naufrage de la loi sur le travail « El Khomri », c’est-à-dire la pire attaque qu’ait connu le monde des salariés en France depuis 1945 en offrant au patronat la casse sociale à coups de 49-3.
La survie du Ps sera difficile, livré à l’antagonisme qui s’est clairement exprimé au cours du mandat et lors des débats de la Primaire de janvier 2017, entre une « gauche de gouvernement » sociale libérale (dont certains élus veulent rejoindre Macron) et une gauche « sociale » un peu « hors sol » avec son revenu universel (qui contourne la question du travail). Le risque pour le Ps est de retomber à son niveau au temps de Gaston Deferre avec ses 5% à l’élection de 1964.
Une « gauche » fragmentée, de Hamon à JL Mélenchon, qui sans une rupture claire avec le capitalisme ou avec l’illusoire réforme de l’Union européenne, ne peut être une alternative solide.
Il reste donc à reconstruire une gauche sur un programme socialiste et autogestionnaire. Quelques petits espoirs semblent se dessiner.
Aux Usa même : la réactivité de ces masses de jeunes, femmes, migrants, de minorités exclues, lors de la marche sur Washington, certes, n’est pas nouvelle. Mais elle vient après la mobilisation de « Occupy Wall Street ». Après le vote au cœur du capitalisme de 13 millions de voix, des jeunes, qui n’ont pas eu peur du mot socialisme et ont voté pour B. Sanders surgissant de la vielle garde du parti socialiste d’Amérique (fondé en 1901). Tout cela représente une base possible pour la reconstruction d’une gauche indépendante des Démocrates comme des Républicains.
Par ailleurs, Trump a fait beaucoup de promesses, sur l’emploi. Il veut entre- autres détruire la loi de l’Obama care - certainement imparfaite - mais qui a permis à plusieurs millions d’Américains pauvres de pouvoir enfin se soigner. Tant de promesses qu’il lui sera difficile de tenir. Quand son électorat vérifiera que sa situation ne change pas et au contraire se détériore, il pourrait se retourner contre lui et son gouvernement.
Dans l’Union Européenne, il y a encore une capacité de résistance, des forces qui luttent contre les dérives libérales. En Grèce malgré les mains de fer de Bruxelles, du FMI (et donc aussi celles des autres gouvernements européens hypocrites), qui poussent le pays vers une misère insupportable et qui se retrouve seul. Même JL Mélenchon s’est éloigné de son ex « ami » Tsipras le laissant entre les mains de Hollande. Au Portugal, avec l’arrivée d’Antonio Costa, secrétaire général du parti socialiste, qui devient premier ministre soutenu par une coalition de partis de gauche (à la place d’un social-démocrate conservateur) et dont la situation n’a rien à envier à la Grèce. En Espagne, avec Podemos bien que le parti-mouvement se déchire sur la question du programme et des alliances. Et même en Grande Bretagne avec le Labor de Jeremy Corbin (et quelques ambiguïtés), mais qui a fait venir à lui plus de 300000 jeunes adhérents. Ou encore en Italie avec les militants des 750 comités du « NO » contre un Renzi qui voulait concentrer entre ses mains tous les pouvoirs pour imposer une politique toujours plus anti sociale.
Il reste que le « maillon faible » d’une nouvelle alliance socialiste, autogestionnaire, écologique et féministe, c’est la France, avec un éparpillement dérisoire des groupes politiques, et des candidats qui s’affrontent faute de se rassembler sur une plate-forme commune, même basique. Or le problème majeur de la France, c’est toujours la forte présence du Front National.
31 janvier 2017