Les rodomontades de Trump ne font pas sourire. Il donne des sueurs froides à l’ensemble des responsables politiques, sauf à l’israélien « Bibi » Netanyahou qui applaudit à toutes ses annonces, surtout lorsqu’elles sont dirigées contre le nucléaire iranien. « Bibi » est très satisfait car pour la « première fois depuis la création d’Israël » (sic), les Usa vont installer « une base officielle dans le désert du Neguev » (Septembre 2017). Comme si les Usa ne soutenaient pas en sous-mains et depuis toujours la politique israélienne. Et à l’heure du rapprochement entre le Fatah et le Hamas, il en profite en toute impunité pour étendre les colonisations, comme à Hébron, et il quitte l’Unesco, bras dessus bras dessous, avec son ami Trump.
Depuis qu’il est élu, Trump s’évertue à défaire, au nom du « Make America great again », tout ce qu’avait tenté mollement Obama, c’est-à-dire une politique extérieure des Usa un peu plus apaisée (par exemple envers Cuba, toutefois sauf au Moyen orient).
Trump lors de sa campagne pouvait jouer à se présenter comme un pacificateur des relations avec la Russie. Mais ne nous y trompons pas, il a été rattrapé par l’administration américaine, qui de Républicaine ou de Démocrate, est toujours largement influencée par un « quarteron » de néo-conservateurs et de représentants du bloc militaro-industriel qui préside encore aux destinées du pays depuis Reagan et Bush junior. Trump a vite durci ses positions envers l’Iran et la Corée du nord. Il ne fait que poursuivre la politique d’Hillary Clinton (surnommée « la reine du chaos », par l’essayiste américaine Diana Jonhston), qui a soutenu les guerres en Orient et mène une politique agressive envers la Russie.
Ce en quoi, nous pouvons craindre qu’ici ou ailleurs, en Corée du nord ou en Iran - c’est à dire en fonction des besoins du bloc militaro-industriel de vendre des armes, de détruire un pays pour ensuite le « reconstruire » - une offensive ou des offensives militaires Us surgissent. D’autre part les Usa ne peuvent laisser passer le fait que les Russes ont gagné dans l’affrontement avec l’EI en Syrie et qu’ils redeviennent ainsi un interlocuteur privilégié dans la région. Ils ont donc « besoin » de montrer leur puissance pour « rétablir l’équilibre ».
Allemagne
Les analyses sur les conséquences des élections en Allemagne ont vite été occultées en Europe par les déclarations de Trump, et par la crise catalane. En matière d’information, un évènement chasse rapidement l’autre. Or il faut noter que ces élections n’ont pas été confortablement gagnées par Merkel chahutée dans les länders de l’Est par l’AfD, même si elle remporte un 4ème mandat, ce qui, pour nous Français, est déjà extraordinaire. Elle doit former avec la CSU bavaroise une nouvelle coalition qui comprendrait les libéraux et les Verts, un exercice assez périlleux au regard de leurs nombreuses oppositions (écologie, social, migrants, etc.).
Quant au SPD de Martin Schulz, son échec confirme le lent effritement de la social-démocratie européenne. Rappelons que les socialistes français espéraient beaucoup de la victoire d’un Martin Schulz, président du parlement européen, et qui allait les conforter dans leurs choix stratégiques européens et nationaux. Même Hamon s’était obligé au voyage à Berlin, car il y croyait. Courte vue, défaut d’analyse de la réalité ? une politique française trop suiviste des orientations allemandes ? Ou une méconnaissance de ce qui se passe en France et ailleurs ?
Bref, que l’on soit Allemand, Français, Italien et surtout Grec, il ne faut pas s’attendre à ce que l’Allemagne change de politique économique et sociale avec l’arrivée des Libéraux et celle de Macron au niveau européen. La France, faute de défendre son Etat/providence ne sera qu’un second rôle évanescent derrière l’Allemagne.
Catalogne
La Catalogne a une longue histoire de volonté indépendantiste fondée sur le projet républicain de créer une nation catalane rejetant la monarchie des Bourbons. Régulièrement, des marches, des consultations ont lieu mais sans obtenir la majorité des voix, par le simple fait aussi qu’il y a aussi de nombreux espagnols qui vivent en Catalogne. Le dernier référendum devait être une bonne initiative pour relancer le processus. Mais les conditions de ce vote lui ont enlevé toute légitimité, les agissements répressifs de Rajoy empêchant son bon déroulement... Cela dit, la direction catalane semble être prête à tout, tout en étant ambigüe ; à une aventure qui pourrait même finir par ruiner son projet, qu’elle ne semble pas avoir réellement préparé...
L’U.E, sans intervenir dans ce débat interne à l’Espagne, pourrait cependant souffler l’idée d’un nouveau référendum/ou des élections anticipées, à organiser dans des conditions légales et/ou une reprise de discussion entre les deux parties. Mais elle soutient ouvertement le gouvernement central espagnol, qui défend droit dans ses bottes sa légitimité.
C’est un moment très grave qui peut avoir un retentissement sur toute l’U.E, d’abord sur les autres peuples minoritaires. Par exemple, un référendum va avoir lieu le 22 octobre en Italie à la demande de la Lombardie et de la Vénétie (la « Padanie » de la Ligue du Nord). Certes ce ne sont pas les mêmes conditions historiques qu’en Catalogne. La Lombardie et la Vénétie ne veulent qu’élargir leur autonomie à la possibilité de récupérer pour elles-mêmes une partie des taxes qu’elles versent à l’Etat central. Mais surprise de taille, c’est maintenant au tour de l’Emilie, terre historiquement rouge s’il en était, de parler aussi d’autonomie ! (Il Messaggero 4/10/2017)
Ce sont généralement les provinces les plus riches, la Catalogne comme le Nord de l’Italie (à l’exception du Piémont, pour d’autres raisons historiques, celles du combat pour l’unité italienne) qui ne veulent plus participer au développement global d’un pays, souvent contre leur « Sud », plus agricole, plus pauvre, moins structuré ! Ce qui est valable pour la Catalogne et l’Italie, l’est aussi pour d’autres régions d’Europe et même en l’Allemagne où les 3 länders les plus riches rechignent à participer au développement de ceux de l’Est.
La Catalogne réactive l’activité de l’ensemble des peuples minoritaires en Europe qui soutiennent son combat et réfléchissent de nouveau aux choix à opérer : élargissement de l’autonomie dans l’ensemble national ou indépendance ?
La « construction européenne » est une force centrifuge anti-démocratique qui fait voltiger en éclats les Etats-Nations et les Peuples en nourrissant les réactions séparatistes au nom du « plus de démocratie » mais aussi d’une défiance envers les autres peuples dans un « chacun pour soi », réduisant ainsi la capacité de chacun à agir contre le Centre pour une Europe socialiste, solidaire.
Et si elle n’y prend garde L’UE, au caractère déjà peu démocratique, pourrait se transformer en une administration bureaucratique de type Empire, encore plus qu’elle ne l’est, régissant une multitude d’Etats ethniques ou culturels ramenés à la situation de confetti (balkanisés) et donc soumis. Une administration d’Empire dans laquelle l’Allemagne (par son économie encore dominante), comme en son temps l’Autriche de l’Empire Austro-Hongrois, exercerait ouvertement le pouvoir sur différentes nations et peuples. On sait comment cela s’est terminé.
France
Tandis que Macron-Jupiter sabre à grands coups dans l’Etat providence et émaille son action de petites phrases cinglantes et méprisantes en direction des Français qui se mobilisent contre ses mesures - « je ne céderai pas aux fainéants », « aux jaloux » (de préférence lorsqu’il se trouve à l’étranger, ce qui est quand même incroyable) - les appels des syndicats et de la France Insoumise pour la convergence et l’intensification des luttes, ne prennent pas facilement. Certes le nombre de manifestants reste important mais très en deçà, loin des dernières manifestations du début de l’été et certainement pas « la vague » souhaitée par JL Mélenchon.
C’est que Macron attaque tout azimut et tire dans tous les coins cherchant à épuiser rapidement les syndicats qui lui sont hostiles, et avant tout la CGT, et qui pourraient être tentés de répondre sur tous les fronts avec pour résultat d’éparpiller les mobilisations et non pas de les centraliser sur des objectifs communs, comme la lutte contre la déréglementation du travail.
Pour en revenir aux « ordonnances » sur la loi travail, elles ont été précédées de « réunions » avec les syndicats, mais avec certains syndicats (FO et CFDT) plus que d’autres (CGT), dans lesquelles aucun document écrit n’a été proposé réellement à la discussion. Afin de préserver le secret jusqu’au vote ? Un vote qui était prévisible, Macron détenant la majorité absolue. Ses hommes et ses femmes ont voté « d’un seul homme » en toute obéissance, un projet qui organise la casse de la solidarité :
- - Priorité à la négociation d’entreprise qui va permettre un recours aux contrats précaires sans limites, ou par exemple, au statut de « travailleurs indépendants » qui seront en situation de dépendance totale envers les entreprises « donneuses d’ordre », qui n’auront pas ainsi à payer les cotisations sociales. Où l’on voit réapparaitre le travail à la tâche (ex. celui des cyclistes-livreurs) que l’on croyait oublié dans les accessoires du 19ème siècle.
- - Des contrats de travail « indéterminés » mais avec une durée maximale de 5 ans.
- - Et surtout une relégation des syndicats à la porte des entreprises, en offrant la possibilité à l’employeur de conclure des « accords » directement avec les salariés, sans médiation syndicale.
Quand l’on sait le rapport de subordination qui lie le salarié à son employeur et qui constitue les termes de base du rapport de force principal, on voit bien ici – alors que cette « réforme » se veut être « démocratique » - son inspiration libérale. L’entreprise qui était apparue au cœur du projet du Parti socialiste depuis les années 1980, est maintenant confirmée comme le « sujet » principal de la politique de Macron : la « rente » contre le « salariat ». Et les « ordonnances » sans débats politiques à l’Assemblée nationale, mettent fin aux conquêtes de Mai 1968 qui intronisaient la présence de la section syndicale dans les entreprises.
Ne parlons pas de son projet budgétaire qui veut respecter à la lettre les 3% de déficit (voire moins) et pour cela tailler dans tous les budgets, sociaux, éducation, et réduire le nombre de fonctionnaires, etc. Par contre l’ISF (impôt sur les grandes fortunes) est supprimé, la fiscalité sur le capital allégée et l'impôt sur les sociétés réduit.
Quant à son projet industriel on ne peut qu’être inquiets avec l’affaire Alsthom/Siemens qui ressemble fort à une cession de bijoux de famille au mieux disant. Siemens deviendrait l’actionnaire principal avec 50% des parts et après 4 ans, le groupe allemand pourrait absorber l’entreprise. Notons que Macron avait déjà négocié la vente de la branche énergie à l’américain Général Electric (qui vient de procéder à des licenciements) en tant que ministre de l’économie. Défendre les starts up et l’innovation technologique, c’est parfait, mais encore faut-il en arrière-plan un tissu industriel vivant qui sache mettre en œuvre ces créations, plutôt que de voir leur réalisation partir en Chine, ou en Allemagne.
Enfin, Macron pense avoir résolu le soi-disant « conflit de générations ». Jusque-là, la retraite était payée au nom d’une répartition solidaire, « les actifs payant pour les retraités ». Le développement du chômage a remis en cause ce fondement de l’Etat social français, d’où les allongements successifs de l’âge de départ à la retraite et des discours qui visent à remettre en cause ce principe pour « éviter un conflit de génération » : les « vieux » (et les malades par la même occasion) coûteraient trop cher. Et Macron d’imaginer, en la retournant, une étrange conception de la solidarité entre générations. Il a trouvé une « astuce » pour « alléger » les cotisations sociales des salariés, qui va ébrécher sérieusement le lien social entre générations : ce seront dorénavant les retraités qui touchent autour de 1300 euros et plus par mois (avec un plafond) qui vont payer « l’allégement » des « charges sur le travail ». Ce qui devrait se traduire par un salaire « augmenté » d’autant ! En fait une opération nulle car cette « augmentation » toute théorique sera reprise par l’alourdissement de la Contribution sociale générale à + 1,7%.
C’est aussi oublier que beaucoup de ces « vieux » aident tant qu’ils le peuvent et selon leur niveau de revenu les « jeunes » contraints au chômage par une politique fiscale, sociale et industrielle désastreuse.
Derrière ces bricolages et exemptions fiscales qui favorisent essentiellement la « rente » et les riches, se profile une question très importante : qui va payer la redistribution sociale, si peu à peu, on réduit les « charges » sur le travail (qui sont un salaire différé) ? Une taxe sur les robots, cette vieille discussion des années 1970 reprise par Hamon ? Non bien sûr ! Va-t-on vers une suppression totale de la fiscalité et des cotisations sur le travail (au bénéfice des employeurs) ? Par un élargissement de la CSG ? Ce serait en principe plus juste, si elle touchait progressivement l’ensemble de tous les revenus. Mais là encore le capital sera protégé. On va donc vers un désengagement progressif de l’Etat en matière de dépenses sociales, d’éducation, de recherches, de culture, de soins, etc., car il faudra bien compenser toutes « ces largesses » en faveur du capital. Par exemple la Santé qui vient d’annoncer son programme : « passer de plus 5 milliards de dépenses à 2,2 milliards » ! Dans un secteur déjà trop pressuré.
Enfin en politique étrangère, « Macron l’européen » parcourt le Monde pour affirmer qu’une nouvelle ère s’ouvre en France, et qu’il est le seul à pouvoir jouer un rôle « volontaire et actif » pour « une souveraineté européenne » (sic), face à une Merkel qui ne peut le dire, car en Juin 2009, la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a jugé qu’il n’y avait pas de peuple européen, ce dont chacun peut également convenir. En fait derrière les sourires et les « Angela », une compétition pour le leadership européen.
D’autres « réformes » vont venir à un rythme de tambour battant. Pour l’instant la « gauche » est affaiblie par l’échec de la sociale démocratie Il lui faudrait se débarrasser de ses oripeaux libéraux pour refonder un projet socialiste et de lutte de classe, mais pour l’instant elle se divise en plusieurs groupes qui s’accusent mutuellement de cet échec. JL Mélenchon, est certes, un tribun d’exception (un peu 3ème République), mais reste un pôle de résistance, malgré son refus d’alliances. Il veut construire « son » peuple, celui- là même qui lui a manqué de 600 000 voix pour accéder la présidence. Après avoir dilué le combat pour la 6ème république dans la campagne présidentielle pour sa propre élection, il appelle les « gens » à se rassembler pour le grand soir. Même s’il bénéficie d’une réelle sympathie, il n’a pas recueilli totalement la confiance de ceux qu’il voudrait représenter, car il joue un peu sur le « ni droite, ni gauche » et refuse pour l’instant de transformer « son » mouvement en parti politique où des débats ne tarderaient pas à surgir, par exemple, sur sa conception de l’unité.
Toutefois, nul n’est en droit d’oublier que la moitié des Français n’a pas voté à cette élection présidentielle, ce qui est tout à fait nouveau, et que le paysage politique du pays montre, au premier tour, une partition quasi égale entre 4 blocs : République en marche, Front national, droite républicaine et gauche Insoumise.
La question essentielle est donc pour la « gauche » : comment amener les abstentionnistes - les jeunes sans travail, les couches les moins favorisées, exclues ou précarisées, exclues de la culture, et de la solidarité sociale sans parler de la représentation politique - à l’action politique ? Sans être basée sur une alliance de toutes les composantes de « gauche » pour un programme anti capitaliste, clair et net, qui redonne au « nouveau » prolétariat comme à « l’ancien » des armes solides pour une République socialiste autogérée ?
Octobre 2017