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Editorial :
Pour une « dé mondialisation »
citoyenne
Depuis la fin des années 1970, le monde occidental est en crise. De crise du pétrole, en crise monétaire, en crise du capital risque (les start-up), en crise du crédit (les sub-primes), en crise de l'euro, en crise de la dette des États, la population, abasourdie, est menée de crise en crise et surtout voit son niveau de vie de plus en plus remis en cause et ses acquis sociaux s'effriter, au nom de ces crises. Derrière cela, il y a en fait une intense guerre économique. Guerre économique et donc politique entre les États-Unis, les « pays émergents » comme la Chine et « la vieille Europe ». C'est que chacun de ces ensembles veut à sa manière assurer ou asseoir son hégémonie sur le monde. Et l'Europe elle-même, est le lieu de l'affrontement par exemple entre l'Allemagne et les pays du Sud de l'Europe et entre les différents capitalismes, financier, industriel, commercial et foncier.
Un exemple ? A quoi tient la « fragilité » des banques françaises? Au fait qu'elles se sont implantées en Grèce ou en Italie et qu'elles ont acheté de la dette de ces pays. Jusqu'à présent, il y avait un dogme infaillible : « un État ne peut faire faillite » et sa signature valait garantie incontestable. Le dogme a volé en éclat et en un mois elles ont vu leur valeur boursière chuter de 50%. Que s'est-il passé ? En fait le capital des banques françaises est à hauteur de près de 50% détenu par des fonds de pension et autres fonds à majorité anglo-saxons. Comme leur capacité de financement a été dénoncée par les « agences de notation » qui sont essentiellement elles mêmes anglo-saxonnes, tout de suite ces fonds ont vendu massivement les actions des banques françaises qu'ils détenaient. Pour quoi faire ? Aller s'investir ailleurs, comme en Chine où la rentabilité est assurée plus élevée, ou tout simplement pour spéculer car après avoir vendu et obtenu une baisse des cours, certains vont les racheter au prix le plus bas pour les revendre une fois le prix ayant retrouvé son niveau réel.
Cette guerre englobe y compris les différents modèles de société : néo libéral à l'anglo-saxonne mis en place par le couple Thatcher/Reagan qui s'affronte à toute forme d' « État providence ».
Aujourd'hui, pour un Irlandais, un Grec, un Portugais ou un Espagnol, la « mondialisation » c'est tout d'abord l'Europe et les institutions financières internationales comme le FMI ou la BCE qui ont décidé leur faire payer la crise du système. Et ce en créant un climat de fin du monde grâce à l'intervention in fine des « agences de notation » qui viennent les relayer. Aucune force politique, aucun État n'ose leur opposer de résistance mais s'empresse au contraire à mettre en place des « plans de rigueur » qui viennent restreindre les budgets sociaux et précipiter de nouveaux européens dans la pauvreté et le chômage.
Aucune des promesses de « régulation » n'a été tenue. Au contraire, les Grecs, comme les Espagnols, et les Italiens comprennent qu'ils ne seront pas épargnés. Ils vont devoir payer une note plutôt saumâtre : un salaire moyen qui chute de près de 400/500 euros pour les Grecs, près de 400000 postes de travail supprimés dans la fonction publique britannique, pas loin de 50 milliards de restriction budgétaire pour l'Italie et pour la France une série de hausses et de coupes sombres dans les budgets sociaux, comme la santé (remboursements des médicaments et maladies longue durée) ou les indemnités du RSA. Par contre, rien de rien en direction des possédants de la richesse, qui pour la plupart ont déjà du pratiquer « l'évasion fiscale » en Belgique, en Suisse voir en Grande Bretagne, à l'abri des paradis fiscaux.
Et l'Europe d'apparaître sous son vrai visage : une machine à briser le consensus et les politiques sociales, ruines sur lesquelles prospèrent les extrêmes droites qui n'hésitent plus à s'emparer des thèmes délaissés en partie par la gauche et la social-démocratie en particulier : « dé mondialisation », « protectionnisme », « ré industrialisation », etc.
C'est ainsi qu'avec l'accentuation de la crise, une question revient en permanence, celle de la « sortie de l'Euro ». Les opinions fleurissent et se croisent mais ne se rencontrent pas vraiment. Pour le Parti de gauche : « La sortie de l'euro (pas plus que son maintien d'ailleurs) n'est pas une condition nécessaire pour changer de système et de politique ; il y a en effet une stratégie alternative et plus efficace pour renverser le rapport de forces : sortir de l'application du traité de Lisbonne sans sortir de l'Union. (..) Le PG entend œuvrer à une transformation de l'UE, non à sa destruction ». Emmanuel Todd est d'accord pour en sortir mais « il faut sortir sans dire que nous sortons » (Emanuel Todd, colloque du M'PEP « Que faire de l'Euro ? », Juin 2011 à Paris). Et Arnaud Montebourg, nouveau partisan enthousiaste de la « dé mondialisation » vient de commettre un livre : « votez pour la dé mondialisation » (Ed. Flammarion, préface d'Emmanuel Todd), gentil mais totalement inefficace, veut avant tout convaincre l'Allemagne de revoir ses choix politiques et sur les 17 propositions qui terminent son livre, 12 concernent l'amélioration du fonctionnement de l'Europe actuelle, soit toujours plus d'Europe.
On en est donc toujours au même
point : on sort ou on ne sort pas ?
Et ce n'est pas du Parti socialiste qu'il faut attendre la réponse. Il s'est pris au piège des primaires. Son avenir en tant que parti, c'est-à-dire en tant qu'intellectuel militant collectif, porteur d'un projet politique de société, est plus ou moins compromis. Pourquoi ? Que penser d'un parti qui est incapable d'organiser la discussion politique dans ses rangs entre les différents projets qui peuvent se présenter, qui refuse aux militants de désigner en connaissance démocratique leur candidat pour l'élection suprême et confie ce choix à « l'opinion publique » ? Qu'il cède sa responsabilité politique à cette « opinion publique », qu'il laisse les médias désigner le « meilleur candidat » à « l'opinion publique », ce qui revient à plébisciter un choix de « personne » contre un choix de programme ! Il perd donc sa spécificité de parti, pour se transformer en un simple « mouvement d'opinion ». Le risque du degré zéro de la politique est grand.
Dans notre « modernité civilisée» la «mondialisation» pourrait être une multiplication d'échanges économiques, culturels basés sur le respect commun. Or derrière cette mondialisation il y a essentiellement une financiarisation, c'est-à-dire un mode d'accaparement brutal des richesses de l'économie mondiale. Les flux financiers représentent plus de 50 fois les flux liés aux transactions commerciales et ils sont majoritairement spéculatifs, pour ne pas dire des opérations de spoliation de la richesse des Nations. Pour le profit d'une minorité « mondialisée ».
La « mondialisation », n'est en rien inéluctable ni éternelle. Les peuples ont toujours le choix de privilégier leurs intérêts propres ou communs et la « démondialisation » devrait permettre aux États de retrouver leur souveraineté en matière de politique, d'économie comme de monnaie. Par exemple la sortie de l'Euro pourrait être un moyen pour la Grèce de .retrouver un peu d'espace vital. Ou encore une redéfinition radicale de la monnaie unique, qui serait soumise à l'acceptation des différents peuples européens et qui offrirait la possibilité de varier le taux de change d'une monnaie plus fragile en raison des caractéristiques de sa structure économique.
Ah ! Mais il s'agit de « protectionnisme » s'émeuvent certains « alter mondialistes ». Dans un article publié le 6 juin 2011 par Médiapart et signé entre autres par Catherine Samary, Dominique Pilhon, Michel Husson, Pierre Khalfa et Aurélie Trouvé (candidate d'Attac au FMI !) l'amalgame est fait une fois de plus, entre « Souverainistes » et « Frontistes » : « La crise européenne? Certains économistes de gauche pensent que la solution passe par une sortie de l'euro et une dévaluation du franc retrouvé. Le FN rebondit sur ces propositions, adoptant le scénario et même le tempo proposés. (..) Nous ne croyons pas que le retour au national résoudrait la crise de la démocratie (..) C'est dans ces moments d'extrême tension que les politiques brunes se fraient un chemin sous les déguisements les plus divers. La guerre commerciale et monétaire aggraverait la concurrence entre les États et détruirait l'idéal de solidarité que doit porter tout projet progressiste (..) Qui osera proposer la démondialisation et le repli national aux participants du Forum social mondial, aux jeunes en lutte sur la Place Tahrir ou à la Puerta del Sol? »
Nous n'avons pas la même façon d'analyser les faits, camarades et nous vous renvoyons au soutien que vous avez reçu de Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, qui s'exprimait dans le journal Le Monde du1er Juillet « la démondialisation est une mauvaise réponse, c'est un concept réactionnaire ». Où donc avez-vous vu qu'il y avait absence de guerre commerciale et monétaire et de concurrence entre les Etats ? Ni dumping ? Ni concurrence en faveur du moins disant sur le plan salarial ? Qu'il n'y a pas de concurrence entre le produit travaillé par un enfant en Inde ou en Chine par une armada de migrants sans droits et le même produit en Europe pour ne pas dire en France ? Ni guerre monétaire par le biais du maintien d'un euro fort (Allemagne) contre les économies plus fragiles des pays du Sud de l'Europe, fragilité liée à leur particularité économique et géographique ? Que les multinationales se portent bien (y compris les françaises) et qu'elles font la queue à Athènes ou à Lisbonne pour faire des emplettes et remplir leurs cabas avec les entreprises nationales privatisables et tant pis pour l'Etat grec ou portugais ? Vous seriez donc pour cette libre circulation des capitaux et des marchandises qui étrangle ceux qui subissent la « mondialisation » c'est-à-dire la majorité ?
Il est juste que les populations se révoltent contre la crise - contre le fait de payer alors qu'elles ne sont en rien coupables, contre la dictature du capital financier et les politiques anti sociales mises en place par l'Europe et reprises par tous les gouvernements - et contre toutes les dictatures qui méprisent ou bâillonnent leur peuple. Que réclament les foules arabes par exemple ? De la démocratie, c'est à dire : pouvoir s'organiser en partis, syndicats, associations sans craindre la prison et que le parlement puisse représenter la diversité des opinions politiques. Mais aussi un emploi rémunéré de façon à pouvoir construire une vie correcte, une couverture sociale, une retraite, l'accès à la formation, au logement, à l'eau potable, la santé, etc.
Pour cela, il n'y a pas de demi-mesure, il faut remettre tout le système à plat. Nationaliser les banques et les entreprises des secteurs fondamentaux pour le pays, pérenniser et développer le secteur public, voter une nouvelle constituante, mettre en place la proportionnelle aux élections, sauvegarder les protections sociales, économiques, droits de douane etc., donner de nouveaux droits aux salariés et aux citoyens, définir de nouvelles règles fiscales proportionnelles aux revenus, remettre en place une politique redistributive et détricoter l'Europe telle qu'elle s'est construite c'est-à-dire sous le contrôle des marchés financiers. Prendre langue avec les peuples qui seraient sur la même démarche, redéfinir les liens, les thèmes de travail et les décisions à prendre en commun.
Les livres, les colloques, les débats entre « experts » et militants sont nécessaires, mais dans toutes les propositions qui émanent de ci, de là, rarement il est fait référence à l'implication des citoyens. Et pourtant, un peu partout, les places européennes sont pleines de citoyens actifs. Toutefois être « indigné » ne dure qu'un temps, celui de l'indignation. Elle peut retomber et se transformer en ressentiment, en désabusement si ces mobilisations restent sans issues, sans plate forme ni relais politiques.
Enfin, il faut être très clair. Où peut-on, ailleurs qu'au niveau d'un État-nation, voir les citoyens se saisir de ces enjeux dont ils subissent régulièrement les effets et passer à l'attaque pour mettre en place une nouvelle politique ? Il faut se rappeler la manière dont les Français se sont emparés du débat sur la constitution européenne et comment ils ont voté contre l'avis des « experts » de tous poils et de droite comme de gauche.
La vraie démocratie elle est là : c'est aux citoyens de s'exprimer, de se battre pour gérer eux-mêmes leurs affaires et celles du pays dans le cadre de nouvelles alliances au plan national comme international.
Pendant ce temps là les « Indignés » Israéliens ont envahi les places mais la société israélienne refuse toujours toute création d'un État Palestinien légitime, même ramené aux frontières de la ligne de démarcation de 1967 et le gouvernement de Netanyahou maintient la politique d'agression en colonisant le territoire qui devait revenir aux Palestiniens. Qu'il prenne garde, le monde arabe se transforme.