Comme attendu, la nouvelle Assemblée nationale est majoritairement socialiste. Le pays a répondu au vœu du Président et de son Premier ministre : mettre en place « La majorité parlementaire» pour aller au bout du programme. Une majorité parlementaire et, plus large que cela, car en effet, du Sénat aux élections régionales en passant par la plupart des grandes villes, des départements, le Ps et ses alliés détiennent tous les pouvoirs, situation inédite pour la gauche mais habituelle pour la droite qui par ailleurs réagit hargneusement en attaquant la nouvelle majorité à peine élue, une tactique qui lui permet de cacher ses propres difficultés à assumer le bilan du précédent quinquennat et la succession de Sarkozy à la tête de l’UMP pour laquelle comme prévu aussi, les barons s’entredéchirent.
Toutefois, cela n’a pas été si simple. Tout d’abord un taux d’abstention record : 42,78% au premier tour et 44,60% des inscrits au deuxième, soit près d’un électeur sur deux qui a refusé de s’exprimer. Peu d’élus l’ont été au premier tour. A cela quelques raisons.
Les institutions de la Vème République (taillées à la mesure du général de Gaulle, un général qui méprisait les partis) centralisent le pouvoir entre les mains d’un seul homme et donnent la part belle à l’élection présidentielle. C’est devenu l’élection prestigieuse de la représentation politique qui favorise la dérive « monarchie républicaine » constamment dénoncée mais qui perdure et même F. Mitterrand après l’avoir combattue s’est coulé avec délice dans les pantoufles du Général. François Hollande ne devrait pas faire autrement et le projet de Montebourg pour la VIème République est en veilleuse.
Il faut aussitôt mentionner l’absence de proportionnelle qui empêche une vraie représentation des différentes sensibilités politiques des Français. Pour ne parler que de lui, à titre d’exemple, le Front National avec ses 14/15% n’a que 3 élus (contre, il est vrai, 35 en 1986). Les « Grands » partis ont tout fait pour se partager la représentativité à l’image du bipartisme outre atlantique.
Il faut remarquer encore que la classe politique actuelle est essentiellement issue des « couches moyennes », les « couches populaires » (plus de 52 % de la population) ayant disparu des radars d’une grande partie des partis. Ce sont donc des « experts de la politique », des professeurs, avocats, médecins, fonctionnaires et cadres qui siègent et qui cumulent par ailleurs plusieurs mandats électifs. (Le P.S s’est engagé à y remédier, mais il semble vouloir remettre son projet à 2014! C’est que les caciques des grandes villes et des régions veillent).
Il y a l’Europe qui participe à sa manière à cette désaffection. Tout le monde sait qu’aujourd’hui les parlements nationaux européens passent 80% de leur temps (dit-on) à voter les lois proposées par la Commission européenne, bien entendu élaborées loin des populations (mais avec l’aide des lobbies) sous l’œil d’un parlement européen qui n’est représentatif que d’un peu plus de 40 % des européens. Un exemple ? Il va y avoir à voter dans chaque pays la « règle d’or » décidée par Angela Merkel dont la plus grande partie du peuple français et un certain nombre de parlementaires ne veulent pas : « l’aile gauche » du P.S., les élus du Front de gauche ainsi que, semble-t-il, les écologistes. Inscrire cette loi, dans les Constitutions des différents pays, condamne toute autonomie en politique budgétaire et surtout sociale avec la menace d’une sanction dressée par la Cour suprême de Justice européenne, d’une mise sous tutelle des pays « contrevenants » par des « experts » désignés par l’U.E. et même d’un remplacement du gouvernement légitime par un « gouvernement d’experts» non élu (comme en Italie).
Comme atteinte à la souveraineté des peuples on ne peut mieux faire ! Il faudra bien, un jour, parler de l’Europe, non plus comme une « construction » mais comme une « déconstruction » de la volonté et de l’histoire démocratique des peuples.
Il suffit déjà de voir comment la pression s’exerce sur les pays européens qui inéluctablement les uns après les autres sacrifient les dépenses d’avenir comme celles de l’Education, la Solidarité (santé, retraites, recherche et développement, etc.) tout comme les dispositions des Codes du Travail « pour en abaisser le coût » alors qu’ils sont incapables, ou refusent, de prendre les décisions qui s’imposent comme par exemple la nationalisation du secteur bancaire et financier et leur contrôle par l’État, les salariés et les citoyens. Ou encore de définir par décret des lois mettant fin à la rémunération scandaleuse des actionnaires qui réclament, quelles que soient les conditions économiques et sociales, un retour sur investissement à hauteur de 15% ! Ou encore d’imposer une fiscalité à hauteur de ces bénéfices. En droit, les actionnaires en apportant leurs capitaux pour participer à l’augmentation du capital social d’une entreprise peuvent bénéficier d’une part des bénéfices après les dotations aux investissements et aux créanciers de premier rang, mais rien ne les exonèrent des pertes en cas de difficultés de cette entreprise, au contraire. Or ils ne cessent de pousser pour obtenir une rémunération permanente qui se traduit souvent par des licenciements (les licenciements « boursiers »). Sans contrôle ni même une « régulation » minimale, le système bancaire et financier libre de contraintes continue à s’emballer comme le démontre encore le récent scandale de la manipulation des taux du Libor et peut-être de l’Eurobor qui touche la place financière de Londres et non seulement la Grande Bretagne, mais aussi d’autres banques européennes et américaines ou encore l’accusation contre la HSBC (grand groupe bancaire britannique international) de blanchiment d’argent. Or les britanniques ne veulent pas entendre parler d’un quelconque contrôle !
Enfin il reste le « découpage » des circonscriptions, taillées de manière à favoriser tel ou tel élu de telle ou telle majorité. A chaque changement de majorité, et hop ! On reprend les ciseaux.
Bref un ensemble de faits politiques qui n’est pas digne d’un pays comme la France, ni des Français qui ont toujours, malgré tout, la politique chevillée au corps (se rappeler l’enthousiasme avec lequel les Français de toutes catégories sociales se sont emparés de la question de la Constitution européenne, comment en pleine conscience ils ont voté Non et comment ils ont été trahis par la direction PS – dont Hollande - comme par la droite). Ils trouvent là avec l’abstention, même si c’est regrettable, un moyen de sanctionner la « classe politique » ou la « caste » comme disent les Italiens car il y a de plus en plus de sièges électifs qui deviennent une sorte de « patrimoine familial » et qui se transmettent aux fils ou aux filles, comme en Grèce (les dynasties Papandreou, Karamanlis, etc.).
Il est clair que la majorité parlementaire ne pourra pas se réfugier derrière le fait qu’elle est brimée par la droite pour réaliser son programme ou ses promesses électorales. Elle sera jugée sur les faits et ses propres actions. Il est vrai que la tâche n’est pas facile. La situation économique de la France ne cesse de se dégrader et l’emploi de même. La part de son industrie dans la production et le commerce international ne cesse de se réduire. Le capitalisme français s’est non seulement internationalisé au point de menacer de délocaliser les sièges de grands groupes mais aussi il a recherché la collaboration des fonds internationaux qui sont là uniquement pour percevoir leurs prébendes.
La grande question pourtant est bien celle de la résistance de la nouvelle majorité et des solutions qu’elle va opposer à la fermeture planifiée avant les élections, mais retardée pour cela même, de toutes ces usines. Le Ministre du « redressement productif », A. Montebourg, a fort à faire, déjà, avec la fermeture d’Arcelor Mittal et maintenant le site d’Aulnay de PSA (8000 postes en tout dans le groupe), d’autant plus qu’il ne semble pas que le PS ait élaboré un vrai plan de ré industrialisation.
La réalité est très rude. Il reste à savoir comment vont réagir les salariés face à ce désastre social, alors que les syndicats ne sont pas au mieux de leur forme, la CGT se déchirant sur la succession de B. Thibault, quant à la direction de la CFDT elle est toujours prête à pratiquer la politique du stylo pour signer les « réformes ».
Juillet 2012