L'Irlande parle pour tous

Dans le cadre d’une campagne où les partisans de la démocratie et de la souveraineté populaire se sont mobilisés contre l’oligarchie européenne, le peuple irlandais a redit haut et fort, malgré toutes les pressions, qu’il est de plus en plus urgent de briser le projet européen qui tourne le dos à l’internationalisme des peuples, des nations et des États.

Loin de rapprocher les pays, le projet de l’Union européenne est de les dissoudre dans un amalgame fondant les différents impérialismes européens et le reconstruisant sous la forme d’un seul. L’idée d’une unité européenne a naturellement bénéficié, spontanément, du besoin de chaque peuple d’en finir avec les guerres qui se sont succédées, alimentées par la soif de l’impérialisme le plus puissant pour imposer son hégémonie économique et militaire sur le continent.

Les XIXe et XXe siècle en ont souffert le martyre au-delà même de l’Europe ! Jusqu’au traumatisme nazi quand la bourgeoisie allemande menacée par la montée de la révolution socialiste s’est livrée à Hitler. Il en a découlé une telle horreur et des souffrances sans limites, que les besoins sociaux, politiques et démocratiques lors de la Libération ont nourri «l’espoir d’un monde nouveau», alors même que rien ne montrait que les bourgeoisies européennes étaient décidées à laisser la place aux peuples. Au contraire, elles ont réussi à conserver leur pouvoir de classe coûte que coûte. On a pu vérifier le maintien de leur ambition impérialiste en jetant un regard un peu plus loin : dans «leurs colonies» où elles n’ont pas hésité à massacrer et à imposer des guerres de longue durée contre la libération des peuples qu’elles dominaient encore, afin de préserver leur «ordre» pour piller les matières premières du dit tiers-monde.

Ce sont ces mêmes classes, ces mêmes bourgeoisies qui osent nous vendre un avenir de paix sous l’étiquette d’une Union européenne.

En réalité, il n’est pas question de paix mais de rapports de forces internes et de politiques qui conduisent à la guerre, selon les circonstances et l’importance des contradictions. Il n’est donc plus question d’un impérialisme parmi d’autres. L’affaire se présente sous une autre forme. Ils n’en feraient plus qu’un, plus fort, plus rassemblé contre les peuples : l’Europe, cherchant à étouffer ses contradictions en les projetant dans l’avenir.

Où a-t-on vu que nos classes dirigeantes avaient réellement changé ? Le même système que celui d’hier produit les mêmes mœurs, les mêmes privilèges et les mêmes ambitions. Le profit, l’argent reste le moteur de nos sociétés… Après avoir cédé des avantages sociaux sur le temps de travail et les salaires contraints par les manifestations et les luttes qui ont suivi la seconde guerre mondiale, ils ne songent qu’à reprendre ce qu’ils ont été obligés de lâcher. Quarante ans après mai 1968, les grandes grèves et les manifestations populaires, ils n’ont de cesse de revenir en arrière.

L’Union européenne c’est cela. Dans cette euphorie totale – que l’on ne trouve que chez les cercles dirigeants –, elle s’élargit sans cesse. Elle précipite l’éclatement de la Yougoslavie, participe à ses guerres et intègre rapidement dans son marché impérialiste les pays qui se détachent du glacis dit soviétique et, avant même qu’ils renaissent réellement à la démocratie, ils adhèrent à l’Union européenne en passant d’abord par la voie impériale de l’Otan ! Enfin, ils partent même en guerre sous la bannière étoilée des USA en Irak.

La nature de cette Europe est artificielle et antidémocratique

Ses constructeurs le savent parfaitement et n’ont de cesse de lui imposer des structures administratives, contraignantes et autoritaires. Le droit dit européen s’impose aux autorités nationales. Après s’être donné un Parlement, qui n’émettait que des vœux, ce dernier s’est donné une constitution qui a été soumise depuis par référendum en France, aux Pays-Bas et à l’Irlande qui l’ont rejetée. Peu importe ! La volonté populaire est une particularité qui ne compte pas quand elle gêne. Néanmoins, faire revoter représenterait un gros risque. Les maîtres de l’Europe décident alors d’adopter à Lisbonne un mini-traité qui fera l’affaire de l’oligarchie et étouffera les consciences, sur la proposition du chef de l’État français – véritable forfaiture par rapport à son {jo_tooltip} Note, que nous reprenons de la déclaration du Mouvement politique d'éducation populaire (M'PEP). Le 9 mai 2004, Nicolas Sarkozy s’exprimait ainsi à la Conventions nationale de l’UMP : « À chaque grande étape de l’intégration européenne il faut donc solliciter l’avis du peuple, simplement. Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français que la Constitution européenne est un acte majeur et d’en tirer la conséquence qu’elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l’on prenne la peine de solliciter directement l’avis des Français […] Je crains dans ce cas (vote parlementaire) une réaction d’incompréhension sévère de nos compatriotes.» | peuple {/jo_tooltip}. En fait de mini-traité nos chefs d’États européens disposent maintenant d’un très gros volume d’attendus dont ils peuvent se servir.

Nul doute, les votes des Français, des Néerlandais, et sans aucun doute celui des Irlandais seront bafoués.

Cela pourra peut-être dégriser les esprits nombreux et généreux qui persistent toujours dans la voie heureuse d’une seule Europe modèle, sociale, généreuse, civilisée, pacifique, parlant une seule langue courante, celle de l’Empire, quoi de plus naturel puisque nous savons que de moins en moins d’étudiants européens apprennent la langue de leurs voisins. Nos «médias» font le boulot de leurs propriétaires.

Certes, les critiques sont nombreuses chez les partisans de l’Europe qui la voudraient « heureuse », unique, sans conflits, surtout sans frontières intérieures et naturellement « sociale ». Justement c’est la plus grande bêtise qu’ils commettent et les empêchent de penser politique et d’agir comme on dit : ici et maintenant.

Pris au piège de la mondialisation ils ont oublié les peuples, leur histoire, leurs particularités, leurs goûts, leurs paysages et leur architecture, leur littérature, leur art, tout ce qui fait le caractère qui nous réjouit de chaque nation et dont tous nous avons besoin. Leur «altermondialisme» les a égarés et compromis avec les promoteurs de la «mondialisation» et le monde qui va avec.

Les socialistes, communistes, anarchistes, le comprenaient. Ils étaient fondamentalement internationalistes. Ils voulaient ce que l’on veut avant tout : la paix universelle qui s’impose intégrant la compréhension des différences qu’ont les peuples et leur respect en défendant leur souveraineté populaire, nationale, hors tout impérialisme européen, américain ou autre. Ce que tout socialiste convaincu devrait défendre : les États-Unis d’Europe en opposition à tout impérialisme.