Comme nous l'avons déjà dit, la situation en Argentine est grave mais pas sérieuse.

Alors que Cristina Fernández, la Présidente sortante, dansait une cumbia sur le balcon de la Casa Rosada, le bloc du Front pour la victoire « FpV » se divisait au Sénat de Buenos Aires ainsi qu’ au Congrès National entre justicialistes et Kirchneristes ; alors que la majorité des élus, issus des dernières élections, fêtait leur sella curulis (symbole du pouvoir à Rome), et non celle des Macristes (partisans de Macri, le nouveau Président) - donnant ainsi un rare exemple d'anti démocratie et allant jusqu’à boycotter sa prise de fonction - d’autres s’impliquaient dans le show Macri.

De son côté, Mauricio Macri, gai comme un pinson, dansait le rock sur le balcon même, où la veille au soir Cristina avait dansé la cumbia et reçu certains présidents des régions et des « personnalités étrangères » de second ou troisième ordre comme le chef corrompu de la famille corrompue des Bourbons, Juan Carlos l'africain, tueur d'éléphants.

Puis, après avoir prononcé son discours « programmatique » dans lequel il ne mentionne ni les travailleurs, ni les syndicats, ni les retraités, ni ne présente ses projets économiques au moment même ou les entreprises organisent une importante vague de hausses de prix, ou l’on parle d’une dévaluation de 50 % de la monnaie, tandis que les syndicats menacent déjà Macri pour une hausse des salaires compensant la chute des revenus du peuple.

La bataille dans la lumpen bourgeoisie, entre Macri, ses disciples, et Cristina et les siens, se fait dans le dos du pays, sans échanges d’idées et n’est pas sans comique involontaire : la television officielle, comme le journal sérieux La Nation et La Izquerda - le journal trotskiste du Front de gauche des Travailleurs (FIT) - ont sérieusement fait écho de ces différents vaudevilles, digressant sur le bâton de commandement et l'écharpe présidentielle (symboles du pouvoir) et en titrant sur « le passage des attributs » dans un article qui transforme Cristina en donneuse involontaire d’organes et Macri en transsexuel grâce à cet apport. Comment peut-on respecter la puissance dans un pays devant ce niveau de lutte « politique » » et de leadership ?

Dans le camp de Kirchner, on ne se pose jamais la question du pourquoi. Il était clair que son candidat, Scioli, devait gagner au premier tour. Pourquoi personne n’a-t-il prévu les résultats, ni compris le pays réel et pourquoi l’importante majorité gagnée en 2011 s’est défaite en à peine quatre années pour finir sur le triomphe de Macri ?

Personne ne s'interrogea sur l'attitude anti-travailleur du gouvernement de Cristina Fernandez, sur la corruption de ses fonctionnaires, sur les lois anti-travail, sur la lutte contre le terrorisme et les lois contre les piquets de grève, ni se demanda pourquoi les gouverneurs Kirchneristes et l’Opus Dei ont approché Macri et le ministre de la Technologie de Cristina (connu pour être un agent de Monsanto) qui est aussi maintenant devenu son ministre?

Pourquoi, lorsque la baisse du prix du pétrole le rendait bon marché et plus facile à importer qu’à produire, l’absence de bilan, de plan d’action ou de projet alternatif a porté un coup mortel à l’YPF, la compagnie pétrolière, et enterré le projet de fracturation hydraulique ?

Un secteur du FIT (Partido Obrero) a pensé, ignorant que 95% des électeurs avaient opté pour une politique bourgeoise sous différentes variantes, qu’il y avait une débandade du kirchnerisme et l’ouverture d’une situation révolutionnaire. Ailleurs, le STP (syndicat péroniste) n’a pas fait le bilan de l’échec du vote blanc et propose seulement l’agitation syndicale.

À gauche, on n’analyse pas la situation sociale et on ne sait pas très bien que faire sauf résister à la politique macriste.

Au Venezuela, comme certains l’avaient prédit, des millions d’ex-chavistes ont choisi la droite pro-impérialiste. C’est donc ridicule d’attribuer cela à la pression impérialiste. De même c’est une erreur de parler de la défection des classes moyennes en oubliant que le chavisme initial consistait à attirer une partie d’entre elles sur son programme. En Argentine aujourd’hui ce sont des millions de travailleurs qui ont rejoint l’opposition, pour lui donner la majorité.

En 17 ans le chavisme n’est pas arrivé à construire une économie rurale capable de nourrir le pays de manière autosuffisante. Ni de mettre en place un système de marchés populaires contrôlés par la base qui garantisse une distribution efficace et bon marché des aliments et produits de première nécessite.

Maduro lui-même a dénoncé en différentes occasions les entreprises fictives qui volaient le fisc et alimentaient la contrebande et déclaré que certains fonctionnaires y participaient.

Chavez et ses successeurs voulaient utiliser les revenus du pétrole pour moderniser l'Etat capitaliste mais ils n’ont rien fait pour diminuer la dépendance de son pétrole au marché mondial. À la fin de sa vie, Chavez avait compris qu’il fallait détruire cet Etat semi colonial et en construire un autre, un changement d’orientation, s’appuyant sur les Communes, la planification et le pouvoir populaire.

Maduro a étouffé cette intention en noyant la participation des travailleurs, en les plaçant sous la subordination des militaires et des gouverneurs et sous la dépendance de l’appareil du Parti socialiste unifié, qui s’identifie avec la bureaucratie d'État alliée à la « bolivaro-bourgeoisie », et contre les révolutionnaires du PSUV et du gouvernement qui furent expulsés.

Il a pensé qu’il était possible de gouverner, avec une rhétorique minable, en réunissant sous la même bannière les chavistes mécontents, accusés comme agents de l’impérialisme, et des contre révolutionnaires, comme Capriles ou Lopez.
Il a voulu créer un bloc solide avec les forces armées en exagérant les conflits réels avec la Colombie ou la Guyane, alors que les forces armées se divisaient sur des différences de classe, et que plusieurs militaires ont soutenu la droite.

Pour réorganiser le processus bolivarien, il faut prendre des mesures et créer un autre Etat en s'appuyant sur les travailleurs.

Mexico
Décembre 2015